Cinéma VOD : Seberg, de Benedict Andrews - En exclusivité sur Amazon Prime Video



Jean Seberg, actrice américaine, s’est fait connaître à Hollywood grâce à son interprétation de Jeanne d’Arc dans le film d’Otto Preminger. Dix ans plus tard, la jeune fille du Midwest est devenue l’égérie de la Nouvelle Vague et vit désormais en France. En 1968, elle envisage de relancer sa carrière américaine. Jean quitte son appartement parisien, son mari l’écrivain diplomate Romain Gary et leur fils, pour s’envoler à Los Angeles. Lors de la traversée, elle fait la connaissance d’Hakim Jamal, militant pour les droits civiques, activiste au sein d’une organisation promouvant l’unité culturelle afro-américaine proche des Black Panthers et cousin de Malcolm X. A la descente d’avion, accueillie par les flashs des paparazzis, Jean Seberg, qui soutient les mouvements pour l’égalité des droits depuis l’adolescence, se fait photographier le poing levé auprès des militants. Le FBI, dirigé par J. Edgar Hoover, place immédiatement l’actrice sous surveillance dans le cadre de l’enquête sur les organisations politiques en lutte pour les droits civiques. L’opération est confiée à Jack Salomon, jeune agent fédéral tout juste arrivé au département des renseignements. Inconsciente du danger, Jean entretient bientôt une liaison avec Hakim et verse d’importants dons en soutien au mouvement. Afin de ruiner sa réputation, le FBI lance une odieuse campagne de diffamation dans la presse. Grâce à des éditeurs complaisants, ils révèlent des détails de son intimité qui choquent l’Amérique puritaine, réactionnaire et ségrégationniste de l’époque.  







Second film de Benedict Andrews plus connu pour ses mises en scène au théâtre, le long-métrage présenté aux festivals de Venise, de Deauville et de Toronto est sorti en juillet dernier directement sur la plateforme Amazon Prime Video. Portrait de femme, émancipée et engagée, « Seberg » s’inspire d’un épisode tragique de la vie elle-même dramatique, de l’actrice Jean Seberg. Entre 1968 et 1970, l’administration américaine, jugeant la comédienne trop politisée, trop irrévérencieuse, organise une véritable cabale pour détruire sa carrière et sa vie.

L’intrigue du film éclaire de façon très précise le harcèlement subi par la jeune femme pour son soutien public à la cause des droits civiques. Surveillance policière constante, écoutes téléphoniques, photographies de ses moindres mouvements, intimité scrutée, étroitement surveillée, tout son quotidien est passé au crible. Traquée par les tabloïds, cible d’une certaine presse à scandale diligentée par le FBI, Jean Seberg se perd. Les persécutions et leurs terribles conséquences conduisent la jeune femme, dont la santé mentale était déjà fragile, à la dépression. Elle attente plusieurs fois à sa vie. En 1979, dépendante à l’alcool et aux médicaments, elle meurt dans des circonstances non-élucidées. La thèse du suicide est retenue. 

Les auteurs, Anna Waterhouse et Joe Shrapnel, dressent un tableau très manichéen qui manquent un peu de nuances. Ils s’autorisent à propos quelques embardées fictionnelles. Ils créent des personnages comme le jeune agent du FBI et son épouse, éléments éclairants dans une recontextualisation très réussie du récit. Néanmoins afin de servir leur propos, ils vont parfois jusqu’à réécrire l’histoire. Ils passent sous silence la violence de Jamal envers Seberg, ses tendances manipulatrices, le caractère maniaco-dépressif de Romain Gary, les détails sordides de l’enterrement de l’enfant. La réalité, la situation d’isolement et de détresse dans laquelle se trouve l’actrice, semble encore plus terrible que celle exposée dans le film.




L’élégance classique de la mise en scène, la réalisation efficace et la reconstitution soignée font de cette oeuvre de bonne facture un film tout à fait regardable bien qu'imparfait. Ce long-métrage un peu tiède manque d’aspérités, de radicalité dans le propos et d’audace formelle. La distribution de haute volée sauve la mise. Crédible à chaque instant, Kristen Stewart dans le rôle-titre, prête ses traits à une Jean Seberg criante de réalisme et livre une performance sensible et intelligente. En agent fédéral débutant troublé peu à peu par l’abjection de sa mission et le charme de sa victime, Jack O’Connell est impeccable. Face à lui, Margaret Qualley incarne avec sincérité une jeune épouse engagée dans des études de médecine en proie à la misogynie de son époque. Vince Vaughn en patron réactionnaire et raciste, Anthony Mackie en Hakim Jamal, Yvan Attal en Romain Gary font le job avec conviction.

Les thématiques développées entrent en résonance avec le contexte actuel des grands mouvements de manifestations contre le racisme et les violences policières. Dénonciation du pouvoir médiatique et de l’état policier, « Seberg » met en avant un double combat celui pour l’émancipation des femmes et celui contre le racisme institutionnalisé aux Etats-Unis. Hier comme aujourd’hui.

Seberg, de Benedict Andrews
Sortie le 23 juillet 2020 en exclusivité sur Amazon Prime Video



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.