Paris : 116 rue Réaumur, architecture post-haussmannienne, éclectisme foisonnant épuré à la suite d'un ravalement radical - IIème

 

Au 116 rue Réaumur, l’immeuble à pan coupé est édifié en 1897-98 pour la Maison Storch, producteur de textiles destinés à l’équipement du soldat, notamment la flanelle et le molleton. L’entreprise fait appel à l’architecte Albert Walwein (1851-1916). Tout au long de sa carrière, il s’illustre par un style éclectique tardif, post-haussmannien. Walwein applique ce programme esthétique à l’édifice du 116 rue Réaumur, distingué lors du tout premier concours de façades de la Ville de Paris, limité alors à la rue Réaumur, en 1897. De nos jours, le rez-de-chaussée et l’entresol richement ornés sont les seuls éléments originels préservés de cette façade primée. L’immeuble a subi un ravalement radical dans les étages à l’occasion duquel la majorité des décors de la façade a disparu. La nouvelle sobriété des élévations, surfaces vitrées importantes, lignes droites, géométrie rigoureuse, contraste avec le foisonnement formel du programme décoratif initial du rez-de-chaussée et de l’entresol. 








La porte ourlée d’une frise de feuilles de laurier est surmontée d’une arcade ornée d’un médaillon néo-rocaille à thème mythologique. La scène classique représente Vénus se contemplant dans un miroir tendu par deux putti. Le caducée frappé du symbole de Mercure, dieu du Commerce et d’une corne d’abondance annonce la vocation marchande de l’édifice. L’arcade est flanquée de deux atlantes imposants. Ces hercules drapés dans des dépouilles de lion pris dans une gaine à volutes soutiennent la corniche supérieure et le balcon. La composition soulignait l’enseigne commerciale gravée dans la pierre dont il reste le cadre. A l’origine deux cariatides engainées répondaient à ces atlantes au cinquième étage de la baie ouverte dans le pan coupé.

Le percement de la rue Réaumur, sur un tracé compris entre les rues Saint-Denis et Notre-Dame-des-Victoires, débute en 1895. Cette nouvelle voie appartient au programme haussmannien dès 1864. Sa mise en oeuvre tardive a permis aux architectes de s’émanciper de l’esthétique uniforme imposée par le règlement d’urbanisme.

Ainsi la rue Réaumur, inaugurée en 1897 par le président Félix Faure, devient un laboratoire d’idées et d’innovations formelles. Les terrains lotis se caractérisent par la modernité des aménagements techniques. Produits à forte valeur ajoutée, ils attisent la convoitise des entreprises cherchant à manifester leur réussite. L’édification d’immeubles mixtes, associant activités commerciales et logements reflète le développement économique du quartier autour de la Bourse. Les banques s’associent aux maisons de commerce. Le secteur de la confection réunit à la fois les fabriques textiles, les boutiques de gros et les grands magasins tels que À Réaumur. 







Le concours de façade de la Ville créé en 1897, tout d’abord circonscrit à la rue Réaumur, s’étend dès 1898 à tout Paris. L’événement cherche à promouvoir une rupture avec l’uniformité haussmannienne. Les lauréats reçoivent une médaille d’or ainsi qu’une prime de mille francs. Les immeubles récompensés sont exonérés de la moitié des droits de voirie relatifs aux bâtiments neufs. La compétition suscite l’engouement des architectes les plus innovants, attirés par le prestige de cette médaille, par ailleurs excellente réclame pour leur agence. Le concours intéresse les propriétaires pour les dégrèvements importants qu’il promet.

Les révisions successives du règlement d’urbanisme alimentent l’inventivité. En 1902, la levée de la plupart des contraintes permet de rompre avec l’architecture haussmannienne. Des bâtiments très variés embrassent un éclectisme pittoresque ou une épure rigoureuse. L’esthétique chargée d’une abondance de motifs et de signes côtoie la célébration des structures métalliques, géométrie des surfaces vitrées.

116 rue Réaumur - Paris 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Paris - Mille Monuments - Kathy Borrus - Editions Menges

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