Ailleurs : Musée du Louvre-Lens, ambassadeur de luxe d’une région, invitation démocratique aux arts et à la culture


Depuis son inauguration le 4 décembre 2012, jour de la Sainte Barbe, patronne des mineurs, le Louvre-Lens suscite un véritable engouement auprès du public. Les nombreuses actions de médiation culturelle menées lui confèrent un statut à part dans la région. Musée pour tous, la nouvelle institution multiplie les initiatives afin d’attirer un public de non-initiés. Visites adaptées, ateliers hétéroclites, animations ciblées, les enfants sont le cœur de cible avec des propositions dès neuf mois et un parcours découverte conçu spécialement pour les plus petits. Des modules de formation ludiques ont été développés pour les grands-parents afin qu’ils puissent devenir les guides de leurs petits-enfants. Le Louvre-Lens, en grande partie financé par la région, assume son autonomie. Sorte d’aile délocalisée du musée parisien, sans collections propres, il est néanmoins porté par le lien consubstantiel qui le noue à son aîné et dont il propose de renouveler l’expérience grâce à une capacité d’innovation, d’expérimentation inédite. Fruit d’un processus initié en 2004, cette antenne en région du Louvre incarne le renouveau d’un territoire durement frappé par la crise d’une industrie appartenant désormais à l’histoire. Le Louvre-Lens remplit pleinement sa mission de démocratisation de l’art et de la culture tout en redynamisant socialement et économiquement le territoire grâce à ses engagements auprès des populations locales. Deuxième musée le plus visité en région après le musée des Confluences à Lyon, il est fréquenté en moyenne par un demi-million de visiteurs par an. L’institution est devenue un pôle d’attraction incontournable. 











Ministre de la Culture de 2002 à 2004, Jean-Jacques Aillagon, président du Centre Pompidou de 1996 à 2002 mandat durant lequel il initie le projet du Centre Pompidou Metz, est à l’origine d’un programme d’envergure visant à décentraliser les établissements culturels. L’implantation de l’antenne du Louvre à Lens, démarche porteuse de sens, doit beaucoup à l’intervention de Daniel Percheron, homme politique socialiste, président du Conseil régional du Pas-de-Calais de 2001 à 2015 et sénateur du Pas-de-Calais ainsi qu’au soutien d’Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre de 2001 à 2013

En 2004, le Ministère de la Culture lance un appel d’offres au cahier des charges précis afin de donner un musée frère en région au Louvre. Six villes postulent, Amiens, Arras, Boulogne-sur-Mer, Calais, Lens et Valenciennes. Le successeur de Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de 2004 à 2007 et Francine Mariani-Ducray, la directrice des Musées de France de 2001 à 2008 entament une tournée des communes candidates. Choisir la ville de Lens, frappée de plein fouet par une crise sociale et économique, dépourvue de grands ensembles culturels, est un symbole fort. La décision marque le désir d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire du bassin minier. 











Déployé sur un ancien carreau de mine à la lisière ouest de Lens, l’ensemble des bâtiments composant le Louvre-Lens s’inscrit en prise directe avec le site sur lequel il a été élevé. Le paysage de l’agglomération porte encore les traces de cet ancien site d’extraction du charbon fermé en 1960. Au loin les terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle, les plus hauts d’Europe, culminent à 187 mètres. L’empreinte de l’activité minière a volontairement été préservée sur la friche de vingt hectares où a été érigé le musée. L’ancien carreau de la fosse 9 dite Saint Théodore a conservé son chevalement et au sol les marques des rails pour les wagonnets demeurent. Les zones boisées et les cités jardins ouvrières se découvrent de nouvelles vocations. La paysagiste Catherine Mosbach en charge du parc paysager entourant le musée a choisi de préserver la mémoire du site pour le convertir en espace vert signifiant. 

L’ensemble du Louvre-Lens, 28 000 m2 dont 17 000 ouverts au public, chef-d’œuvre architectural et paysager, a été conçu par l’agence japonaise SANAA. En 2005, celle-ci remporte le concours lancé par la région face à Rudy Ricciotti et Zaha Hadid. Le chantier évalué à 150 millions d’euros originellement, dont le coût a été supporté à 71% par la région Nord Pas de Calais a duré trois ans. Les architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, lauréats du Prix Pritzker 2010, l’équivalent du Nobel d’architecture, ont été récompensés pour la création du Louvre-Lens par le prix de l’Equerre d’argent en 2013. Afin de mener à bien la réalisation des galeries d'exposition du projet, ils ont collaboré avec Celia Imrey et Tim Culbert de l’agence Imrey Culbert Architects. 










Les cinq bâtiments du musée, déployés en branches étirées, s’articulent par leurs angles. L’ensemble classique par sa conjugaison d’éléments symétriques embrasse la modernité de l’épure, sans effets décoratifs. Les variations autour du verre et de l’aluminium anodisé confèrent un caractère lumineux au bâtiment dont la couleur évolue en fonction de celle du ciel.  

Au cœur du dispositif, un grand hall d’accueil central s’étend en plan carré sur une surface de 3 600m2. Il donne accès au sous-sol vers une mezzanine qui révèle derrière une longue baie vitrée les réserves et les ateliers de conservation, la vie secrète des œuvres en circulation. Représentée en France par l’architecte Louis-Antoine Grego, l’agence SANAA a fait appel en 2008, au Studio Adrien Gardère pour concevoir la muséographie des espaces, la Galerie du Temps, les réserves, les espaces de découverte ouverts à la visite ainsi que les deux premières expositions temporaires inaugurales. 

L’articulation des espaces, la scénographie rompent avec les canons traditionnels de la muséographie. La Galerie du Temps de 3000 m2 menée à bien par les commissaires Henri Loyrette, Vincent Pomarède, Jean-Luc Martinez, ouvre vers des ateliers pédagogiques. La grande salle d’exposition temporaire de 1 800m2 prolonge son propos par une seconde galerie le Pavillon de verre de 1000m2 et un auditorium de 280 places, La Scène. 










Laboratoire d’expérimentation, la Galerie du Temps réinvente l’expérience du musée du Louvre. Des œuvres relevant de départements très différents sont exposés dans un même espace libre, cinq mille ans d’histoire de l’art et de l’humanité, de la Mésopotamie antique au milieu du XIXème siècle, d’un seul regard. Le Louvre-Lens ne possède pas de collection propre et expose des œuvres issues des fonds du musée parisien. Tous les ans, dix à vingt pour cent des œuvres sont renouvelées. Cette galerie d’un genre nouveau propose de dépasser l’organisation classique du classement encyclopédique. La transversalité de la scénographie permet d’engager un dialogue entre les époques, les écoles, les techniques, de rendre compte de la perméabilité entre les styles. Les confrontations en forme de collisions visuelles traduisent la diversité des civilisations. 

Chaque année, le Louvre-Lens organise deux grandes expositions temporaires. L’évènement « Soleils Noirs. De l’Egypte à Soulages, l’épopée de la couleur noire » devrait être prolongé à la suite des fermetures liées à la crise sanitaire. A suivre. Dans la continuité de la Galerie du Temps, le Pavillon de Verre accueil des projets éphémères au gré d’approches thématiques. La programmation ouverte à l’art contemporain et à l’expérimentation muséographique s’engage à valoriser la richesse du patrimoine muséal des Hauts de France. Musée ancré dans son territoire, le Louvre-Lens se conçoit comme l’ambassadeur de luxe d’une région, invitation démocratique aux arts et à la culture.

Musée du Louvre-Lens
99 rue Paul-Bert - 62300 Lens
Tél : 03 21 18 66 62
Horaires : Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h
www.louvrelens.fr
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.