Paris : Passage Choiseul, une galerie marchande aux charmes émoussés - IIème



Le passage Choiseul, fruit d’une opération spéculative d’envergure menée par la banque Mallet & Cie entre 1825 et 1827, a connu diverses fortunes. Lors de son inauguration, en 1827, il est l’un des plus modernes passages couverts parisiens et l’un des plus long avec ses 190 mètres. Mais son attractivité a toujours dépendu de ses résidents plutôt que de ses charmes fort maigres que Céline éreinte avec humour dans son roman autobiographique, Mort à crédit, publié en 1936. Les plans conçus par l’architecte François Mazois répondent à un ordonnancement sans fioritures, boutiques à l’entresol surmontées d’un unique étage d’habitation et verrière à deux pentes assez commune. Au décès de Mazois en 1826, un second architecte Antoine Tavernier mène à bien la construction sans dévier de la ligne. De nos jours, le passage Choiseul, s’il demeure pittoresque du fait de sa structure à travers le pâté de maison, n’a pas su développer d’attraits particuliers.











Sous la Restauration (1814-1830), le Boulevard désigne un ensemble d’artère animées entre les places de la Madeleine et de la République comprenant les boulevards Bonne Nouvelle, Poissonnière, Montmartre, des Italiens, des Capucines. Lieux d’élégance et de divertissement, théâtres et cafés y fleurissent tandis que s’ouvrent à leurs abords les fameux passages couverts. 

En 1825, la banque Mallet & Cie achète quatre propriétés dans le quartier Feydeau, entre la rue neuve-Saint-Augustin et la rue Neuve-des-Petits-Champs. Elle prend possession pour les raser au numéro 42 de la rue des Petits Champs de l’hôtel Radepont, siège de la Loterie Royale, au numéro 44 de l’hôtel de Lionne construit par Le Vau en 1661-71 et affecté au ministère des Finances, aux numéros 46-50 de l’hôtel Langlée, aux numéros 21-23 de la rue Saint Augustin, de l’hôtel de Gesvres bâti en 1655 par Le Pautre pour Sylvain Bonfranc. 

Seul le corps de logis principal de ce dernier est conservé et intégré à l’entrée nord du passage Choiseul, du côté de la rue Saint-Augustin. La façade de l’hôtel de Gesvres fortement modifiée par le percement des vitrines, dont l’accès est dotée d’un remarquable vitrail en demi-rosace et la cour, toujours visible de nos jours, s’affirment comme les éléments les plus pittoresques du passage.










A la suite de ces acquisitions, la banque Mallet & Cie a pour projet immobilier de réunir les parcelles afin de créer une nouvelle rue dans l’axe de la rue Ventadour encadrée par deux passages couverts. Les travaux débutent. En 1825, la rue Méhul-Consigny est percée dans l’axe de la rue Ventadour au centre de l’ilot. Mais en 1826, une ordonnance royale autorise la construction du théâtre Royal de l'Opéra-Comique, actuelle salle Ventadour. Cette initiative vient fortement contrarier les desseins de la banque Mallet & Cie. En effet, le théâtre doit être établi selon la réglementation néo-classique concernant les édifices publics importants, sur une place isolée. 

Les chantiers des deux passages cessent leur activité pour un temps. La banque Mallet & Cie se voit dans l’obligation d’indemniser les premiers acheteurs du nouveau lotissement. Si le passage Choiseul est achevé en 1827 par l’architecte Antoine Tavernier, son jumeau parallèle est abandonné. Le seul tronçon construit est bientôt rasé. Il fera place au XXème siècle à un immeuble.

L’Opéra-Comique réalisé par les architectes Hurvé et Querchy est inauguré en 1829. Victime de revers de fortune regrettable, le bâtiment connaît diverses affectations. Le théâtre ferme définitivement en 1878. C’est un fiasco financier pour les actionnaires. L’édifice est cédé en 1892 à la Banque de France dont il devient une annexe. 










Décor minimaliste, verrière classique, vocation commerciale très simple, le passage Choiseul est inauguré en 1827. Il comporte quatre-vingt-douze boutiques surmontées sur toute la longueur d’une suite d’arcades en plein cintre qui enserrent l’entresol. L’étage sous verrière est destiné aux habitations. L’ordonnancement originel a été relativement bien préservé, sauf sur la partie Sud où, de nos jours, les devantures modernes de qualité médiocre en altèrent l’uniformité. Peu décoré, son seul luxe réside dans les deux marquises remarquables aux entrées Nord et Sud. L’inscription à l’Inventaire des Monuments historiques par arrêté du 7 juillet 1974 protège les façades intérieures et les toitures sur rue.

Une entrée secondaire assez triste s’ouvre vers la rue Dalayrac. En 1829, le passage est doté d’un nouveau tronçon étroit baptisé passage Sainte Anne ouvrant sur la rue éponyme. Il est percé à travers des murs préexistants sur une parcelle rachetée au couvent des Nouvelles Catholiques. Le passage Sainte Anne est aujourd’hui quasiment désaffecté. Le projet d’ouverture d’un tronçon symétrique en face, vers la rue Gaillon n’aboutit pas.

A son inauguration, sa situation centrale, le voisinage des théâtres et la diversité des commerces rendent le passage Choiseul très populaire. Au numéro 23, la librairie d’Alphonse Lemerre, éditeur des Parnassiens, de Coppée, Barbey d’Aurevilly, Leconte de Lisle, et le salon littéaire de Bocquet aux numéros 44/46 attirent les lettrés. Au numéro 67, la salle construite par Bruneton et Allard, abrite le théâtre pour enfant de monsieur Comte prestidigitateur et ventriloque qui a quitté le passage des Panoramas pour celui de Choiseul. La salle est reprise en 1855 par Offenbach. Reconstruite par Lehmann en 1857, elle devient les Bouffes-Parisiens qui perdurent de nos jours mais n’ouvrent sur le passage que sur une entrée secondaire. 










Malgré une verrière entièrement refaite en 1891, le passage Choiseul devient rapidement insalubre. Louis-Ferdinand Céline qui y vécut enfant de 1899 à 1907, décrit l’atmosphère poisseuse de la galerie, rebaptisée pour l’occasion passage des Bérésinas, dans son roman Mort à crédit. Au numéro 67, jusqu’en 1904 puis au numéro 64, Marguerite Destouches, mère de l’écrivain, y tient une boutique d’objets de curiosités, une sorte de bazar. Le passage Choiseul connaît une forme de renouveau au début des années 1970, lorsque le créateur Kenzo y ouvre une boutique. Ce lieu boudé par la clientèle attire à nouveau pour sombrer de plus belle dans l’oubli quand le créateur déménage plus tard place des Victoires.

Le délabrement progressif est le résultat d’un entretien compliqué à la charge des copropriétés. Verrières et dallages, parties communes délicates à traiter, posent des problèmes de financement. Au début des années 2010, la Mairie de Paris vient en aide aux copropriétaires du passage Choiseul. Une importante série de travaux menée entre 2011 et 2012, est partiellement prise en charge par subvention de la Ville à hauteur de 25%. Les verrières et les marquises surplombant les deux entrées principales sont rénovées de façon drastique. 

Passage Choiseul - Paris 2
Accès 40 rue des Petits-Champs - 23 rue Saint-Augustin

Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du patrimoine Centre des monuments nationaux
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Editions Hachette
Passage couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Editions Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme

Sites référents



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.