Ailleurs : Cathédrale Saint Etienne de Metz, dix anecdotes insolites pour découvrir un chef-d'oeuvre gothique



La Cathédrale Saint Etienne de Metz, église principale du diocèse de Metz, dresse son élégante silhouette gothique vers le ciel de la Moselle. La pierre de Jaumont, pierre de calcaire à laquelle l’oxyde de fer confère une couleur jaune caractéristique, employée pour sa construction incarne à elle seule un certain terroir architectural. Du fait de ses nombreux vitraux, la Cathédrale Saint Etienne de Metz a été surnommée la "lanterne de Dieu". Elle possède une surface vitrée de près de 6 500m2, la plus grande au monde, et l’une des plus importantes verrières gothiques d’Europe. Sa nef dont la voûte s’élance à 41 mètres de hauteur est la troisième plus haute nef de France. Un oratoire du Vème siècle, agrandi lorsque Metz devient capitale de l’Austrasie au milieu du VIème siècle, a donné naissance à une basilique ottonienne puis à une cathédrale gothique carolingienne. A la fin de la Renaissance vers 1220, l’évêque Conrad de Schargenek suggère la construction d’une cathédrale dédiée à Saint Etienne. Le projet est confié à Pierre Perrat qui en sera l’architecte principal. Le chantier dure près de trois siècles. Les travaux débutent entre 1220 et 1240. Ils prennent fin entre 1520 et 1552. De nombreux apports et modifications se prolongent jusqu’au XXème siècle. La Cathédrale Saint Etienne de Metz, classée au titre des monuments historiques depuis le 16 février 1930, a fêté officiellement ses 800 ans en 2020. L’occasion de revenir sur dix anecdotes insolites pour découvrir mystères et légendes, inventions archéologiques et merveilles de l’art du vitrail au cœur de cet édifice unique.











1/ La Cathédrale a été dédiée à Saint Etienne, premier martyr chrétien, par un effet de mode du Vème siècle
En 415, la découverte de la sépulture de Saint Etienne à Jérusalem provoque un essor du culte de ce saint en Occident. Les reliques se multiplient. De nombreuses cathédrales et lieux de culte lui sont consacrés au Vème siècle parmi lesquels se trouvent Adge, Auxerre, Bourges, Cahors, Châlons-en-Champagne, Limoges, Meaux, Sens, Toul, Toulouse… L’oratoire de Metz, sanctuaire originel, où est placé l’une de ces reliques, aujourd’hui conservée dans le trésor de la cathédrale, est le seul monument épargné par les Huns d’Attila lors du sac de la ville le samedi Saint 7 avril 451. La population y voit le signe d’un miracle et l’oratoire devient très populaire au point qu’il accueille bientôt le siège de l’évêché.  

2/ La réputation sulfureuse de l’architecte Pierre Perrat (1340-1400)
Le nom de Pierre Perrat, le principal architecte de la cathédrale, est nimbé de mystère. La splendeur de la cathédrale, prodige technique en son temps, fait naître la suspicion. Elle est trop belle pour être l’oeuvre d’un homme. La légende raconte que l’architecte aurait noué un pacte avec le diable pour achever la voûte de la cathédrale, échangeant son âme et son corps « une fois en terre » contre une aide satanique. Par la suite, pris de remords, l’architecte se confie aux chanoines de la cathédrale. Afin de déjouer les plans du Malin, ils ont l’idée de ne pas enterrer Pierre Perrat à sa mort, mais de l'emmurer dans la cathédrale. Impossible pour le diable de récupérer son dû. Le courant d’air familier autour du grand bâtiment serait toujours selon la légende le démon tentant de s’emparer de l’âme de l’architecte dont la location exacte de la sépulture demeure un mystère. 

3/ Saint-Etienne de Metz serait le berceau du chant grégorien 
Saint Chrodegang (712-766), évêque de Metz, l’un des acteurs de la renaissance carolingienne, invite le pape Etienne II et sa suite à Metz. Les chantres papaux pratiquent le chant romain qui inspirent les Francs donnant naissance au chant messin, ancêtre du chant grégorien. Saint Chrodegang mène les réformes de l'Église que Pépin et le pape envisagent : renforcer et uniformiser les structures ecclésiastiques du royaume, réunir des conciles qui rassemblent le roi et les clercs des provinces du royaume, unifier l’église sous la liturgie romaine. Il contribue à faire de Metz une capitale de la réforme et de cette liturgie. Il fait déposer les reliques de Saint Nabord à Saint-Avold et de Saint Gorgon à Gorze. Un morceau du crâne de Saint Chrodegang est conservé dans l’un des reliquaires du trésor de la cathédrale de Metz. 











4/ La Cathédrale Saint Etienne de Metz est une nécropole riche en trésors 
Le 26 novembre 1874, Paul Otto Karl Tornow, architecte protestant, prend la direction du chantier de restauration de la cathédrale de Metz, doublées par des fouilles archéologiques qui révèlent dizaines de sépultures sous le transept Nord, le même nombre côté Sud. Dans la crypte, demeurent six évêques dont les sépultures vont être modifiées afin d’accueillir un jour Mgr Raffin et Mgr Lapleize ayant émis le souhait d’y être enterrés. Lors des travaux d’installation de la chaufferie, un trésor médiéval est mis à jour. Dans les sarcophages des tombes révélées, se trouvent une collection importante de calices et patènes, et à part, une quarantaine de croix d’identité en étain et en plomb. La pratique du viatique, placer des objets autour du défunt afin de l’accompagner dans l’au-delà, héritée de l’Antiquité, christianisée, abandonnée en Europe au cours du Moyen-Âge, perdure à Metz et en Lorraine jusqu’au XVIIIème siècle.

5/ Le chauffage au sol de la cathédrale date de 1904
En application du traité de Francfort, signé le 10 mai 1871 après la défaite française, l’Alsace-Lorraine est cédé par la France à l'Empire allemand. La ville de Metz est annexée. Les Allemands prennent grand soin de la cathédrale gothique et mènent un chantier de restauration auquel ils ajoutent une entreprise de confort très moderne. Afin de doter l’édifice d’un système de chauffage et de ventilation par le sol, le transept Est, sur toute sa longueur, est ouvert. L’installation perdure de nos jours et permet d’importantes économies de chauffage.

6/ Les vitraux politiques
Du XIIIème au XVIème siècle, la lutte de pouvoir les ducs de Lorraine et la République de Metz fait rage. Les évêques, soutiens indéfectibles du camp lorrain, chassés de la ville, n’auront parfois jamais l’occasion de visiter la cathédrale. Les chanoines prennent néanmoins le parti des évêques. Et se mêlent de décors grandioses à message politique. La verrière de Théobald de Lixheim au Nord datant de 1504 est ancrée dans le style gothique. Face à celle-ci, les vitraux du transept sud, verrière de Valentin Bousch de 1521 déjà tournée vers la Renaissance représente les donateurs, soit le chanoine Otto Savin, doyen du chapitre et son neveu Evrard Marlier, ennemis acharnés des Républicains messins. Cette présence est vécue comme une provocation. Mais pire encore, dévoilées en même temps, les lancettes du chœur également signées Valentin Bousch et de son atelier témoignent de l’affrontement politique. Donateurs, l’évêque Jean IV de Lorraine, ses parents René II et Philippe de Gueldre y figurent parfaitement reconnaissables. La foule des Messins, en colère, tente de briser les vitraux en vain. Ils sont trop hauts.











7/ La Charpente originelle datant de 1468 a entièrement brûlé en 1877
En 1877, l’empereur Guillaume Ier visite Metz et sa région. Un feu d'artifice est tiré depuis le toit de la cathédrale le dimanche 6 mai à partir de 21 heures en son honneur. Dans la nuit, le guetteur qui loge au-dessus de la Mutte lance l’alerte. Le toit de la cathédrale brûle. Il sera entièrement détruit. Néanmoins, les voûtes composées de moellons de 30 cm d'épaisseur tiennent et préservent l’intérieur de la cathédrale. L’ancienne charpente de bois et la couverture en ardoise sont remplacées entre 1880 et 1882 par des fermes métalliques à « la Polonceau », avec une couverture de plaques de cuivre. 

8/ Une collection de graffitis savoureuse
Le long du chemin arrière du chœur de la cathédrale, des dates, des signatures, marques vandales, signes du temps, évoquent l’histoire du lieu et la présence des tailleurs de pierre, clercs, pèlerins, premiers touristes. La plus ancienne, un nom Hognon, daterait de 1500.











9/ Les vitraux de Marc Chagall devaient être signés Jean Cocteau
En 1961, Jean Cocteau est contacté pour créer une série de vitraux. Les motifs des œuvres qu’il propose ne conviennent pas au comité des Monuments historiques. Pour ne pas froisser l’Immortel, ils seront placés dans l’église médiévale de Saint Maximien. La création des vitraux sera finalement confiée à Marc Chagall. Ces œuvres tardives vastes compositions conçues pour jouer avec la lumière attirent les visiteurs en grand nombre.

10/ L’Œuvre de la cathédrale joue un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine
L’Œuvre de la cathédrale, association à but non lucratif, est fondée le 21 mars 1885 par Mgr Dupont des Loges. Depuis le XIXème siècle, elle a permis la restauration du portail de la Vierge, la construction du grand portail, l’installation du chauffage central et d’un éclairage électrique, l’acquisition des stalles de la crypte et du grand chœur, la restauration de l’orgue suspendu et la remise en état de la grande sacristie.

Cathédrale Saint Etienne de Metz 
Place d’Armes - Metz



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.