Cuisine d’auteur, d’émotions, sous la férule du chef Keigo Kimura L’Aspérule enchante de ses métissages savoureux la capitale des ducs de Bourgogne. Depuis 2018, l’inventivité d'un Japonais fou de cuisine française remet au goût du jour la gastronomie dijonnaise. Petite plante savoyarde très odorante aux arômes de vanille, aux notes de foin frais, aux nuances de miel, la singulière aspérule prête son nom à un établissement à l’inventivité irrésistiblement contemporaine. Elle est aussi l’une des herbes signatures du chef Marc Veyrat, l’un des premiers maîtres français auprès duquel le chef Keigo Kimura a fait ses armes durant près de quatre ans à Annecy. Portions délicates, créations originales, soin du détail dans les assiettes comme en salle, à L’Aspérule, la rigoureuse élégance japonaise croise la tradition d’un riche répertoire français. Les accords se précisent dans la technicité de compositions exécutées avec grâce. Dès janvier 2019, l’engagement du chef est récompensé d'une étoile par le guide Michelin. Dijon et sa future Cité internationale de la Gastronomie ont d'ores et déjà trouvé un superbe ambassadeur.
La vocation du chef Keigo Kimura appartient à ces jolies histoires de disposition filiale. A 8 ans, il se glisse déjà dans les cuisines de son père qui officie dans une auberge à quelques heures de Tokyo, dans les montagnes Yamanashi. Ce dernier féru d’art culinaire français transmet au petit Keigo la passion de la gastronomie hexagonale. Notre futur chef intègre alors la prestigieuse école Tsugi, dont l’enseignement est orienté plus particulièrement vers cette cuisine. En 2000, Keigo Kimura a 23 ans et poursuit sa formation en France au sein de brigades de grand renom. Auprès de Marc Veyrat tout d’abord, dont le nom du restaurant L'Aspérule évoque avec sentiment cette expérience fondatrice puis Christopher Coutanceau à La Rochelle et Joël Robuchon à Paris.
En 2007, il rejoint l’Yonne comme chef des Bons Enfants, ancien Relais de poste devenu restaurant sous la houlette d’un autre passionné, François Pierre Lobies, imprimeur à la retraite. La Capitale rappelle vite le chef Keigo Kimura et il prend la tête des cuisines du Sofitel Le Faubourg à Paris. L’envie d’exprimer pleinement ses idées le pousse en 2014 à ouvrir sa propre adresse à Auxerre. De taille modeste, une vingtaine de couverts, l’établissement propose une expérience hautement personnalisée. Une démarche rapidement récompensée par une étoile au Michelin en 2015. Le chef Keigo Kimura, son épouse Akiko à ses côtés, à la comptabilité ou parfois même en salle, écrivent une nouvelle histoire de famille soutenus par une brigade entièrement japonaise. Bientôt le restaurant auxerrois devient trop étroit pour leurs ambitions gastronomiques. Le chef conserve néanmoins le local de la cité icaunaise. Il confie les fourneaux à son second Yusuke Kadoguchi et le transforme en un bistrot élégant, le Bistrot de l’Aspérule.
A défaut de trouver à Auxerre, un espace répondant à ses exigences, Keigo Kimura choisit de déménager, début 2018, le restaurant gastronomique à Dijon. A peine plus grand que L’Aspérule auxerrois, cinq couverts supplémentaires, le nouveau lieu présente un avantage considérable. La taille de la cuisine. Bien plus large, cabine vitrée ouverte sur la salle, elle permet d’observer le chef à l’oeuvre à moins que ce ne soit le contraire. Le cadre clair ultra moderne, la salle austère pourraient évoquer un décor un peu froid. Néanmoins l’atmosphère est rapidement réchauffée par l’excellence d’un accueil à la fois aimable et précis, ainsi que par l’enthousiasme des convives.
Dans la continuité d’un parcours mêlant humilité et inspiration, L’Aspérule dijonnais se voit décerner une étoile au Michelin en janvier 2019. Et l’addition divinement compréhensive pour un gastro ne gâche rien. Les menus, particulièrement celui du déjeuner avec des plats signature et des inspirations du marché, sont de très bonnes affaires pour les becs fins. L’expérience menu dégustation le soir en 5 à 7 services à prix tout doux ne dépare pas. Le Chef Keigo Kimura travaille avec passion produits frais de saison, locaux, si possible. Et bien entendu, la carte des vins fait honneur à la Bourgogne. Bonheur !
Une coupette de champagne Delamotte pour débuter les festivités, et de dodues Gougères comté, soumaintrain, ciboulettes et piment s’invitent à notre table, aériennes et gaillardes. Le Velouté de maïs huile de curry et maïs grillé annonce dans la soie de ses fluidités la suite des réjouissances.
Robe d’or pâle, nez expressif et complexe, fleurs blanches, poire, iode légère et épices affirmées, un Meursault 2014 François Mikulski nous accompagne. L’attaque est puissante, l’équilibre rigoureux. Longueur en bouche des parfums de fruits mûrs, poire, mirabelle et finale saline marquée par le sol. La Salade de foie gras, riz soufflé croustillant, figues, pousses d’amarante et de chrysanthème confirme l’espièglerie des associations, les délicates surprises qui poussent du coude les grands classiques.
Vin blanc rare produit sur la Côte de Nuits, le Vougeot 1er cru 2012 Le Clos Blanc de Vougeot Monopole Domaine de la Vougeraie fait honneur à sa réputation complexe et riche, puissant, équilibré. Or clair de la robe, le nez s’épanouit en finesse, fleurs blanches, fruits du verger et une nuance gourmande briochée. En bouche, il révèle son caractère, sa longueur généreuse, sa minéralité à laquelle répondent des notes de poires mûres et d’agrumes. La Fricassée de homard et de sot-l’y-laisse, bouillon de homard et de volaille, piment d’Espelette, vient souligner entre terre et mer ce superbe nectar.
Au cœur de la Côte de Nuits, le Gevrey-Chambertin Mes Cinq Terroirs Domaine Denis Mortet, vinifié par Arnaud Mortet associe de cinq climats implantés sur la pente nord de Gevrey-Chambertin appelée Coteau de Brochon. Les petites baies de la vieille vigne concentrent les saveurs patrimoniales, le fruité, le velours des tanins, la belle fraîcheur et la longueur en bouche. Ce vin élégant accompagne un Porc noir de Bigorde cuit au binchotan, charbon de bois blanc japonais, courgette, laitue cuite à l’étuvée, champignons shiitake et champignons de Paris, purée de pomme de terre poivron sauce vinaigre de xérès. Le goût fumé de la cuisson au charbon japonais confère des nuances uniques à la viande d’une rare tendreté. La composition végétale convoque les différentes traditions avec malice.
La Cheffe pâtissière Sayuri Nakao qui officie à L’Aspérule laisse s’exprimer son goût personnelle pour les desserts peu sucrés mais très parfumés, raffinement asiatique et clins d’œil occidentaux. Le Pamplemousse en tuile, mousse de fruit de la passion et praline, diplomate aux noisettes caramélisées et pamplemousse caramélisé au miel, glace au yaourt pousses d’agastache au singulier goût d’anis, invite la gourmandise tout en légèreté.
A L’Aspérule, sous l’égide du chef Keigo Kimura, la cuisine traditionnelle régionale se trouve modernisée par des notes asiatiques amènes. Les compositions impeccables, relevées par des notes acidulées inattendues, des rondeurs aimables, des parfums délicats ou des chaleurs épicées convoquent tous les sens. Les cuissons sont millimétrées, les associations audacieuses, les fulgurances saisissantes. Une très belle adresse !
L’Aspérule
43 rue Jean Jacques Rousseau - 21000 Dijon
Tél : 03 80 19 12 84
Fermé le dimanche et le lundi
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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