Nos Adresses : To, bistronomie franco-japonaise, izakaya parisienne, bar à cocktails, les multiples facettes d'une table raffinée - Paris 10



Le restaurant To, jeune table franco-nippone tout juste inaugurée, séduit déjà le Canal Saint Martin où il s’est lové en bonne compagnie aux côtés de Chez Prune. Cuisine délicate entre deux continents, pertinence du propos, cette halte exquise convoque les imaginaires gustatifs. L’établissement qui devait entamer ses entrechats gourmets en mars dernier, a retardé sa pendaison de crémaillère pour démarrer discrètement au début du mois d’août. Lieu de vie polymorphe, le To propose des expériences plurielles. Tour à tour izakaya, pendant japonais des bars à tapas, table bistronomique et bar à cocktails confidentiel, il ouvre le champ des possibles et des agréments. Au rythme d’une symphonie dirigée par le chef Ryo Miyazaki, la cuisine exprime une philosophie du goût incarnée par l’expression de l’umami. Compositions savamment orchestrées, assiettes élégantes soulignent la maîtrise des techniques traditionnelles japonaises et la grande finesse aromatique des produits. Nouvelle émanation d’une maison qui compte déjà à son panthéon l’Ao Izakaya, table japonaise de la rue Caumartin où officie le chef Yasuo Nanaumi, et le Moom Mam, ambassadeur de la bistronomie thaï rue Mogador, le restaurant To assume des aspirations gastronomiques sans pour autant renier sa vocation festive et conviviale. Ken Nanaumi - fils de Yasuo - grand ordonnateur des plaisirs terrestres du To veille au grain avec sérénité et efficacité.











La configuration plaisante du To offre trois alternatives en fonction de l’humeur, de l’envie du moment. L’ambiance en terrasse très parisienne suggère de vivre l’expérience izakaya en version française. Les espaces intérieurs se déploient au gré de trois atmosphères d’un raffinement délicieux. Au sol béton ciré, parquet et mosaïques délimitent les enclaves. Le premier, marqué par la vaste baie vitrée, assume l’épure d’un design à la modernité sobre, panneaux rétroéclairés, tubes métalliques glissant le long des murs, banquette ondoyante façon brasserie, comme un clin d’œil. Mais ici la moleskine rouge du bistrot parigot a fait place à l’élégance du velours outremer. Ode à la nature et aux décors traditionnels japonais, le second s’épanouit entre des rangées de claustras en bambous, un foisonnement végétal agréable. Le dernier espace se présente sous l’aspect d’une alcôve feutrée ouverte sur un petit bar, lumière tamisée, intimité joueuse dans la pénombre.

Au To, l’expérience izakaya se décline façon apéro dînatoire autour d’assiettes froides et chaudes, petits plats simples à partager, invitation à la découverte des sakés de la carte auxquels la sélection avisée de vins français répond avec esprit. Le chef Ryo Miyazaki embrasse le calme doux des nourritures habiles, l’évidence des équilibres sincères. Les acides contrebalancent l’onctuosité des gras, la suavité des textures soyeuses répliquant aux fulgurances énergiques. Les pointes aromatiques éclairent la justesse des compositions. La cuisine kaiseki poursuit une quête d’harmonie des goûts, des textures, des couleurs. La précision des méthodes de cuisson, mijoté, grillé, bouillon, l’intuition sensible des assaisonnements révèlent toute la technicité de cet art délicat. 











Au sous-sol, un bar confidentiel joue les invités secrets. A la manœuvre, Kevin Rigault compose des drinks inspirés par une belle carte de spiritueux japonais. Au fil de ses allers-retours entre la France et l’Angleterre - Andy Walhoo, le Forvm, le bar du Park Hyatt Paris Vendôme, le Swift, le bar de l’hôtel The London Edition… - ce bartender de haut vol a développé un goût pour les expérimentations personnelles, les embardées joyeuses, les citations pointues et le sens des équilibres. 

La carte des cocktails resserrée sur des créations maison célèbre les gins et whiskys nippons tel que le Roku Gin élaboré par Suntory. Il est infusé avec une sélection de plantes qui incarnant les quatre saisons, les feuilles et la fleur de sakura pour le printemps, le thé sencha et le thé gyokuro pour l'été, le poivre sansho pour l'automne et le zeste de yuzu pour l'hiver. Ce gin particulier entre dans la composition du cocktail Happa - feuille en japonais - sur une gamme gin, sakura - sirop de feuille et de fleur de cerisier - citron yuzu, blanc d’œuf qui twiste avec malice le classique Gin fizz. Le Pinku (rose en japonais) s’exprime sur l’air gourmand d’un Shochu de sarrasin, fraise, shiso pourpre, soda. La rondeur du sirop de fraise française clarifié maison vient adoucir les notes acidulées du kombucha tandis que le shiso rouge souligne les inflexions de fruits rouges. Le cocktail est gazéifié directement au sodastream afin de préserver tous les arômes.










Au déjeuner, le menu du To - entrée plat dessert à 29 euros - ouvre des horizons tranquilles tandis que l’Omakase, carte blanche au chef en sept étapes, sept services, le midi comme le soir, permet d’accéder aux célestielles destinées de la bistronomie franco-japonaise. Suggestion subsidiaire, l’accord mets vin et/ou saké en trois ou cinq propositions complète gracieusement le tableau. Le personnel avenant et pédagogue éclaire de ses lumières le défilé radieux, amuse-bouche, trois entrées, deux plats, un dessert. 

L’amuse-bouche se fait annoncer, potage de maïs, mousse de petits pois, glace au piment croûton, poudre de lardons, brunoise de foie gras, allègre dans ses contrastes, le chaud le froid, le croquant, le fondant, le sucré, le salé. Nature courtoise et élégante, le Saké s’invite volontiers à la table du To. Selon le degré de polissage du riz, il gagne en raffinement, en précision. Le nihonshu dégusté, riz poli à 55%, robe limpide, nez floral, révèle une palette aromatique nuancée de fleurs blanches et de fruits du verger. 

Subtil, le Ceviche thon, liche, encornet, citron, shiso, radis, chou-fleur violet, piment vert, ail frit, cavale bille en tête sur des accords iodés contrastés dans la fraîcheur des chairs nacrées. L’ébouriffant Tartare de veau au couteau, huître normande Utah n°1 coupée en deux, huile de noisette, concassé de noisettes, espuma de persil, vene cress, resserre son étreinte avec conviction. La sardine grillée au chalumeau aller-retour, sauce ikura - jaune d’œuf, œufs de saumon - pierre de soja grattée, scarlet cress, riz sushi, dans sa limpidité raffinée d’arômes exaltés recèle quelques secrets, une haute technicité. La sardine a été préparée selon la méthode traditionnelle de saignée chinuki qui vide le poisson de son sang afin de pouvoir le faire maturer dans la glace sous vide et développer ainsi l’umami et la tendreté de la chair.











Premier plat chaud, le pavé de lieu jaune cuit à basse température puis grillé à la plancha, sauce chimichurri ciboulette thaï, feuille de shiso, radis daikon, beurre blanc, soja, œufs de truite illustre une grande maîtrise des cuissons exaltant les saveurs d’un poisson à la délicatesse révélée sous les feux d’un assaisonnement inspiré. Le vin nature du domaine Olivier Pithon 2018 cuvée Laïs, AOP Côtes du Roussillon, qui rejoint la table, a été baptisé en hommage à une vache Jersiaise chère au cœur du vigneron. Issu de Vieilles vignes cultivées dans le respect de l'environnement sur des terroirs de schistes et de calcaires, cet élixir s’ancre sur quatre cépages, Grenache Noir, Carignan, Mourvèdre et Syrah. Robe rubis, au nez, il développe des accents intenses de fruits noirs, des notes florales délicates, et en bouche une fraîcheur fruitée, une vivacité des arômes. Expression vivace d’un terroir, ce vin d’une belle ampleur est aussi élégant et que complexe. La côte d’agneau, purée de petits pois, légumes de saison, chou-fleur violet, petits pois courgette, cerfeuil, barbotte gaillardement dans un succulent jus de viande, beurre noisette, relevé par une purée d’ail noir.

Le saké pétillant Mio de la brasserie Takara Shuzo à Kyoto, doux, léger, fruité tient compagnie à un dessert d’indulgence délicieusement superfétatoire La feuillantine de chocolat aux noisettes caramélisées, glace yuzu framboise, framboises fraîches au coulis de framboise, espuma de chocolat, crumble chocolat noisette glisse dans des langueurs extatiques.

Si l’établissement encore en rodage finalise les belles mécaniques qui feront son efficacité, l’équipe du To, très investie, déploie des trésors de bienveillance pour satisfaire leurs hôtes. Nul doute qu’une fois le rythme de croisière atteint, cette belle table aux atouts précieux deviendra un incontournable du quartier du Canal Saint Martin

To restaurant et bar
34 rue Beaurepaire - Paris 10
Tél : 01 40 37 39 12
Horaires : Ouvert tous les jours de midi à 14h30 et de 19h à 22h30
to-restaurant.com
Galerie Instagram



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.