Eté 1963, village de Petit Goâve en Haïti. Vieux Os, un gamin de dix ans en convalescence après une longue fièvre, observe le monde tel qu’il va. Il passe ses journées sur la galerie de la maison en compagnie de sa grand-mère Da laquelle prépare un café des Palmes, son favori, aux arômes généreux. Elle offre des tasses aux villageois qui passent, écoute les histoires des uns et des autres, petit cercle familier. Le vieux chien Marquis, estropié par une voiture luxueuse, manifeste désormais une haine toute particulière envers certains au volant de véhicules suspects. Pour Vieux Os, à l’âge de l’innocence, pas encore les tourments de l’adolescence, le quotidien est une aventure, les sentiments intenses, les émotions entières. Avec ses amis pour la vie, Auguste, Frantz, Rico, il s’ennuie à l’école, imagine des bêtises de chenapans. Et puis il y a les filles aux yeux tendres, la cousine Didi, la belle Vava dans sa robe jaune. Vieux Os semble vivre dans l’insouciance naïve de l’enfance, troublée parfois par des cauchemars, tandis que Papa Doc et ses Tontons Macoutes font régner la terreur.
« L’odeur du café » replace le narrateur, le jeune Winston de dix ans, pas encore Dany mais surnommé Vieux Os, au cœur de réminiscences heureuses, fragiles, sensorielles. L’auteur saisit en quelques mots les parfums, les couleurs. Il peint par touches expressives des images vibrantes de la nature, la mer au-delà des cocotiers, la vie des rues, le village et ses querelles de voisinage, les ambiances si particulières d’une petite communauté où tout le monde se connaît. Dany Laferrière déploie cet univers familier, théâtre d’une enfance haïtienne, au fil d’une plume élégante et sensuelle où le rire communicatif, l’humour piquant sait se faire ironie tendre. Mythologie personnelle d’une enfance heureuse placée sur la figure tutélaire d’une merveilleuse grand-mère.
Au gré de saynètes où affleurent poésie et drôlerie, Dany Laferrière nous invite à le suivre dans ses déambulations nostalgiques à travers le souvenir, douce rêverie. Les légendes et la magie, les pratiques vaudoues ancestrales et le christianisme imprègnent les imaginaires. La narration suit l’esprit vagabond au gré de la mémoire, savoureuses anecdotes, instantanés du quotidien, truculents, joyeux. Il ne fait pourtant l’impasse ni sur la tristesse ni sur la colère du gamin privé de ses parents. Les enfants sentent tout à défaut d’être informés des détails des situations tragiques. Les situations cocasses succèdent aux rêves et à l’expression des peurs. Le microcosme de Petit-Goâve reflète la chaleur, l’humanité d’une population qui tente de cacher le pire à ses enfants.
Vignettes, courts textes indépendants, flux naturel de la pensée, les récits espiègles embrassent le décalage léger de candeur et d’émerveillement. Dany Laferrière saisit la poésie dans le regard de l’enfant et nous offre un recueil au charme puissant tout en sourire et émotions.
L’odeur du café - Dany Laferrière - Editions Typo
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