Paris : Basilique Saint-Denis, histoire et secrets d'une nécropole royale - Les clefs essentielles d'une visite



La basilique Saint-Denis, église de style gothique au coeur de la ville de Saint-Denis, a été, depuis les Capétiens, la nécropole des rois de France. Quelques rois mérovingiens puis carolingiens ont choisi d'y reposer mais elle n'a réellement assis son statut qu'à partir du Xème siècle. Edifiée sur l'emplacement d'un ancien cimetière gallo-romain, supposé lieu de sépulture de saint Denis, premier évêque de Paris martyrisé par les Romains vers 270, cette ancienne abbaye royale est désignée comme basilique dès l'époque mérovingienne. Classée au titre des Monuments historiques par liste de 1862, elle devient cathédrale lors de la création du diocèse de Saint-Denis en 1966. Le jardin entourant a fait également l'objet d'un classement le 19 août 1926. Aujourd'hui, après avoir longtemps été boudée, délaissée jusqu'à la dégradation lente de son patrimoine architectural, la basilique de Saint-Denis retrouve peu à peu grâce aux grands travaux de restauration entamés en 2012 tout son lustre. Accueillant évènements culturels et expositions, elle redevient un centre d'attractivité important de la ville de Saint-Denis. Quelques pistes pour éclairer la visite.








1/ La légende de saint Denis : Placée sous le patronage de saint Denis, la basilique a bénéficié de la réputation de ce martyr, réputation amplement magnifiée par des abbés plein d'imagination, pour devenir un lieu de pèlerinage très prisé dès le Vème siècle. Prédicateur venu de Rome pour évangéliser la Gaulle, Denis a été le premier évêque de Lutèce. Victime des persécutions romaines contre les chrétiens, Denis et ses fidèles compagnons le prêtre Rusticus et le diacre Eleuthère seront décapités vers 258 ou 272 selon les sources. 

Dans le recueil Vie de sainte Geneviève paru vers 520, le nom de saint Denis est lié à un mausolée que la sainte patronne de Paris aurait fait élever. Geneviève (née vers 420 et morte vers 500) aurait témoigné de sa dévotion envers l'évêque en faisant ériger une église au-dessus du tombeau-sanctuaire consacré aux trois martyrs. Au VIème siècle, Dagobert Ier, sensible à ce lieu de pèlerinage décide d'y placer sa tombe. Au sud de l'église, il fait construire une abbaye royale à qui il accorde l'indépendance par rapport à l'évêque de Paris, y ajoute une foire franche et des privilèges fiscaux. Les bâtiments monastiques de cet ensemble, reconstruits au XIIème siècle puis au XVIIIème siècle, ont abrité jusqu'à 180 moines. En 1802, Napoléon Ier les affecte à une maison d'éducation de la Légion d'honneur.









Jusqu'au IXème siècle, saint Denis, canonisé, demeure un martyr relativement modeste en miracles mais Hilduin, abbé de Saint-Denis, à travers sa Passio sancti Dionysii rédigée entre 835 et 840 va réécrire sa légende. Il l'assimile alors au mystique Denis l'Aréopagite et accroît son prestige miraculeux en validant le mythe de céphalophorie lumineuse. Dans son oeuvre, il raconte qu'après sa décapitation, l'évêque Denis aurait marché, sa tête sous le bras, depuis Montmartre (Mons Martyrum) jusqu'à Catolacus, future ville de Saint-Denis.

Rédigée en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, La Légende dorée narre vies et miracles d'environ 150 personnages saints, saintes et martyrs chrétiens dont l'existence est plus ou moins avérée. Cet ouvrage reprend avec soin et quelques fioritures supplémentaires les élucubrations de Hilduin. Un manuscrit enluminé datant de 1317, commandé par les abbés de Saint-Denis sous le règne de Philippe le Bel et, de nos jours, conservé à la Bibliothèque nationale de France, Vie de saint Denis prolonge la mythologie. Ce texte ajoute qu'au bout de son parcours, avant de s'écrouler Denis aurait confié sa tête à Catulla, femme pieuse de la noblesse romaine. La légende est en marche.












2/ La nécropole royale : La reine Arégonde, l'une des sept épouses du roi Clotaire Ier, morte entre 573 et 579 serait la première souveraine à avoir trouvé sépulture dans la basilique. C'est peut-être en hommage à cet héritage qu'elle devint l'église du sacre des reines de France. Jusqu'au Xème siècle, l'abbaye royale de Saint Denis fait figure de nécropole comme une autre, concurrencée par d'autres sanctuaires dont celui de Saint-Germain-des-Prés. 

Son statut de nécropole royale ne s'impose qu'avec les Capétiens. Y reposent 43 rois, tous les rois de France à l'exception de Philippe Ier mort en 1108, Louis VII en 1180, Louis XI en 1483, Charles X en 1836, Louis-Philippe en 1850, 32 reines et 10 grands serviteurs de la monarchie. Les 70 gisants et tombeaux monumentaux composent l'ensemble funéraire le plus important d'Europe.










3/ La construction de la basilique : Cette appellation désigne une église dont la vocation est funéraire mais également un sanctuaire élevé sur la tombe d'un saint construit hors les murs. La basilique de Saint-Denis qui possède ces caractéristiques dès le Vème siècle n'en demeure pas moins "basilique mineure".  Construite selon un plan à trois nefs, sur le modèle des bâtiments civils romains, elle est alors un important lieu de pèlerinage. A l'occasion de l'onction royale de Pépin le bref par le pape Etienne II en 754, l'église est agrandi et la crypte aménagée.

Au XIIème siècle, l'abbé Suger conseiller de Louis VI et de Louis VII décide de rénover la vieille église carolingienne afin de mettre en valeur les reliques de saint Denis dans un nouveau chœur. Il fait reconstruire sa façade de 1135 à 1140 et son chevet de 1140 à 1144 dans le style gothique qui se répand en Europe. Destiné à accueillir les tombeaux royaux, le transept de l'église abbatiale d'une ampleur exceptionnelle est construit sous Saint Louis de 1231 à 1281 dans un style gothique flamboyant.

Guerre de Cent ans, de Religion, troubles politiques, la basilique de Saint-Denis connaît un lent déclin. Au cours de la Révolution, en 1793, les dépouilles royales sont exhumées et jetées dans deux fosses communes, le toit en plomb fondu pour en faire des armes. Très dégradée, la basilique échappe à la destruction. 

En 1806, Napoléon Ier ordonne une restauration du bâtiment et restitue à l'abbatiale son statue de nécropole. Les travaux se prolongent tout au long du XIXème siècle sous la houlette des architectes des Monuments historiques. Se succèdent Jacques Cellerier de 1813 à 1819, François Debret de 1813 à 1846, Eugène Viollet-le-Duc de 1846 à 1879.









4/ Les grands travaux de restauration menés depuis 2012 : Après quelques avanies, presque oubliée, la basilique Saint-Denis retrouve sa flamboyance grâce aux travaux menés par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) d'Ile de France. Sous la direction de Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques, les trois portails médiévaux avec tympans et voussures sculptés ainsi que la façade occidentale ont été nettoyés et restaurés révélant la blancheur de la pierre et les rehauts de polychromie dont les inscriptions en rouge et or, les chiffres de l'horloge en bleu. 

A l'intérieur, le nettoyage des deux travées, côté sud, a nécessité d'employer une technique par cataplasmes et compresses. Le grand lustre du chœur a pu être réinstallé tandis que des sas en bois derrière les portes principales ont été aménagés en utilisant d'anciennes boiseries néo-gothiques déposées par Viollet-le-Duc. La restauration des vitraux - la rosace du transept sud, les vitraux des parties hautes du XIXème siècle, les vitraux des parties basses du déambulatoire dont plusieurs datent du XIIème siècle - vient de prendre fin. A venir la restauration de la façade sud dont les parements inquiètent les architectes du patrimoine et le nettoyage des murs intérieur encrassés par les ans.










5/ Le projet de remonter la flèche de la tour nord : Construite entre 1190-1230, la flèche de la tour nord est au début du XIIIème siècle la plus haute d'Ile de France. Elle culmine alors à 85 mètres de haut, 90 mètres avec la croix. La tour et sa flèche restaurées en 1837-38, sous l'égide de l'architecte des Monuments historiques François Debret, sont gravement déstabilisées en 1846 par une tornade dite "trombe de Gonesse" alors que dans le même temps 12 clochers de la région s'écroulent. François Debret juge la fragilisation de la flèche dangereuse. En 1847 afin de consolider la tour qui la porte, il décide de la démonter pierre par pierre selon le principe d'anastylose, technique d'archéologie procédant de l'étude méthodique de l'ajustement des différents éléments qui composent l'architecture d'un bâtiment. Chaque bloc est numéroté. Les relevés linéaires du démontage sont d'une précision extrême. L'architecte fournit 70 planches dessinées et un plan de remontage très affûté. 

Eugène Viollet-le-Duc lance une polémique et parvient à évincer François Debret en le rendant responsable de la fragilisation qu'il attribue aux restaurations menées par son rival. Viollet-le-Duc a pour idée de refaire entièrement la façade de la basilique à son goût. Il parvient à mettre fin au projet de remontage mais ne trouve ni les subsides ni les autorisations pour mener à bien son propre dessein. C'est ainsi que l'édifice médiéval avec ses sculptures du XIIème siècle demeure, de nos jours, intact. Mais la flèche de la basilique Saint-Denis reste à terre.


Basilique Saint Denis 1844-45 Félix Benoist
Photographie anonyme avant démontage de la flèche




















Projet de façade de Viollet-le-Duc

Projet 2013 de la flèche nord
Crédit WNS-Studio Julie Guiches
Projet 2013 de la flèche nord
Crédit WNS-Studio Julie Guiches




L'idée du remontage de la flèche revient en 1987 lorsque le maire Marcelin Berthelot en fait l'un des enjeux pour sa municipalité. En 1991, une étude conclut à la possibilité technique et scientifique de cette entreprise. En 2013, Didier Paillard, alors maire de Saint-Denis, soutenu par Patrick Braouezec ancien député-maire de Saint-Denis, président de Plaine Commune depuis 2005 et l'écrivain Eric Orsenna, soumette l'idée d'un projet autofinancé par les visites du chantier, attraction touristique payante, à l'instar du château de Guédelon (Yonne). Le ministère de la Culture étant plutôt favorable au projet, la levée de fond 10 à 12 milliards d'euros devra néanmoins attendre la confirmation de trois nouvelles études, historique, technique, juridico-économique.

Basilique Saint Denis
1 rue de la Légion d'Honneur - 93200 Saint-Denis
Tél : 01 48 09 83 54
Infos visites groupes et scolaires : 01 49 21 14 87
Infos religieuses : 01 48 20 25 44

Accès
- En métro : Ligne 13, station Basilique de Saint-Denis (sans ascenseur) à 100m
- En voiture : À 9 km du centre de Paris : Porte de La Chapelle, puis A1, sortie Saint-Denis - centre ville. Le centre ville est piétonnier. Parking "Vinci", dénommé Basilique, aux abords du monument.

Horaires :
- Du 2 janvier au 31 mars
Du lundi au samedi 10h00 - 17h15
Dimanche 12h00 - 17h15

- Du 1er avril au 31 septembre
Du lundi au samedi 10h00 - 18h15
Dimanche 12h00 - 18h15 
  
- Du 1er octobre au 31 décembre
Du lundi au samedi 10h00 - 17h15
Dimanche 12h00 - 17h15
  
Dernier accès 30 min avant la fermeture - Fermé pendant certains offices religieux



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


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