Cinéma : McQueen, un documentaire de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui



Précurseur subversif, génie créatif torturé, figure majeure de la mode de la fin du XXème siècle et du début du XXIème, Alexander McQueen s’est donné la mort en 2010 à l’âge de quarante ans. Fils d’un taxi londonien, cadet d’une fratrie de six enfants, rejeton d’une famille modeste typique de l’Est londonien, celui qui n’est encore que Lee quitte l’école à l’âge de seize ans. Il entre en apprentissage chez un prestigieux tailleur de Savile Row, Anderson & Sheppard, fournisseur notamment du prince Charles, poursuit son expérience à Milan. Mais il se sent à l’étroit dans les ateliers. Il est accepté à la Saint Martin’s school. En 1992, la première collection de la maison McQueen est financée par les allocations chômages. Il est alors repéré par Isabella Blow, rédactrice de mode excentrique qui le prend sous son aile et l’introduit dans le sérail. En 1996, il intègre la maison Givenchy à la tête de laquelle il prend la suite de John Galliano. Il a vingt-huit ans. Bridé par les impératifs commerciaux de cette vieille institution, il développe en parallèle sa propre griffe à travers des collections toujours plus impressionnantes, provocantes, spectaculaires. Itinéraire d’un talent brut.





Huit ans après son suicide, Alexander McQueen (1969-2010), personnage hors normes au destin romanesque, alimente toujours les plus folles rumeurs. Les réalisateurs Ian Bonhôte, Peter Ettedgui évoquent la vie, la carrière et le talent d’un être complexe aux multiples facettes. Avec empathie et sensibilité, ils dressent le portrait de celui qui était surnommé l’Enfant terrible de la mode, un homme paradoxal, égocentrique et généreux, hypersensible et tyrannique, perfectionniste dans le travail et chaotique dans sa vie privée. Sincère et personnel, le documentaire rend un hommage saisissant à cet électron libre de la mode, hanté par ses démons, les traumatismes d’enfance, les addictions, la maladie et la dépression.





Si le montage chronologique n’échappe pas à la linéarité, le récit de cette ascension fulgurante fascine. Du gamin de la classe ouvrière à la star des podiums, McQueen apparaît tout entier, insaisissable, exubérant, habité. Ponctué de nombreux témoignages des membres de sa famille, de ses proches, ses collaborateurs, le film dessine par touches légères la psychologie du personnage tandis que les archives inédites, les images superbes en coulisses entraîne le spectateur au cœur du métier. 

Profondément ancrées dans leur époque, en prise directe avec leur temps, les collections s’inspirent des Igrands thèmes sociétaux mais aussi la littérature, la mythologie, le cinéma, la science-fiction. L’univers de McQueen apparaît dans toute son extravagance, son originalité. A travers ses défilés, le créateur exprime son goût pour le scandale, la performance, va toujours plus loin dans l’expérimentation stylistique. Il n’a qu’un objectif émouvoir et choquer.




Chaque collection est un événement, spectaculaire, démesuré. Le styliste n’a pas peur de la polémique. Il prend position contre le consumérisme de la société, consacre une collection au thème du viol, exploite sa fascination pour la mort, la contemporanéité, les avant-gardes. Son univers créatif s’affirme, très sombre, voire macabre, fruit de ses introspections, véritable catharsis lorsqu’il déverse sur les podiums ses pires cauchemars. Figure de proue du mouvement Cool Britannia, ce visionnaire aussi tourmenté qu’inspiré ose toutes les audaces. Sa créativité est portée par un désir de liberté, une pertinence absolue.

Sur les rythmes syncopés d’une bande originale puissante signée Michael Nyman, le documentaire parvient à dissocier le mythe de l’homme. Plongée dans l’univers onirique, torturé, d’un créateur poétique et subversif.

McQueen, un documentaire de Ian Bonhôte, Peter Ettedgui
Sortie le 13 mars 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.