Ailleurs : Cathédrale de Chartres, 10 clés pour une visite éclairée



La Cathédrale Notre-Dame de Chartres, chef-d’œuvre de l’architecture gothique, a retrouvé son lustre originel après une vaste campagne de restauration menée sous a houlette de l’architecte des Monuments historiques et conservatrice de la cathédrale Irène Jourd’heuil et l’ingénieur André Alazard. Cinq cathédrales, victimes plus souvent qu’à leur tour d’incendies, d’accidents et d’invasions destructrices, ont précédé l’actuel édifice religieux du XIIIème siècle, élevé et décoré entre 1194 et 1260. Les vestiges des constructions antérieures, tels que l’immense crypte du XIème siècle, le puits gallo-romain des Saints-Forts, les vitraux romans et leur inégalable bleu de Chartres demeurent des attraits essentiels de cette basilique. Notre-Dame de Chartres compte parmi les premiers exemples des cathédrales classiques dotées de fenêtres hautes et témoigne de la continuité formelle dans la transition entre l’architecture romane et gothique. Célébrée par les poètes et les écrivains Charles Péguy, Blaise Cendrars, Joris-Karl Huysmans, objet de fascination pour les peintres Corot, Soutine, elle était surnommée par Auguste Rodin « l’Acropole de la France ». Symbiose de l’architecture, des arts décoratifs, dépositaire d’un ensemble remarquable de vitraux et des décors sculptés représentant 3500 statues, la cathédrale illustre une vision harmonique, oeuvre d’art totale, qui participe largement de sa renommée internationale. Elle accueille en son sein 9000 personnages sculptés ou peints parmi lesquels 181 Vierges. Deux flèches, six cloches, la cathédrale de Chartres, visible à dix kilomètres à la ronde, domine la plaine de la Beauce. Classée aux Monuments historiques dès 1872, elle est inscrite par l’Unesco au Patrimoine mondial en 1979. Dix clés pour une visite, dix anecdotes marquantes.











1/ Série d’incendies et de dévastations, cinq cathédrales originelles

Selon la tradition visant à prendre l’aval historique sur le siège épiscopal de Sens, la construction de la première cathédrale de Chartres, désignée sous l’appellation de « cathédrale d’Aventin », nom du premier évêque de la ville, Aventin de Chartres, daterait de 350. Elle aurait été édifiée plus vraisemblablement au début du VIème siècle, au pied de l’enceinte défensive gallo-romaine. 

En 743 ou 753, les troupes de Wisigoths du duc d'Aquitaine et de Vasconie Hunald Ier mènent le sac de la ville et incendie cette cathédrale primitive. Un deuxième sanctuaire, plus grand, est bâti. Mais en 858, lors d’un raid les Vikings danois détruisent la cathédrale. Un troisième édifice religieux aux proportions plus généreuses est reconstruit dans la foulée par l’évêque Gislebert. En 876, Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, offre à l’évêché la Sainte tunique portée par la Vierge le jour de la naissance du Christ. Cette relique attire les fidèles et accroît la renommée de la cathédrale qui devient lieu de pèlerinage réputé. En 962, durant la guerre qui oppose Richard Ier, duc de Normandie, au comte de Chartres, Thibaud Ier de Blois, la troisième cathédrale est à son tour incendiée. En 1020, la foudre s’abat sur le quatrième édifice religieux qui brûle en grande partie. L’évêque Fulbert entreprend la reconstruction d’une cinquième cathédrale dans le style roman. Elle est achevée en 1028. Mais un nouvel incendie en 1030, rend nécessaire une restauration menée par l’évêque Thierry. La cathédrale est consacrée le 17 octobre 1037. 

En 1134, un incendie ravage la ville de Chartres. La cathédrale de Fulbert est préservée mais le terrain rendu libre permet d’envisager la création entre 1145 et 1150 d’une nouvelle façade, le portail royal, du clocher sud ainsi que la base de la tour nord. En 1194, le nouvel incendie épargne les cryptes, les deux tours. Le portail occidental supporte des dégâts mineurs. Les trois baies de vitraux en surplomb sont préservées ainsi que le vitrail, Notre-Dame de la Belle Verrière qui est remonté dans le déambulatoire. La relique la plus précieuse, la Sainte Tunique, mise à l’abri dans la crypte est également sauvée.

Entre 1194 et 1225, la cathédrale gothique voit le jour en un temps record. Les matériaux et les progrès techniques de cette époque de bâtisseurs vont la mettre à l’abri de nouveaux incidents dévastateurs durant longtemps. Pourtant, en 4 juin 1836, un incendie ravage la charpente de bois, la forêt, ainsi que la toiture de plomb. Une structure de fer inspirée par la coque des navires remplace l’ossature originelle. Les toits sont couverts de cuivre, matériau qui s’oxyde et confère à la cathédrale cette couleur vert-de-gris si singulière.

2/ Légende mariale et mythe du lieu de culte celte millénaire

Au XIVème siècle, les chanoines de la cathédrale désireux d’entretenir le prestige de Notre-Dame de Chartre, tissent une nouvelle légende se rapportant au culte de la Vierge. Cent ans avant notre ère, des druides carnutes auraient occupé une grotte dédiée à une certaine déesse mère. Les premiers chrétiens de l’époque romaine trouvant refuge dans cette grotte en font un sanctuaire consacré à « la Vierge devant enfanter », symboliquement représentée par une statue portant l’inscription « Virginia pariturae ». Vers 1420, le prédicateur Jean de Gerson reprend la légende à son compte alors que le grand roman national sur l’origine gauloise des Francs reprend de l’ampleur après avoir un temps été écarté. L'avocat au Parlement de Paris Sébastien Roulliard, pèlerin au sanctuaire de Chartres en 1608, popularise ce mythe des druides. Localement, il s’ancre profondément dans les mémoires. Une sculpture d’origine romane de la Vierge devant enfanter, datée du XIIème siècle, prend place dans la chapelle de Notre-Dame de Sous-Terre à l’intérieur de la crypte. Désormais chaque jour à 11h45, se déroule une messe dans l’un des plus anciens sanctuaires consacrés à la Vierge en Occident.









3/ Le Puits des « Saints Forts »

Une niche discrète abrite l’ouverture d’un puits, lieu le plus ancien de la cathédrale. La base carrée typiquement gallo-romaine du Puits des Saints-Forts, autrefois « Lieux forts », suggère qu’il a probablement été creusé dans l'enceinte de l'oppidum carnute d'Autricum. Profond d'environ 33,5 mètres, il est alimenté par la nappe phréatique qui circule sous la cathédrale et atteint les courants affluents de l'Eure. Jusqu’en 1020, le puits se trouve à l’extérieur de l’église avant d’être absorbé par l’édifice en expansion. Des vertus miraculeuses sont prêtées à ses eaux car dans ce puits auraient été jetés les corps des premiers martyrs chrétiens persécutés par les Romains.  En 2012, lors de la restauration, des spéléologues sont intervenus sur le puits sans y trouver aucune trace de restes humains. 

Au Moyen-Âge, le puits et la crypte où se trouve la statue de la Vierge devant enfanter, désignée aujourd’hui sous l’appellation de caveau de Saint-Lubin, vestiges de la cathédrale carolingienne du IXème siècle, attirent les pèlerins. Ces superstitions païennes chagrinent les rigoureux chanoines chartrains qui au milieu du XVIIème siècle, comblent le puits et dissimulent son emplacement. Au début du XXème siècle, l’historien local René Merlet retrouve sa trace et entreprend de le faire dégager en 1900-1901. Il cherche à attirer l’attention sur sa découverte en remettant au goût du jour la légende du lieu de culte celtique. Les fidèles financent la niche qui date de 1903. 

4/ Les vitraux remarquables du XIIème siècle 

Les vitaux de la cathédrale de Chartres représentent 2600m2 de surface vitrée répartis sur 172 baies. Réalisés en quinze ans, ils composent le plus bel ensemble datant des XIIème et XIIIème siècles. Cinq mille personnages peuplent ces créations de verre. Encrassés, abîmés par les phénomènes météorologiques, la pollution, ils ont nécessité dix ans de restauration au tournant des années 2000. Les quatre verrières du milieu du XIIème siècle, vitraux de l’ancienne cathédrale romane, ont traversé l’incendie de 1194 sans être endommagés. La baie la plus remarquable, Notre Dame de la Belle Verrière, représente une Vierge à l’enfant. La teinte particulière, typique de l’époque romane, le bleu de Chartres, se retrouve également sur les trois verrières occidentales dont L’arbre de Jessé. Pour obtenir ce bleu, les artisans-verriers utilise du verre sodique auquel ils incorporent du cobalt provenant de Russie, une matière première luxueuse, ainsi qu’un opacifiant l'antimoine, du cuivre et du fer. Au XIIIème siècle, la composition du verre change du fait de l’utilisation d’un fondant potassique. Le bleu du vitrail gothique obtenu avec de la manganèse moins onéreuse apparaît plus sombre. Contrairement à la plupart des anciens vitraux détruits lors des bombardements des deux conflits mondiaux, le très rare ensemble de la cathédrale de Chartres est préservé grâce au dépôt préventif des précieuses baies.










5/ La cathédrale gothique des records

A la suite de l’incendie de 1194, Renaud de Bar dit aussi de Mousson, évêque de Chartres de 1183 à 1217, cousin germain de Philippe Auguste, ordonne la construction de la cathédrale gothique, chantier exceptionnel tant par ses dimensions que sa rapidité. Entamé en 1194, le gros œuvre est achevé en 1225. Les porches, les voûtes et les pignons du transept, vont rapidement suivre. La cathédrale est consacrée le 17 octobre 1260. Certaines sources laissent entendre que l’incendie de 1194 aurait été provoqué volontairement dans le but de permettre à l’évêché de repenser la cathédrale afin d’en accroître encore le prestige. L’édification en un temps record, à peine une trentaine d’années, s’explique d’une part par l’influence et la richesse de l’évêque mais également par la réutilisation d’éléments en pierre de l’ancienne cathédrale romane, les deux tours, la façade du portail principal, 

6/ La cathédrale a échappé aux bombardements alliés en 1944 grâce à la vigilance d’un général américain

En juin 1944, les troupes américaines débarquent pour libérer la région. Chartres est alors aux mains des Allemands. Les forces alliées soupçonnent la présence de tireurs d’élite allemands dissimulés dans les tours de la cathédrale et envisagent de régler le problème en bombardant l’édifice. Le général Welborn Barton Griffith Jr (1901-1944) suspend l’ordre et envoie des éclaireurs afin de confirmer ces informations. Il se rend lui-même sur place. Les indications s’avèrent erronées. Il n’y a pas de soldats cachés. La cathédrale est sauvée 










7/ Les deux flèches auraient dû être neuf

Hautes de 106 et 115 mètres, la flèche sud ou le vieux clocher construite de 1142 à 1160 dialogue avec la flèche nord gothique du XVIème siècle, érigée en 1506. Au XIIIème siècle, lors de la reconstruction à la suite de l’incendie de 1994, les bâtisseurs envisagent l’érection de neuf flèches afin de donner encore plus de majesté à l’ensemble architectural. Mais le projet est suspendu pour des raisons économiques. Le chantier de la cathédrale, bouclé en à peine vingt-six ans fait l’objet de coupes budgétaires dans les munificences afin de concentrer les efforts sur une réalisation efficace et rapide.


8/ Le sacre d’Henri IV

Le 2 février 1594, Henri de Navarre (1553-1610) est sacré roi de France à la cathédrale de Chartres. La légende diffusée par ses détracteurs catholiques, voudrait qu’il ait franchi les portes de l’édifice religieux à cheval. La preuve de ce sacrilège se trouverait dans une marque en forme de fer à cheval sur le sol de la travée centrale de la nef. En réalité, il s’agit de la trace laissée par un anneau métallique traditionnellement placé à l’entrée des labyrinthes tracés sur les dallages des églises. En réalité, Henri IV est entré dans la cathédrale à pied, vêtu d’une simple chemise blanche avant de recevoir le sacre et le manteau d’hermine.

Lors de la cérémonie, il reçoit un anneau. Une autre légende raconte que le 23 février 1599 à l’occasion des célébrations du mardi gras, le roi, séparé de son épouse Marguerite de Valois depuis de nombreuses années, annonce publiquement son désir épouser Gabrielle d’Estrées, sa favorite, la « presque reine ». Il aurait scellé cette promesse d’une bague en offrant l’anneau du sacre à sa maîtresse Pourtant l’union ne s’est jamais concrétisée. Gabrielle d’Estrées, enceinte, meurt d’une complication liée à sa grossesse le 10 avril 1599. Henri IV obtient l’annulation de son mariage avec la reine Marguerite en décembre 1599 et épouse Marie de Médicis le 17 décembre 1600.










 
9/ Le clou de la cathédrale, le clou du solstice 

En 1701, le chanoine Claude Etienne, passionné d’astronomie, met au point une expérience particulière au sein de la cathédrale. En bordure du vitrail de Saint Apollinaire, il fait remplacer un carreau de verre par une plaque de métal percée d’un trou circulaire obturé par un verre transparent. Il marque le dallage d’un clou. Une fois par, repère point précis dans le temps, le 24 juin à la Saint Jean d’été ou bien le 21 juin pour le solstice à midi précise, un rayon de soleil traverse le vitrail et vient frapper le clou. Ce cadran solaire un peu particulier marque chaque année précisément à l’occasion du solstice « le midi vrai » qui permettait ainsi de remettre à l’heure exacte les horloges. Désormais certaines corrections nécessaires pour déterminer via ce principe l’heure réelle, l’heure universelle et l’heure officielle, changements d’heure et méridiens. La précision de l’ingénieux système a été remise en question par le montage et le démontage du vitrail a entraînant des variations imprévues. 


10/ Le secret de la rosace 

La somptueuse rosace qui orne le portail royal depuis le XIIIème siècle ne serait pas aussi parfaite qu’il y paraît. Dans les années 2000 à l’occasion du grand chantier de restauration, les tailleurs de pierre redécouvrent un secret bien gardé. L’une des colonnettes qui part du centre de la rose et s’élance vers l’extérieur, au premier rang de pétales, a été montée à l’envers. Cette erreur a été dissimulée par les bâtisseurs qui ont retravaillé les sculptures en les bûchant. Un stratagème en trompe-l’œil invisible depuis le parvis, révélé par la proximité des échafaudages. 

Cathédrale Notre Dame de Chartres
16 Cloître Notre Dame - 28000 Chartres
Horaires : Lundi, mercredi, jeudi, samedi de 8h30 à 19h30 - Mardi, vendredi et dimanche de 8h30 à 22h
Tél : 02 37 21 59 08



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.