Expo : Somuk, premier artiste moderne du Pacifique - Musée du Quai Branly - Jusqu'au 8 mars 2020



Au Musée du Quai Branly, l’Atelier Martine Aublet, en mezzanine, consacre une exposition à Hermano Somuk (vers 1900-1965), figure de l’art mélanésien, considéré comme le premier artiste moderne du Pacifique. Sa production, témoignage précieux sur les mœurs, les croyances de la culture Solos s’inspire des mythologies des îles Salomon. Exprimant la complexité des imaginaires mélanésiens, Hermano Somuk invite dans ses compositions une multitude de personnages,  hommes et divinités, d’animaux. La stylisation de la représentation, le foisonnement d’effets nuancés mettent en lumière un vocabulaire plastique nouveau. Il est l’un des rares artistes de cette région du globe dont les œuvres réalisées avant la Seconde Guerre Mondiale ont été conservées. Un ensemble significatif de ses créations, près de 92 dessins, est parvenu jusqu’à nous. Fruit de quinze années de recherche, l’exposition qui se tient au Musée du Quai Branly rassemble une cinquantaine d’oeuvres et de documents qui éclairent la singularité d’une pratique artistique.











Originaire de Gagan, village de l’île Bougainville en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Hermano Somuk est au début du XXème siècle l’un des rares habitants de la région à avoir reçu une éducation occidentale auprès de la mission catholique. Il enseigne d’ailleurs lui-même le catéchisme. Chef de clan, dépositaire d’une culture orale et musicale, ses talents de conteur sont appréciés de tous. Son engagement politique précoce le fait rapidement connaître dès les années 1930 dans toute l’île de Bougainville.Lors d’une mission en Océanie menée pour le Musée de l’Homme, le père Patrick O’Reilly (1900-1988), religieux mariste et ethnologue, rencontre le jeune chef. Il l’encourage à s’exprimer par le dessin. 

Sur des feuilles de mauvaise qualité, des feuillets de registre de comptes, avec des moyens très modestes, Somuk invente une forme narrative personnelle à la puissance esthétique évidente. Les histoires racontées par séries complexes suivent des cycles narratifs comme celui de La Naissance de Gerian, héros fondateur du village de Gagan. La complète liberté dont Somuk fait preuve convoque l’universalité et la spontanéité de l’art brut au-delà de toute formation académique.











En 1951, de retour à Paris, le père Patrick O’Reilly monte une exposition afin de présenter les œuvres réunies au cours de sa mission dans le Pacifique, des dessins au pastel gras, au crayon, à l’encre. L’événement connaît un certain succès dans la presse et auprès des milieux artistiques où l’engouement pour les arts premiers et l’art brut est à son comble. Le travail de Somuk retient l’attention de l’ethnologue Marcel Lechnardt et l’écrivain jean Paulhan. Jean Dubuffet, enthousiaste, fait l’acquisition de quelques œuvres destinées à sa collection d’art brut. Si les milieux parisiens oublient rapidement Hermano Somuk, il poursuit, dans son pays natal, sans jamais cesser de dessiner, son destin de chef de village respecté, figure politique importante de sa communauté.

A la suite de l’expédition, le père Patrick O’Reilly rassemble, dans un album un grand nombre de documents, 550 photographies et œuvres parmi lesquelles celles de Somuk et d’autres artistes de Buka. Le recueil réapparaît en 2016. Le musée du Quai Branly l’acquiert en juin 2019. L’exposition présentée à l’Atelier Martine Aublet se nourrit de ce corpus considérable. Photographies et objets recontextualisent la trajectoire de cet artiste singulier disparu en 1965. L’évènement associé à l’année internationale des langues autochtones organisée par l’Unesco célèbre l’héritage de cet artiste moderne, homme engagé. 

Somuk, premier artiste moderne du Pacifique
Jusqu’au 8 mars 2020

Musée du Quai Branly Jacques Chirac
37 quai Branly - Paris 7
Tél : 01 56 61 70 00
Horaires : lundi, mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h, jeudi, vendredi et samedi de 11h à 21h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.