Cinéma : Kusama : Infinity, la vie et l'oeuvre de Yayoi Kusama - Un documentaire de Heather Lenz



« Ma vie est un pois perdu parmi des millions d'autres pois ». Icône de l’art contemporain, personnalité aussi émouvante qu’énigmatique, à 90 ans ans aujourd’hui, Yayoi Kusama est l’artiste femme la plus reconnue au monde. En 2006, elle se voit décerner le prix Praemuim Imperiale pour sa peinture par l’association japonaise des Beaux-arts. La grande rétrospective de 2007 au Centre Pompidou replace son travail au cœur de la pratique artistique contemporaine dans l’esprit des Français. Yayoi Kusama est l’artiste ayant attiré le plus de visiteurs dans ses expositions en 2014. Les pois et les citrouilles sont les motifs emblématiques d’un acte de création vécu comme un véritable sacerdoce. Elle vit recluse depuis 1977 dans un établissement psychiatrique spécialisé, l’institut Seiwa où elle dispose d’un atelier. Dans cet univers singulier, elle poursuit son oeuvre loin du monde. La réalisatrice Heather Lenz rend hommage cette plasticienne avant-gardiste, artiste féministe, investie pour les droits des homosexuels, dont l’engagement politique notamment contre la guerre du Vietnam a marqué le parcours.






Yayoi Kusama nait en 1929 dans un petit village au Japon. Elle grandit durant la Seconde Guerre Mondiale dans une société patriarcale ultra conservatrice. Bientôt, elle est freinée dans ses désirs d’expression artistique par sa famille. Double traumatisme originel. Mais elle s’envole pour New York en 1957, désireuse de poursuivre une quête personnelle à l’encontre de tous les principes d’éducation qui lui ont été inculqués. Etrangère parlant un anglais médiocre, sans attache ni contact, le premier jour de son arrivée dans la Grosse Pomme, elle monte au sommet de l’Empire State Building et se jure de devenir une star, Rastignac de l’art contemporain. Les débuts sont difficiles mais Yayoi Kusama est portée par une détermination sans faille et la plénitude d’enfin pouvoir créer. 

Au cours des années 1960, elle acquiert progressivement une reconnaissance populaire grâce à des happenings, des performances, des auto-représentations, monstration de la nudité qui fait scandale. Ses peintures et installations en lien avec le pop art, l’art brut choquent mois l’Amérique puritaine. Sur un autre plan, la jeune artiste est confrontée à des problématiques imprévues. La scène artistique newyorkaise dominée par des hommes blancs laisse peu de place aux femmes. 






Pionnière en son domaine, Yayoi Kusama doit faire face aux préjugés, au sexisme, au racisme, surmonter les stigmatisations dont elle est victime. Ses idées d’installation sont pillées par des artistes plus connus comme Claes Oldensburg ou Wahrol lui-même mais elle est inspirée par l’admiration qu’elle porte à des artistes femmes telles que Georgia O’Keefe. La plasticienne se refuse à tout compris et assume pleinement la provocation. Dans les années 1960, elle s’invite d’elle-même à la Biennale de Venise où elle vend à la sauvette ses œuvres pour un dollar symbolique. Elle est bannie de cette foire d’art contemporain où, ironie de l’histoire, elle reviendra en 1993 comme artiste représentant officiellement le Japon.

La création artistique va demeurer son seul élan salvateur. En 1973, elle quitte les Etats-Unis et retourne au Japon, frappée d’une grave dépression. Yayoi Kusama qui n’est pas parvenue à trouver la reconnaissance de ses pairs, a le sentiment de n’être ni entendue, ni comprise. Elle est bouleversée par le terrible rejet à la fois de la scène artistique new-yorkaise machiste et celui aussi de son propre pays figé dans un conservatisme glacé qui juge ses performances obscènes. Par la suite, c’est sa notoriété dévorante qui deviendra difficile à vivre. Yayoi Kusama va trouver son havre de paix dans un institut psychiatrique tandis que la reconnaissance internationale vient enfin. 




La création artistique va demeurer son seul élan salvateur. En 1973, elle quitte les Etats-Unis et retourne au Japon, frappée d’une grave dépression. Yayoi Kusama qui n’est pas parvenue à rencontrer la reconnaissance de ses pairs, a le sentiment de n’être ni entendue, ni comprise. Elle est bouleversée par le terrible rejet à la fois de la scène artistique newyorkaise machiste et celui aussi de son propre pays figé dans un conservatisme glacé qui juge ses performances obscènes. Par la suite, c’est sa notoriété dévorante qui devient difficile à appréhender. Yayoi Kusama trouve son havre de paix dans un institut psychiatrique tandis que la reconnaissance internationale vient enfin. Son oeuvre foisonnante, volontiers iconoclaste possède une énergie qui tend à repousser les limites. Les symptômes hallucinatoires de sa maladie psychiatrique lui inspirent des séries basées sur le principe d’envahissement, « énergie de la vie transformée en pois ». 

La forme classique du documentaire, presque trop académique est compensée par la force du sujet. La réalisatrice Heather Lenz explore les différentes facettes de l’artiste selon un plan chronologique simplifié. Le film évoque à la fois son parcours de persévérance, sa trajectoire hors du commun. Il permet de rendre accessible à de nouveaux spectateurs les œuvres emblématiques de cette grande dame de l’art contemporain mais aussi de découvrir une personnalité à fleur de peau, les angoisses, les fêlures, la singulière candeur d’une artiste sincère d’une grande humilité. 

Kusama : Infinity
Un documentaire de Heather Lenz
Sortie le 18 septembre 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.