Lundi Librairie : Moume - François Cérésa



Moume, tendre surnom de la mère de François Cérésa, a été emportée par le cancer longuement combattu. Elle avait à peine soixante-ans. Il ne la connaîtra jamais vieille. Sept ans après sa disparition, il prend la plume pour raconter celle dont le deuil est impossible. Inconsolable et pudique, l’auteur se replonge dans les souvenirs pour les fixer définitivement sur le papier. Il fait revivre sa mère à travers des souvenirs d’enfance, les années 1950 et 1960. L’intime en gros plan se découpe sur fond de grande Histoire, la Guerre d’Algérie, Mai 68… François Cérésa convoque la mémoire des lieux et part en pèlerinage sur les traces de Moune au gré des réminiscences. Le Midi inondé de soleil - il est né à Cannes, a grandi sur les hauteurs d’Antibes - la Bourgogne des origines, Cabourg, Bois-Colombes, l’Ile de Ré. Il raconte sa famille, émigrés italiens farouches et valeureux. Le père, un taiseux bosseur, quitte l’école très jeune. Ramoneur à treize ans, il travaille par la suite dans le bâtiment. Vingt ans plus tard, il est patron d’une imprimerie sur aluminium. Ascension sociale, il fréquente les cercles intellectuels, le journaliste Jean Daniel, le sociologue Edgar Morin. François, gamin bagarreur et gouailleur que Moune surnomme affectueusement « Francibus » devient un adolescent idéaliste, valeurs chevillées au corps, honneur et loyauté. Sophie la petite sœur, surnommée « la Joufflue » est sa victime préférée. Moume apparaît comme la figure emblématique de la tribu, attachante, consolatrice, étrangère à la vulgarité de l’époque, intelligente et drôle. 

François Cérésa rend hommage à celle qui n’est plus dans un récit émouvant. Livre très personnel, motif classique de l’amour filial, « Moume » s’inscrit dans la lignée des grands textes d’écrivains dédiés à leur mère. Il dit les émotions d’une relation bouleversante, expérience aussi universelle qu’intime, les manques, les non-dits, l’incommunicabilité et l’instinctive compréhension, les silences éloquents. Au fil du récit, François Cérésa se fait écrivain du souvenir. Il redonne chair à une époque révolue dans une ode à la vie et à l’amitié. Il convoque ceux qui ont connu Moume, théâtre d’ombres, parmi lesquels nombres ne sont plus. Avec un rare talent de portraitiste, il évoque Louis Nucéra le père en littérature, Alphonse Boudard, José Giovanni, Jean Daniel…

L’élégance de la plume, la musicalité d’une langue rythmée éclaire la virtuosité du styliste. Art du dialogue, les échanges sont d’un naturel piquant des plus réjouissants. En grand amoureux de Dumas, de Hugo, des Hussards, François Cérésa laisse son goût de l’épure frapper juste, acuité lumineuse, finesse et puissance. Le sens de la formule, du bon mot comme de l’aphorisme définitif n’éclipse pas la sincérité du propos. Dans ce texte tout en nuances vives, évocation puissante, sensible, l’auteur distille l’émotion avec subtilité. Entre mélancolie et joie de vivre, tendresse et émerveillement, il trouve l’équilibre. Déclaration d’amour farouche, cœur serré et humour à la boutonnière, François Cérésa conjure la mélancolie avec panache.

Moume - François Cérésa - Editions du Rocher



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.