Miracle à Miami - Zoé Valdès : Iris Arcane, enfant de la Havane, est repérée à la sortie de l’école par le peu recommandable Abomino Dégueu, photographe de mode italien au talent très discutable et aux magouilles innombrables. Sous un prétexte fallacieux, il parvient à enlever la gamine à sa famille. En Europe, il l’enferme loin du monde et exploite sa beauté en laissant filtrer des clichés qu’il monnaie à prix d’or dans les plus grands magazines. Iris grandit et bientôt parvient à s’échapper des griffes du vénéneux pygmalion. Top model adulée, elle atteint la consécration. La belle choisit de quitter les catwalks et de se consacrer à sa nouvelle famille, ses enfants et son mari, le milliardaire américain Saul Dessler. Iris vit à Miami entourée de ses proches tandis que les jalousies se déchaînent contre elle. Fausse Univers, une garce redessinée à grand renfort de scalpel et de silicone, crève d’envie devant la réussite de sa compatriote. Sous des dehors mielleux, elle manigance dans l’ombre tandis qu’Abomino Dégueu, de retour, fomente sa vengeance. Iris, enceinte de son troisième enfant, est victime de prémonitions, de manifestations étranges. Les forces du mal sont à l’oeuvre. Les signes inquiétants se multiplient malgré la présence de Cyril, son ange gardien. Pour se protéger, elle fait alors appel à un spécialiste des sciences occultes, Tendron Mesurat, détective extralucide venu de France, doté de capacités psychiques hors du commun.
Pastiche haut en couleurs de roman noir, ce faux thriller satirique file à fond de train sur le fil d’une intrigue vaguement policière prétexte aux outrances échevelées d’une romancière très en verve. Au premier abord, le récit baroque tricoté par Zoé Valdès, se révèle déconcertant. Mais bientôt la perplexité fait place aux réjouissances pour peu que le lecteur décide de ne pas bouder son plaisir et de se laisser entraîner dans cette sarabande endiablée. L’enquête mystico-comique mêle l’iconographie chrétienne et le folklore païen des croyances tribales insulaires empruntant au réalisme magique cher aux romanciers d’Amérique du Sud. Dans un style trépidant, au lyrisme survolté, l’autrice dévide la toile d’une sotie déraisonnable et réjouissante en équilibre fragile sur un second degré dont elle ne se départit jamais.
Dans une langue foisonnante, une gouaille réjouissante, Zoé Valdès laisse exploser une énergie bouillonnante, une exubérance surréaliste. Faconde en technicolor pour une tragicomédie farcesque qui se soucie peu de vraisemblance. L’imaginaire à l’oeuvre paraît sans limite. A chaque page, la romancière imagine une nouvelle incongruité, épisodes surnaturels mêlant religion et tourbillon de sensualité. Péripéties rocambolesques, récit onirique, le tempérament fantastique et le panache psychédélique de cette fresque hallucinée en rendent l’euphorie contagieuse.
Les patronymes des personnages illustrent cette dimension carnavalesque, ce burlesque intrinsèque. Ma’ passiflore, Abomino Dégueu croient Chrysanthème Cucuvif, Gousse Puante, Pisse Vinaigre, Trique la Terreur, Fiero Bataille… Au gré d’aventures métaphysiques, ils vivent des intrigues secondaires alambiquées par lesquelles Zoé Valdès dénonce régulièrement l’exploitation sexuelle des femmes.
Inclassable, foutraque et démesuré, le roman dessine en creux la silhouette aiguë d'un engagement subversif réel. L’autrice née à Cuba, qu’elle rebaptise Caillot Cruz, vit à Paris, aime Miami, épicentre de la diaspora cubaine, mais conserve cette nostalgie poignante de la terre natale, du pays perdu. Elle exprime cette résignation déchirante face à l’exil, drame des migrants, le renoncement à une partie de son identité et l’espoir du changement.
Miracle à Miami - Zoé Valdès - Traduction Albert Bensoussan - Editions Gallimard - Collection de poche Folio
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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