Expo : Snowflake - Marc Brandenburg - Galerie Thaddaeus Ropac Marais - Jusqu'au 29 août 2020



Les chroniques du quotidien de l’artiste Marc Brandenburg parviennent à susciter un sentiment de proximité, transcendé par la radicalité poétique d’une esthétique de l’excès sensible. Ses dessins, fruit d’une formule plastique embrassant les techniques du photoréalisme, saisissent des instantanés de vie, les fragments du quotidien d’un univers urbain à la marge. Au fil des transformations accélérées, fidèle à une composition sociologique vivace, Marc Brandenburg donne à penser le monde actuel. A l’occasion de l’exposition « Snowflake » à la galerie Thaddaeus Ropac Marais, le plasticien présente une nouvelle série ancrée dans ses expérimentations personnelles du réel. L’artiste promène son appareil photo dans les rues de Berlin et Barcelone, captant des instantanés, scènes naturelles de la vie quotidienne animées par des personnages aussi banals qu’uniques. Au cours de son processus créatif, Marc Brandenburg retravaille à la mine graphite les clichés développés sous l'apparence de négatifs. L’inversion du noir-blanc qui brouille les traits et les compositions, engendre une impression de décalage jusqu’au malaise parfois. L’artiste s’attache ainsi à souligner en images la fracture d’une société violente, intolérante, inhospitalière pour les individualités. 










Né en 1965 à Berlin, fils d’un GI africain-américain et d’une Allemande, Marc Brandenburg a grandi au Texas à partir de 1968 avant de se réinstaller à Berlin Ouest en 1977. Autodidacte, il a acquis un raffinement du trait presque anachronique, développant des qualités de portraitistes saisissantes. L’impression de décalage inhérente à ses dessins procède de l’exploitation du négatif photographique. Marc Brandenburg soulève des interrogations politiques sur le genre, l’appartenance ethnique, l’engagement. Son message souligne l’urgence d’un changement radical et illustre la difficulté de faire face à une adversité qui se trouve être le système même. 

Le titre de l’exposition « Snowflake » fait référence au roman « Fight Club » de Chuck Palahniuk publié en 1996. Dans celui-ci, cette appellation péjorative désigne les hommes jugés trop en prise avec leurs émotions, leur sensibilité, incapables de se défendre. Activiste engagé, Marc Brandenburg inscrit son travail dans le contexte des grands mouvements de protestation contemporains, comme Black Lives Matter. Il célèbre l’altérité et questionne les stéréotypes, la subjectivité, les préjugés. 

Dans la série « Snowflake », Marc Brandenburg met en exergue des qualités peu reconnues socialement telles qu’assumer sa vulnérabilité, ses fragilités, refuser d'entrer en lice dans le grand tournoi des égos et de la compétitivité. Autant de propriétés que notre univers du « marche ou crève » réprouve. Le culte de la performance, de la réussite financière désigne comme bouc-émissaire ceux qui refusent de se plier à la mascarade, par manque d’endurance dans cette course absurde ou absence de goût pour la compétition. La société de consommation capitaliste par nature destructrice est porteuse d’un message délétère. La non-conformité aux normes enferme impitoyablement ces individus dans l’isolement, le rejet. 











Marc Brandenburg s’ingénie à saisir la fugacité de l’instant et suspend le temps. Ces scènes de manifestations se déploient en vision panoramique dans un foisonnement de signes. Il capte l’intégralité de la scène de rue en multipliant les dessins, chacun devenant vignette d’un grand ensemble. Le passage d’un dessin à l’autre capte le moment de glissement alors que l’enjeu de l’entre-deux devient le motif essentiel. La foule compacte de la manifestation s’agglomère dans un mouvement en avant, ensemble de corps propulsés dans l’espace public n’en faisant plus qu’un. L’artiste porte un soin minutieux aux détails. Il cherche à rendre compte de l’unicité de chacun malgré l’impression de masse indiscernable. Ses portraits mettent en lumière des individualités fortes. Ainsi il tend à révéler la pluralité complexe, dépasser les apparences du statut social, du sexe, de l’origine. Sans imposer de narration pré-établie, Marc Brandenburg lance des pistes, invite celui qui regarde à imaginer l’histoire derrière l’image, derrière chaque visage. 

En parallèle de ces scènes de manifestations, l’artiste prolonge son travail sur l’identité par des réalisations plus minimalistes concentrée sur le motif de la personne seule. Paysage détouré, absence d’arrière-plan, les silhouettes anonymes se découpent sur fond blanc, têtes baissées, sans visage, en attente d’identité. Recroquevillées sur elle-même, emmaillotées dans des sortes de cocon, ces figures évoquent la marge et la précarité. Les corps en chute libre exécutés sur le même principe esthétique embrasse l’iconographie de la perte de contrôle, de dérive physique et psychologique. Troublant.

Snowflake - Marc Brandenburg
Jusqu’au 29 août 2020

Galerie Thaddaeus Ropac Marais
7 rue Debelleyme - Paris 3
Horaires : du mardi au samedi de 10h à 19h
Tél : 01 42 72 99 00



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.