Le Musée Condé fondé grâce à la passion d’un homme, le duc d’Aumale, a permis de réunir un fond d’arts graphiques exceptionnel. Parmi les chefs-d’œuvre de cette collection unique, 366 portraits féminins dessinés par les deux plus grands portraitistes de la Renaissance française, Jean Clouet (1480-1541) et François Clouet (1520-1572). Père et fils sont aujourd’hui célébrés à travers une exposition unique, Clouet Le Miroir des Dames. Ces deux artistes ont marqué l’histoire du portrait féminin au XVIème siècle. Par leur parti pris esthétique novateur, ils ont fait évoluer la représentation de la figure humaine. Sous leur crayon, ils ne se contentent plus d’évoquer la beauté ou la piété mais cherchent à mettre en lumière le rang, les mérites, les qualités d’esprit du modèle. Cette révolution artistique intervient au moment même où s’affirme le statut des femmes à la cour de France. L’exposition qui se tient au Cabinet d’arts graphiques du musée Condé réunit une quarantaine de dessins, immarcescibles instantanés de la cour des Valois sous la royale autorité de François Ier, Henri II et Catherine de Médicis.
Le colossal travail de portraitiste des Clouet père et fils peut être de nos jours considéré comme le reflet d’une époque. Eléonore de Habsbourg, Renée de France, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis elle-même, les favorites du roi comme celles de la reine, les charmantes inconnues et les brûlantes scandaleuses, toutes se prêtent au jeu. Les belles comme les princesses moins gracieuses acceptent de poser pour les Clouet dont l’obsession naturaliste n’efface ni le double menton, ni le pli d’amertume de la dame représentée. Intraitables, la technique et la précision accèdent à une forme de sincérité parfois cruelle.
Ces délicats dessins à la sanguine et à la pierre noire proviennent en grande des collections personnelles de la reine Catherine de Médicis (1519-1589) férue de portraits qui en assemble plus de 500. Au décès de Jean Clouet, la reine fait l’acquisition de l’intégralité de ses oeuvres. Elle reste jusqu’à la fin de sa vie le principal commanditaire du fils François Clouet. Parmi ce vaste ensemble, on compte de nombreux feuillets consacrés à la représentation des enfants royaux, dessins par lesquels la souveraine prenait connaissance de la santé de sa progéniture.
Catherine de Médicis entourée d’une brillante cour dont les dames qui avaient ses faveurs étaient invitées à poser pour ces artistes. Cette marque d’amitié de la part de la souveraine, récompense de la fidélité, permet aussi d’affirmer leur privilège de favorites. La représentation officielle des nobles dames, leurs portraits signés Clouet illustrent alors leur statut social, leur appartenance au cercle des proches, le cénacle des élus, véritable affirmation de leur rang. Dans sa passion dévorante, Catherine de Médicis annote elle-même ces portraits, les classe par famille.
Jean Clouet, formé à la miniature dans la lignée médiévale de Jean Fouquet (1420 ou 25 / vers 1481) et de Jean Perréal (1455 ou 1460 / vers 1528), entre au service de François Ier en 1516. La tradition du portrait est alors sur le déclin en France. L’influence majeure de Jean Fouquet dont le célèbre portrait de Charles VII au Louvre peint vers 1455, premier des grands portraits royaux, va permettre à Jean Clouet d’exprimer son talent en ce sens. La précision, la délicatesse de ses œuvres le désignent comme l’un des grands maître de la Renaissance.
Et pourtant, faute de signer ses œuvres, sa réputation sera éclipsée par celle de son fils, François Clouet, ainsi que par d’autres artistes auxquels seront attribuées principalement ses peintures. Héritage du Moyen-âge, influence de la Renaissance, Jean Clouet adapte la tradition du portrait à la française en y intégrant des éléments flamants ou italiens. Il soigne particulièrement les détails de la chevelure, de la coiffure. La ressemblance du modèle, l’exactitude du visage, sa véracité lui permettent d’exprimer l’individualité, l’esprit du modèle.
Son fils François Clouet poursuit l’idée de dépasser une simple représentation physique idéalisée. Si le dessin est moins délicat, moins aérien, la vitalité est d’autant plus frappante. Il se permet plus de liberté dans l’expressivité du regard, de la moue. François Clouet porte un intérêt particulier à l’habit, au corps, au luxe des détails d’une vêture fastueuse. Ses portraits retracent l’histoire de la parure et costume comme signes d’appartenance voire même d’affirmation politique parfois. A la cour de France de 1530 à 1536, à la suite du mariage de François Ier avec Eléonore de Habsbourg, l’introduction de la mode espagnole et portugaise fera grand bruit.
Clouet le Miroir des Dames
Jusqu’au 6 octobre 2019
Cabinet d’arts graphiques du Musée Condé
Domaine de Chantilly
60500 Chantilly
Tél. : 03 44 27 31 80
Horaires du domaine de Chantilly
- Haute saison du 30 mars 2019 au 27 octobre 2019 inclus
Ouvert 7j/7 y compris les jours fériés de 10hà 18h jusqu’à 20h pour le parc
- Basse saison du 28 octobre 2019 au 27 mars 2020 inclus
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h30 à 17h jusqu’à 18h pour le parc
Fermeture annuelle du 06 janvier au 24 janvier 2020
- Haute saison du 30 mars 2019 au 27 octobre 2019 inclus
Ouvert 7j/7 y compris les jours fériés de 10hà 18h jusqu’à 20h pour le parc
- Basse saison du 28 octobre 2019 au 27 mars 2020 inclus
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h30 à 17h jusqu’à 18h pour le parc
Fermeture annuelle du 06 janvier au 24 janvier 2020
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire