Le parc de la Butte du Chapeau Rouge, injustement méconnu, déploie les charmes bucoliques d’un espace vert aux proportions généreuses. Moins fréquenté que son célèbre voisin, le parc des Buttes Chaumont, il bénéficie d’un calme exceptionnel, hors du tumulte de la ville et loin des hordes de visiteurs. Le lieu se prête idéalement aux pique-niques en famille. Feuilleter un livre sur un banc, s’abandonner pour une sieste au soleil ou tout simplement rêver face à la vue spectaculaire sur la banlieue parisienne. Ce vaste panorama s’étend d’Aubervilliers sur la gauche, au Pré Saint Gervais au pied de la butte jusqu’à Pantin plus à droite où pointe le clocher de l’église Notre Dame de Fàtima et la silhouette de l’hôpital Robert Debré construit entre 1984 et 1988 par l’architecte Pierre Riboulet.
Au début du XXème siècle une guinguette à succès transmet son nom au lieu-dit sur lequel elle est implantée. La Butte du Chapeau Rouge, dépendante de la commune du Pré Saint Gervais avant la construction des fortifications de Thiers en 1841, est un bastion ouvrier populaire fortement engagé. Dès 1910, les pacifistes socialistes s’y rassemblent, notamment pour protester contre la loi instituant le service militaire de 3 ans. Jean Jaurès y tient un discours mémorable le dimanche 25 mai 1913 devant une foule de 32 000 personnes.
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le visage de Paris évolue drastiquement. Les anciennes fortifications sont rasées. La progressive désindustrialisation chasse les usines vers la banlieue. De nouveaux terrains à exploiter s’ouvrent. Des quartiers entiers d’habitation sont édifiée selon les préceptes hygiénistes de l’époque et donc flanqués d’espaces verts. Avec le développement d’une véritable politique du logement, la Ville souhaite privilégier l’habitat social. Entre 1926 et 1935 l’Office public des HLM et HBM étend ses constructions sur la parcelle située entre la porte Brunet et la porte du Pré Saint Gervais vers l’Est. En 1930, il est même question de raser la Butte du Chapeau Rouge qui est sauvée par l’intervention de la Commission municipale du Vieux Paris. Le site est préservé en raison de son point de vue unique mais aussi pour une tendresse particulière des élus envers les souvenirs historiques de Jean Jaurès. Epargné de justesse par les grands travaux d’aménagement, un grand jardin public y est dessiné.
Le parc de la Butte du Chapeau Rouge est inauguré en 1939. Etabli sur l’une des collines des anciennes carrières de gypse, la célèbre pierre à plâtre, il s’étend sur une superficie de 46 880m2. L’architecte Léon Azéma (1888-1978), auteur notamment du Palais de Chaillot, du square Viviani et de la restauration du parc de Sceaux, imagine un jardin dans le style néo-classique très en vogue dans les années 1930. Le paysage symétrique très structuré dans l’harmonie des proportions, des lignes, et l’esthétique de la monumentalité répondent à l’esprit Art déco de l’époque. En ce sens, le parc de la Butte du Chapeau Rouge est caractéristique des jardins publics de l’entre-deux guerres. Les matériaux employés illustrent cette typicité, briques, béton armé, enduit gravillonné, parements de meulière, pavés de verre. Belvédères, kiosques et édicules divers ponctuent la promenade. L’aire de jeux rénovée en 2017 comporte un bac à sable, des tables de ping-pong et des préaux attenants.
Le tracé du parc de la Butte du Chapeau Rouge reprend partiellement celui des anciennes fortifications, à l’instar d’autres espaces verts comme les squares Séverine, Sorbier et Sarah-Bernhardt dans le XXème, le parc Kellermann dans le XIIIème ou le square Saint-Lambert dans le XVème. Au parc de la Butte du Chapeau Rouge, certaines des fondations de l’enceinte demeurent. Les allées d’arbres taillées en plateau-rideau à la française affirment l’aspect régulier des lieux tandis que les parterres fleuris de terre de bruyère, les massifs d’arbustes et de vivaces à l’anglaise allègent la composition. Un petit jardin botanique ramène agréablement sa science. L’aménagement paysager a prévu trois vastes pelouses en pente accessibles au public. Un petit chemin serpente le long de la colline parmi les grands bosquets jusqu’aux terrasses qui offrent une vue plongeante sur la banlieue est de Paris. Le parc surplombe la plaine du Pré Saint Gervais.
Parmi les marronniers classiques quelques arbres remarquables assurent le show même pour les néophytes. Le Sophora pleureur du Japon côtoie le Séquoia géant. Le Gingko Bilobé voisine un Mûrier à papier. L’Orme de Sibérie se fait discret tandis que Tulipier de Virginie flamboie en automne. Plusieurs Féviers d'Amérique balancent, graciles, leurs feuilles de dentelle dans la brise. Les mésanges huppées jouent à cache avec des roitelets dont la présence est favorisée par les conifères.
L’art tient un rôle important au parc de la Butte du Chapeau Rouge. Le Monument aux victimes d'Afrique du Nord, un élégant duo de sculpture d'Eugène Dodeigne inauguré en 1996, est devenu depuis un lieu symbolique de mémoire. Outre des œuvres en béton, typique de l’époque, la plus majestueuses est certainement la fontaine étagée en buffets d’eau sur laquelle veille la silhouette diaphane d’une Eve de Raymond Couvègnes dont je vous parlais plus en détails ici. Dans le cadre de la mission artistique du projet de tramway, trois bancs incurvés, en bois d’une blancheur éclatante, oeuvres de Bert Theis ont été établis sur l’allée médiane du dénivelé principal du parc, surplombant la fontaine. Leurs doubles se retrouvent de l’autre côté du boulevard sur la promenade Amalia Rodrigues autour d'un nouveau bassin. Les deux demi-cercles forment virtuellement en écho un symbole de paix au dessus du parc dont il ne demeure comme preuve tangible que les bancs de part et d'autre de l'avenue.
Tous les ans le parc de la Butte du Chapeau Rouge accueille le festival Silhouette, une manifestation culturelle dédiée aux courts-métrages internationaux. Durant 10 jours, les projections en salles, films documentaires, animation, clips, fictions, sont suivies de projections en plein air dans le parc. Concerts, ateliers, débats et rencontres complètent le propos dans un esprit festif.
Parc de la Butte du Chapeau Rouge
Accès : 5 avenue Debidour et entre le 11 et 29 boulevard d'Algérie
Horaires : Ouvert tous les jours à 8h ou 9h. Fermé entre 18h30 et 21h30 selon la saison
Ouvert du lundi au vendredi de 7h à 21h30, samedi et dimanche de 8h à 21h30
Métro Danube ligne 7bis / Pré-Saint-Gervais 7bis
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du promeneur 19è arrondissement - Elisabeth Philipp - Parigramme
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme
Guide des statues de Paris - Georges Poisson - Les guides visuels Hazan
Sites référents
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