Paris : Galerie Véro-Dodat, élégance nostalgique d'un passage couvert parisien - Ier



La galerie Véro-Dodat, passage couvert parisien inauguré en 1826, doit sa création à l’entregent de deux entrepreneurs qui donneront leur nom à leur oeuvre, Benoît Véro et François Dodat. Elle est le fruit d’une époque, la Restauration (1814-1830) qui permit aux opérations immobilières spéculatives de fleurir. Si le nom de son architecte n’est pas resté dans les annales, cette galerie marchande a connu un véritable succès lors de son lancement. Réputée pour son éclairage au gaz, modernité absolue en ce temps, et le raffinement de son décor, huisseries en cuivre, miroirs, bois imitant l’acajou, colonnettes peintes, elle s’impose comme l’une des belles promenades parisiennes. Mais malheureusement, supplantée par d’autres passages couverts à la pointe des techniques architecturales, plus lumineux, plus vastes, minée par des problèmes structurels d’aération notamment, la galerie Véro-Dodat est victime d’une profonde désaffection de la part du public. Au cours du XXème siècle, elle est même menacée de destruction à plusieurs reprises. A la fin des années 1970, les antiquaires qui l’investissent la sauvent définitivement. Objet d’une importante rénovation en 1997, la galerie Véro-Dodat a su séduire de prestigieux commerces par son charme nostalgique. Boutiques d’antiquités, d’ameublement, de décoration, d’instruments de musique, galeries d’art rivalisent d’élégance tandis que l’atelier-boutique de Christian Louboutin, tient le haut du panier.











En 1819, Benoît Véro débute. Il achète, presque en face de sa boutique, plusieurs parcelles contiguës et l’hôtel particulier Quatremer au 2 rue du Bouloi. En 1823, il s’associe à François Dodat, charcutier, établit faubourg Saint Denis sous l’enseigne Au Grand Saint Antoine, homme d’affaires à ses heures également. Ensemble, ils poursuivent leurs acquisitions de terrains. Sur la vaste parcelle élargie mitoyenne du côté de la rue de Grenelle-Saint-Honoré, ils font raser les bâtiments existants pour reconstruire. Les terrains relevant des dépendances de l’hôtel particulier originel, se transforment en enfilade de deux cours le long desquels sont érigées les nouvelles bâtisses. En 1826, la galerie Véro-Dodat est inaugurée. Du côté de la rue Montesquieu, l’édifice qui marque l’entrée présente une belle façade de style Restauration ornée de deux statues, l’une représentant Hermès, dieu du commerce, avec son casque ailé et un caducée, la seconde un Satyre au repos d’après Praxitèle. 

Le succès de la galerie Véro-Dodat est immédiat. A proximité du Palais Royal, centre de la vie parisienne de l’époque, elle est, avant le percement de la rue du Colonel-Driant en 1915, le seul raccourci entre celui-ci et le quartier des Halles. Et sa situation semble d’autant plus idéale qu’en face de l’entrée sur la rue de Grenelle-Saint-Honoré, notre actuelle rue Jean-Jacques Rousseau, se trouve la cour des Messageries Laffitte et Gaillard. Les voyageurs en attente de leur diligence visitent volontiers la galerie marchande. La renommée des lieux doit beaucoup aux enseignes prestigieuses installées en son cœur. Le marchand d’estampes Aubert, éditeur de La Caricature et du Charivari deux fameux journaux satiriques, exposent en vitrine chaque jour caricatures de Daumier, Henri Monnier, Gavarni. Le succès des dessins liés à l’actualité provoque des attroupements de badauds.












L’architecture élégante de la galerie Véro-Dodat doit beaucoup aux perspectives optiques de la trame diagonale du dallage noir et blanc et à son unité stylistique. Les globes d’éclairage soulignent l’alignement horizontal des boutiques. Leurs devantures identiques sont rythmées par des colonnettes complétée de frises stuquées aux décors de palmes. Entre chaque boutique, des miroirs scandent la promenade. Luxe des matériaux et des détails, le programme décoratif affirme son aboutissement avec un ciel de galerie néo-classique dont l’esthétique emprunte beaucoup aux thèmes mythologiques alternant verrières et plafonds à caisson revêtus de toiles marouflées sir lesquelles sont peints Cérès, Mercure, Minerve et Apollon. Les enseignes en lettres métalliques complètent l’impression d’unité des vitrines. A l’étage, en attique, les logements privés se font discrets. De 1836 à 1842, la célèbre tragédienne mademoiselle Rachel aurait habité au 23. Pratique pour se rendre au Français… 

Malgré ses nombreux charmes, dès 1840, la galerie Véro-Dodat connaît le désamour. La fermeture des Messageries Laffitte lui cause du tort et de nombreuses complications structurelles apparaissent. Les boutiques au cœur du passage sont sombres même en plein journée. Le renouvellement de l’air pose problème. Les odeurs sont méphitiques. L’éclairage aux becs de gaz surchauffent l’endroit. Si les magasins sont désertés, le Café de la Galerie demeure un lieu de rencontre. Gérard de Nerval le fréquente assidument en 1855 avant son terrible geste.












Au milieu du XXème siècle, les promoteurs guettent à nouveau et la galerie Véro-Dodat est menacée de destruction. Elle doit son salut, dans les années 1970, aux antiquaires qui trouvent opportun de s’installer dans ce lieu si singulier. Figure de proue du sauvetage, Robert Capia, spécialiste des jouets, automates et poupées du XIXᵉ siècle, y tient boutique de 1966 à 2004 dans l’une des échoppes les plus emblématiques du passage au numéro 26.

La galerie Véro-Dodat est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 9 juin 1965. Les protections concernent les façades et toitures sur rues, les façades et plafonds intérieurs, sols du passage. Malgré l’accord le 18 mai 1998 de la Commission européenne supérieure des monuments historiques, la copropriété refuse le classement. 

Galerie Véro-Dodat - Paris 1
Accès 19 rue Jean-Jacques Rousseau et 2 rue du Bouloi
 Ouverte du lundi au samedi de 7h à 22h
Fermée les dimanches et jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du patrimoine Centre des monuments nationaux
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Editions Hachette
Passage couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Editions Parigramme

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