Lundi Librairie : Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases - Philippe Delerm



Et vous avez eu beau temps ? - Philippe Delerm : Dans ce recueil d’instantanés littéraires, Philippe Delerm, écrivain des plaisirs minuscules, moraliste inspiré et philosophe du quotidien, croque le portrait d’une époque en épinglant les formules toutes faites qui émaillent les conversations. Par paresse, indifférence, habitude, pour faire illusion, dissimuler ses propres contradictions, elles s’arrogent une part importante de nos interactions sociales. En amoureux de la langue, Philippe Delerm lève le voile sur le fiel des petites phrases anodines, prononcées sans y penser mais révélatrices au mieux d’une certaine forme d’indifférence voire d’hypocrisie au pire d’une véritable malveillance. Il passe au crible avec lucidité, tendresse et une bonne dose d’ironie, soixante-huit petites phrases d’apparence inoffensive mais porteuses de sentiments complexes. 

Parler pour ne rien dire, sollicitude obséquieuse, commentaires vachards, propos passif-agressifs, Philippe Delerm décrypte méticuleusement ces formules avec une gourmandise de collectionneur. « Il n'a pas fait son deuil », « Je me suis permis… », « Et tu n'as rien vu venir ? », « C'est pas pour nous », « En même temps je peux comprendre », « Vous êtes un type dans mon genre », « Ça n'ira pas plus bas », C'est pas pour dire mais… », « Pour être tout à fait honnête avec toi " entre banalités et les sous-entendus hypocrites, l’implicite jaillit au grand jour sous la plume de l’auteur.  Il ausculte la réalité des sentiments presque inconscients, la fausse bienveillance, les apparences de considération.

En courts chapitres comme autant de saynètes, de fragments d’existence criant de vérité, il se fait glaneur de mots, de situations piquantes. Art de la concision, sens de l’humour et de la poésie, il regarde vivre ses congénères sans se départir d’une malice délicieuse, d’une circonspection éclairée. Au détour d’une page, il se met à rêver des souvenirs d’enfance, âge exquis d’une créativité perdue. 

« Là, on est davantage sur… », « Abruti, va », « Ça n’ira pas plus bas », « Tiens, rends-toi utile », « On l’a vu dans quoi, déjà ? », « Où sont les enfants ? », « Je sais pas ce qu’on leur a fait, aux jeunes… », « Ça pousse et ça nous pousse », « Moi, je ne sais pas faire ». Philippe Delerm décortique la mansuétude simulée qui cache mal l’acrimonie, la part de sournoiserie de l’interlocuteur. Le mépris tenace… Ces petites phrases assassines, litotes fourbes et autres saillies creuses en disent long sur nos comportements et sur notre époque. Savoureux.

Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases - Philippe Delerm - Editions du Seuil - Edition de poche Points



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.