Paris : Sacré-Coeur, 10 clés pour une visite à Montmartre de la basilique - XVIIIème



Le Sacré-Cœur, basilique au sommet de la Butte Montmartre, assume une double charge symbolique, lieu de pèlerinage et exceptionnel monument parisien de par son histoire et son esthétique. Considéré par nombre de ses contemporains comme la laideur architecturale incarnée, le temps lui a offert une réhabilitation et l’admiration renouvelée des touristes du monde entier. Le Sacré-Cœur, classique façade romane surmontée d’extravagants dômes surdimensionnés, sorte de soufflé de pierre, doit sa silhouette étrange aux visions radicalement opposées des architectes qui se sont succédés. Edifiée au lendemain d’événements dramatiques, la défaite contre la Prusse, le soulèvement de la Commune réprimé dans le sang, symbole politique et religieux contestable, la basilique a connu une construction mouvementée.  Celle-ci a débuté à la fin du XIXème et s’est achevée au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Le Sacré Cœur est devenu, de nos jours, l’un des emblèmes de la Ville Lumière. Néanmoins, certains réfractaires continuent de protester contre le monument. Un Parisien suggérait, récemment encore, sur le site du budget participatif de la Ville de Paris, de le faire raser. En attendant si drastique mesure, voici 10 clés pour préparer une visite de la basilique. 











1 - Le Sacré-Cœur est le fruit d’une initiative personnelle portée par deux notables parisiens Alexandre Legentil et Hubert Rohault de Fleury qui en 1871, font le vœu de consacrer une église au Sacré Cœur à Paris. Ce culte particulier est lié à la révélation reçue par une religieuse visitandine du couvent de Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690). En 1675, le Christ lui serait apparu en lui demandant de diffuser la pratique de la vénération du Sacré-Cœur de Jésus. En 1856, le pape Pie IX institue la fête du Sacré Cœur et béatifie la religieuse en 1864. Le culte du Sacré Cœur se développe particulièrement en France à partir de 1870. A cet époque, le diocèse de Nantes lui est dédié suivi par une dizaine de communes de l’Ouest de la France comme Luçon ou Angers. Legentil et Fleury, inspirés par ces dévotions, souhaitent établir une église du Vœu national du Sacré Cœur de Jésus à Paris. 

2 - La construction du Sacré-Cœur a fait l’objet d’un véritable débat politique à l’Assemblée Nationale. Legentil et Fleury, au lendemain de la défaite contre la Prusse et des évènements de la Commune, désirent revendiquer la foi chrétienne comme voie de salut pour tous. En 1873, l’archevêque de Paris, Monseigneur Guibert malgré quelques réticences initiales soutient le projet. Montmartre est choisi. D’une part la butte qui culmine à 127 mètres est visible de tous les points de Paris et d’autre part, elle est dans la tradition, lieu du martyr de Saint Denis et donc symbole chrétien fort. Le cardinal cherche à acquérir les terrains nécessaires, dont « Le champ des Polonais » lieu de la Commune mais il se heurte aux refus des propriétaires. Qu’à cela ne tienne, il passera par la voie légale se rendant à l’Assemblée Nationale. Depuis la loi de 1841, cette dernière a le droit de voter l’expropriation au seul profit de l’Etat, du département ou de la commune, si les biens expropriés sont incorporés au domaine public. L’Assemblée majoritairement monarchiste se range du côté du Sacré-Cœur et fait voter une loi pour que le projet soit déclaré d’utilité publique et les réfractaires expropriés. L’expropriation est votée le 24 juillet 1873. Elle est adoptée par 393 voix contre 164. Détail cocasse, lorsque la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat est promulguée en 1905, le Sacré Cœur devient propriété de la Ville de Paris affectée au culte catholique et dépendant de l’archevêché de Paris.










3 - A l’occasion des débats à l’Assemblée Nationale, la question de l’opportunité d’un tel monument, vécu comme une provocation par certains, s’est posée avec force. Les détracteurs du projet y voient alors le potentiel d’arrière-pensées politiques et religieuses. En approuvant, l’entreprise, Paris foyer de Révolution, héritière des Lumières et de la libre pensée céderait à l’obscurantisme d’un culte particulièrement austère. Edifier cette église au cœur de Montmartre, centre de l’insurrection de la Commune, est alors perçu comme un signe de rejet des mouvements populaires contestataires. C’est le triomphe de l’Eglise d’ancien régime sur la Révolution laïque. Les Républicains vont tenter de faire abroger sans succès la loi du 24 juillet 1873 en 1882, 1891, 1896 avant de renoncer.

4 - Le Sacré-Cœur est l’oeuvre de multiples architectes. En 1873, lors d’un concours public, le projet de l’architecte Paul Abadie est sélectionné parmi ceux 78 concurrents, dont curieusement a été exclu d’office Viollet-le-Duc et ses influences néo-gothiques. Abadie meurt en 1884, laissant place à une véritable querelle de style entre ses successeurs influencés par l’école rationaliste, la tradition byzantine, les préceptes des Beaux-arts. Honoré Daumet prend la relève mais démissionne en 1886. A sa suite, Henri Raulin conçoit la grande coupole et une partie de la décoration. En 1904, Lucien Magne lui succède et suit le chantier jusqu’en 1916. Il dresse les plans du campanile, dôme conique à lanternon haut de 84 mètres, clocher où prendra place la Savoyarde, fondue par Paccard. Son fils, Henri Marcel Magne conçoit une partie du mobilier et de la décoration. Louis Jean Hulot exécute les sculptures monumentales de Saint Louis et Jeanne d’Arc à l’entrée du monument et finalise la crypte. 











5 - Le Sacré-Cœur a été entièrement financé par des fonds privés, récoltés par l’Association du Vœu national. Entre 1872 et 1925, dix millions de donateurs vont participer à sa construction selon un procédé moderne. Avec leur don, les souscripteurs achètent une ou plusieurs pierres à des tarifs très précis. Une pierre cachée coûte 120 francs, une pierre apparente avec cinq initiales non visibles 300 francs. Les piliers vont de 5000 à 100 000 francs. Le Sacré-Cœur va connaître quelques déboites financiers. Le devis du projet de Paul Abadie, pour un montant initial de 7 millions, du fait de nombreux problèmes techniques est très largement sous-évalué. L’ensemble des travaux coûtera en réalité 45 millions. 

6 - La construction du Sacré-Cœur a duré près de 40 ans. Après l’acquisition du terrain de 12 500 m2 et l’expropriation des 14 propriétaires, la première pierre est rapidement posée le 16 juin 1875 en présence du maréchal Mac Mahon. Les travaux débutent en juin 1876 mais la progression est lente, les difficultés techniques se multiplient. Afin d’asseoir les fondations sur la colline de gypse, il est nécessaire de forer 83 puits de 43 mètres de profondeur qui seront remplis de béton. La basilique sera partiellement inaugurée officiellement le 19 novembre 1886, le clocher terminé en 1914 et l’église consacrée le 16 octobre 1919. Les travaux ne se sont achevés qu’en 1923.

7 - L’esthétique du Sacré-Cœur a été très fortement contestée par ses contemporains. Volontiers comparée à un gros nougat, la basilique ressemble selon Emile Zola à « une floraison monstrueuse », ou selon Aragon à « un fromage blanc ». Son style composite néo-byzantin est le résultat des nombreux changements d’architectes. Si l’inspiration de l’époque romane est évidente, le plan, disposition et agencement des volumes, paraît en revanche inédit. 











8 - Le Sacré-Cœur a été dès l’origine et selon le souhaite du diocèse de Paris une église de pèlerinage. Ni cathédrale, ni paroisse, Monseigneur Guibert, dès le début, envisage un sanctuaire de pèlerinage aux proportions colossales. Cette vocation initiale détermine alors le plan de l’édifice avec des dégagements importants afin de permettre aux processions de se déployer, de nombreuses chapelles permettant la célébration de plusieurs messes en même temps et la création d’une église souterraine sous l’église principale.

9 - Grâce aux propriétés du calcaire de Château-Landon, le Sacré-Cœur demeure d’une blancheur éternelle malgré la pollution et les outrages du temps. La pierre de Souppes, extraite des carrières du sud de la Seine-et-Marne, sécrète au contact de l’eau du calcin, une matière qui confère au monument sa blancheur et le protège des avanies. 

10 - Le Sacré-Cœur est la seule église à Paris et l’une des rares en France consacrée à la pratique de l’adoration eucharistique perpétuelle. Les fidèles se relaient nuit et jour devant le Saint Sacrement dans une prière continue mise en place dès 1885. Depuis cette date, seules les alertes aux bombardements de la Seconde Guerre Mondiale ont interrompu cette forme de dévotion.

Basilique du Sacré Cœur
Accès 35 rue du Chevalier de la Barre - Paris 18



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Le guide du promeneur 18è arrondissement - Danielle Chadych et Dominique Leborgne - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette