La Ruelle Sourdis présente une physionomie typiquement médiévale malgré une création en 1626. Fruit d’une servitude imposée à un propriétaire afin de délimiter les différentes parcelles des hôtels particuliers, au sud, ceux de la rue des Quatre-Fils, au nord ceux de nos actuelles rues Charlot et des Archives, elle a conservé de nombreux éléments pittoresques d’origine. La largeur réduite de 3 mètres, le pavage inégal marqué par un ruisseau axial, des poternes, bornes chasse-roues entre lesquelles les piétons se protégeaient de la circulation avant la diffusion du modèle de trottoirs à Paris au XIXème siècle, confèrent à l’ensemble un charme indéniable. Charme à peine troublé par les bâtiments plus récents moins élégants. Euphémisme. Au début de la venelle, les constructions à encorbellements typiques permettaient d’agrandir les logements tout en évitant une augmentation des cotisations foncières, calculées à partir de l’emprise au sol. La ruelle Sourdis, tracée en équerre, ploie en un brusque coude inaccessible. De nos jours, l’entrée débouchant sur la rue Charlot est fermée. Cette voie privée, demeure partiellement accessible depuis la rue Pastourelle pour un véritable voyage dans le temps.
Officiellement signalée en 1652 sur le plan de Gomboust, la ruelle Sourdis est un pur produit du XVIIème siècle mais par son aspect, elle évoque assez justement ce que pouvait être le Paris médiéval. Cette presque impasse au cachet unique fait partie des rescapés des grands projets hygiénistes qui ont détruit une partie du bâti historique entre 1950 et 1960. Le Marais est alors désigné comme quartier insalubre par les édiles qui lancent des projets de démolition massive. Immeubles vétustes, façades noircies par l’activité industrielle, ateliers d'artisans côtoient les anciens hôtels particuliers de l’aristocratie parmi lesquels un grand nombre est à l’abandon.
La préservation de l’architecture historique est rendue difficile par l’entregent des promoteurs en mal de spéculation immobilière et la soif de modernité des propriétaires. L’intervention du ministre de la Culture, André Malraux permet la promulgation d’une loi de sauvegarde du patrimoine qui porte son nom. Le quartier du Marais devient officiellement le premier secteur sauvegardé de l’Hexagone. L’âme du Marais, sa cohérence architecturale et esthétique sont préservées. L’hôtel de Sourdis, qui donne son nom à la ruelle, construit en 1614 pour Pierre d’Escoubleau, marquis de Sourdis, un temps propriété du Cardinal de Retz, prélat très impliqué dans la Fronde contre Louis XIV, rattaché avant la Révolution à la maison Cambis mitoyenne de notre actuel 5 rue Charlot, sera néanmoins détruit en 1974.
Parallèle dans sa plus grande longueur à la rue des Archives, la ruelle Sourdis bordait à l’origine les hôtels particuliers de nos actuels 62 et 72 rue des Archives ainsi que ceux du 5 au 9 rue Charlot. A partir de 1840, la voie est amputée d’une grande partie ses constructions afin d’y établir des ateliers, notamment celui de M. Denière fondeur en bronze.
Elle abrite en 1848, le Conseil central des Républicains Socialistes fondé par l’Abbé de Montlouis, Aimé Beaune, E. André, François Pardigon, Club politique révolutionnaire créée en mai 1848, dans les premiers mois de la Second République, et contraint de fermer par le régime de Cavaignac en juillet de la même année. L’Abbé de Montlouis lancera plus tard le célèbre club des Acacias.
Au début du XXème siècle, le Marais, ces belles ruines à raser et les vastes espaces non-construits des jardins attirent les industriels. Fabriques, ateliers se multiplient. Le long de la ruelle Sourdis, un bâtiment à ossature métallique et remplissage de briques attire l’attention. Cet entrepôt datant de 1897 a été construit par l’architecte Paul Bonpaix sur les jardins d’un ancien hôtel particulier pour La Société française des Grands bazars et des Nouvelles galeries.
Cette compagnie précurseuse est l’héritière du Grand Bazar fondé par Charles Démogé à Saint-Etienne, plus tard développé par sa veuve ainsi que son gendre Ariste Canlorbe. Sous leur impulsion, l’entreprise familiale florissante devient un véritable groupe avec des antennes dans toute la France. La chaîne de grands magasins, les Nouvelles Galeries, créée en 1897, par Ariste Canlorbe et Léon Lamaizière installe son enseigne phare à Paris sur le terrain au 66 rue des Archives d’un hôtel particulier rasé lors de l’implantation.
Les éléments originels de la partie médiane de la ruelle Sourdis ont été démolis à la fin des années 1960 pour faire place à un immeuble d’habitation qui dans sa contemporanéité sans grâce paraît fort incongru dans ce cadre si singulier.
Ruelle Sourdis - Paris 3
Accès 15 rue Pastourelle / seconde 3 rue Charlot fermée par une grille
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Connaissance du vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Féliex et Louis Lazare
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme
Le marais évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme
Sites référents
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