Expo : Carte blanche à Chiharu Shiota - Living Inside - Musée national des Arts Asiatiques - Guimet - Jusqu'au 6 juin 2022

 


Quatorzième édition de la carte blanche aux artistes contemporains, la plasticienne Chiharu Shiota investit la rotonde du Musée national des Arts Asiatiques - Guimet. « Living inside », installation troublante, évoque l’expérience du confinement en temps de pandémie mondiale. Confrontation individuelle et collective aux mesures sanitaires liées à la crise sanitaire, les circonstances inédites ont conduit à l’acceptation de mesures protectrices mais limitantes, oppressantes et angoissantes. Cette aliénation a réduit l’expérience de vie au foyer, au cocon familial. Les êtres claquemurés derrière leurs murs, privés de la société humaine ont été isolés dans un cadre domestique devenu symbole d’enfermement rassurant et anxiogène. « Living Inside » embrasse le jeu des échelles paradoxales, confrontation de la monumentalité de l’installation monumentale et des motifs de la maison de poupée, restriction de l’espace des possibles. Objets minuscules, mobiliers et accessoires domestiques se trouvent pris dans une trame inextricable de grande envergure. Les univers miniatures des espaces intimes, paysages mentaux réduits aux habitations, rappellent l’impossibilité de quitter physiquement le nid. Le monde extérieur se trouve relayé au statut de souvenir. A travers cette première exposition solo de l’artiste dans un musée français, Chiharu Shiota interroge les échappatoires et les nouveaux modes de connexion généralisés durant la pandémie. Le lien virtuel et les rapprochements désincarnés procèdent d’un leurre technologique propice au commerce d’outils de communication toujours plus perfectionnés, plus chers dont la production entraîne l’épuisement des écosystèmes. 








Née en 1972 à Kishiwada, Chiharu Shiota a représenté le Japon en 2005 à la Biennale de Venise. Elle a vécu le confinement à Berlin où elle vit et travaille depuis 1997. La plasticienne imagine des installations immersives, invitations à se laisser happer à l’intérieur de l’oeuvre. Quatrième Parques, maîtresse des destinées, Chiharu Shiota trace des lignes qui se rassemblent, s’étendent, se brouillent dans leur multiplication, prévalence vibratoire du rouge, symbole de vie tout autant que de violence. Elle tisse, déchire, coupe, entrelace les brins de laine écarlate. Les structures arachnéennes rayonnantes, spirales montantes, rendent l’intérieur tangible à l’extérieur, à l’instar d’un écorché, vascularité organique, fascinante, inquiétante. 

« Living inside » génère un sentiment paradoxal d’enveloppement bienfaisant et d’enfermement claustrophobique. L’enchevêtrement inextricable de fils investit l’espace, dessine des entrelacs fragiles. Les lignes presque imperceptibles individuellement forment un dense réseau rougeoyant. Chiharu Shiota tend ses filets, piège les objets dans ses toiles impénétrables. Elle tresse des nasses, rets de la mémoire, capture le souvenir et le fantasme. La complexité de l’architecture met en scène les espaces mentaux. Le réseau de lignes géométrise le champ d’intervention. 







Les fils métaphoriques lancés par Chiharu Shiota rattachent et séparent les souvenirs comme les individus. Ces lignes tendues suggèrent la dématérialisation des rapports humains. La ligne rythme le processus, précision du geste, maîtrise. La nature éphémère de ces interventions in sitù détermine une temporalité alternative, celle du souvenir entre mouvement et immobilité. L’oeuvre perdure dans la mémoire et le rêve, présence mentale désincarnée qui renvoie à la finitude de toute chose. Les installations contemplatives de Chiharu Shiota convoquent le sentiment puissant d’incertitude. L’art connecté à la vie suscite l’émotion. Les fils fragiles de l’existence, matière d’un imaginaire foisonnant, se tendent à travers l’espace dans une évocation vibrante de la condition humaine. 

Quatre œuvres installées dans la bibliothèque et les salles des collections japonaises permanentes complètent cette carte blanche. Chiharu Shiota est représentée en France et en Belgique par la galerie Daniel Templon.

Carte blanche à Chiharu Shiota - Living Inside
Jusqu’au 6 juin 2022

6 place d’Iéna - Paris 16
Tél : 01 56 52 54 33
Horaires : Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.