Lundi Librairie : Big John de Paname



Big John de Paname : Physique imposant drapé dans un look pointu à l’élégance rétro, Big John a longtemps tenu la porte du Baron, club mythique réputé comme le plus inaccessible de Paris et donc le plus désirable des années 2000. Durant 10 ans, il a été le témoin privilégié du monde absurde, cocasse parfois un peu ridicule des nuits parisiennes. Dans ce livre témoignage, récit nostalgique d’une époque, il raconte un milieu pas exactement serein et retrace avec émotion un parcours de vie singulier. Des terrains de baskets pro à la porte du club le plus sélecte de Paris, de la banlieue aux quartiers chics, là où la violence verbale a remplacé la violence physique, Big John ponctue son échappée littéraire d’anecdotes autobiographiques et d’indiscrétions savoureuses. Il dresse le portrait diffracté d’un univers interlope, interroge avec lucidité et humour la culture de la nuit tout en questionnant sa propre identité. Derrière la façade intraitable du colosse, se dessine un personnage attachant peut-être même plus intéressant que toutes les saynètes noctambules. Big John de Paname est un récit à la portée sociétale étonnante, une Comédie humaine contemporaine.

Entre 1998 et 2003, sportif professionnel, Big John évolue en Nationale 1, la troisième division française de basket. Il se forme sur les planches de Washington, Cognac, Marseille, Nancy, croise le chemin du jeune Tony Parker. Mauvaise hygiène de vie, blessures, excès de sortie, Big John est débarqué des terrains et se retrouve au chômage. Le grand costaud est contraint à la reconversion. Il devient videur pour des boîtes hip-hop des Yvelines. Un soir, la société de sécurité dirigée par Bak, le physio du Baron, fait appel à lui pour gérer l’entrée d’une soirée au Paris Paris à Opéra. Introduit auprès des patrons André Saraiva et Lionel Benkemoun, Big John fait ses preuves. La première fois au Baron ne se passe pas très bien. Mais à force de charisme et de vivacité d’esprit, il intègre l’esprit du club. De videur, il est bientôt promu physionomiste grâce à sa répartie, sa patience et son sang-froid.

L’idée du livre, d’un recueil d’anecdotes de la nuit, est le résultat du projet avorté d’une série au format court. Affable mais incorruptible, Big John a filtré avec diplomatie et fermeté la porte du club le plus couru des années 2000. Filtrant les erreurs de casting, apaisant les tensions, il révèle comment il choisit des allures, les genres, comment il rassemble une clientèle particulière dans le but d’obtenir une certaine ambiance. Au passage, il livre quelques-uns des mystérieux critères de sélection, plutôt subjectifs et arbitraires en somme. Au Baron se retrouvait la fine fleur de la branchitude, amis des patrons, artistes confidentiels, stars venues incognito, musiciens, fêtards anonymes. Big John prend la plume pour raconter le spectacle de ces nuits parisiennes à l’intérieur et à l’extérieur. Ce que les gens sont capables de faire pour tenter d’entrer est aussi réjouissant que triste.

Les arguments les plus invraisemblables sont lancés pour convaincre Big John d’ouvrir le cordon. Tentatives de séduction, petits comiques et grandes gueules pathétiques éprouvent leur éloquence bouffonne afin d’émouvoir le physio, personnage aussi courtisé que détesté.  Les fins de recevoir sont fermes et définitives. L’art de Rester inflexible même face aux tentatives de corruption, aux avantages en nature, est un art délicat. Un soir, un client va jusqu’à proposer 10 000 euros en cash. Il faut savoir gérer les conflits, la colère et l’humiliation de ceux qui se font recaler dans le calme.

Big John dit les longues nuits passées devant la porte, les rires, les pleurs, les confessions avinées et ne fait pas l’impasse sur les points négatifs, les insultes, les ivrognes, le racisme, la drogue. Il parle de l’équilibre à trouver pour concilier vie privée et métier de la nuit, l’impératif de garder une certaine distance avec les clients, rester l’ambiance de travail, les liens tissés dans l’équipe. Et puis il songe à évoluer dans la vie. Grâce aux contacts noués au Baron, il a mis un pied dans le milieu du cinéma.  

Big John de Paname - Editions Anne Carrière

Florilège des arguments des clients candidats à une entrée au Baron :

« J’ai plus de 100 000 followers sur Instagram »
« Je fais du krav maga, je vais te défoncer »
« Ma femme m’a quitté, si je ne me bourre pas la gueule, je vais me suicider »
« J’adore le basket, c’est bien mieux que le foot, y a plus de buts »
« Ma mère a un cancer »
« J’ai un bateau, je peux t’emmener faire un tour sur la Seine gratuit »
« J’ai payé un taxi pour venir »
« C’est bientôt la fin du monde »
« Il faut que j’aille aux toilettes »
« Il pleut ».



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.