Expo : Grayson Perry, Vanité, Identité, Sexualité - Monnaie de Paris - Jusqu'au 3 février 2019



Plasticien célèbre pour ses céramiques émaillées et ses émissions télévisées, Grayson Perry exerce un art à la frontière de l’artisanat et des arts décoratifs. Au classicisme de la forme, il allie la modernité explicite des sujets, satire sociale inspirée. Le propos est engagé, volontiers corrosif, provocateur. Ses contes pessimistes de la contemporanéité épinglent avec humour le consumérisme galopant, l’omniprésence des marques, soulignent les nouveaux mécanismes de la lutte des classes. Grayson Perry bouscule les genres, s’approprie les clichés pour mieux les détourner, déciller le regard et ouvrir les consciences. Son oeuvre interroge l’identité sexuelle en soutenant l’idée d’une nouvelle masculinité. Afin de prolonger ce propos, il a choisi de ne plus apparaître en public que sous les atours de son alter-ego féminin, Claire, incarnation d’une forme d’excentricité. La fantaisie du travestissement lui permet de mêler le burlesque au sérieux de son propos. Sophistication accessible, profondeur, intelligence du récit, la première grande monographie consacrée à Grayson Perry en France se tient jusqu’au 3 février à la Monnaie de Paris. Mise en place en partenariat avec musée Kiasma d’Helsinki, avec le soutien de la galerie Victoria Miro de Londres, l’exposition Vanité, identité, sexualité déploie en dix chapitres les visages anticonformistes d’un artiste qui nous parle de notre époque.












Né le 24 mars 1960, à Chelmsford, Essex, au nord-est de Londres, Grayson Perry grandit dans un milieu ouvrier. Lorsqu’il a quatre ans, son père quitte le domicile familial. La mère l’a trompé avec le laitier. Il ne reviendra jamais. Homme limité, obsédé par l’idée de virilité, le laitier devient un beau-père violent. Grayson trouve refuge auprès de son ours en peluche, Alan Measles - Alan, prénom d’un petit voisin, ami d’enfance, measles, la rougeole, contractée lorsqu’il a trois ans. Figure totémique protectrice, ce doudou d’enfance va devenir un modèle masculin de substitution dans l’oeuvre de l’artiste au point qu’il l’élève au rang de divinité.

Chassé de chez lui par son beau-père en 1979, Grayson Perry suit les cours du soir de la Portsmouth Polytechnic où il apprend la céramique. Cette pratique artisanale en marge de l’art contemporain a l’avantage, selon Perry, d’être facile et bon marché. Il se lie avec le mouvement des Neo-Naturists et fréquente les clubs de la contre-culture, notamment le Blitz où il se rapproche des New Romantics. En compagnie de Stephen Jones et Boy George, il vit dans un squat à Camden Town. Avec eux, il expérimente l’outrance et l’extravagance vestimentaire assumant au grand jour une flamboyance qui perdure aujourd'hui avec Claire.











Par le biais de la céramique, Grayson Perry revisite les motifs traditionnels pour raconter l’époque. Textes calligraphiés, pochoirs, transfert de photographies, émaux, ses vases expriment le monde tel qu’il va, chroniques illustrées dont l’art narratif emprunte autant à l’esthétique des bande-dessinées qu'à l'art religieux. Grayson Perry réalise ses dessins selon la technique du sgraffite. Le motif est gravé en creux dans une couche supérieure appliquée en fine sur un enduit. Les couches successives de couleurs différentes permettent après grattage l’apparition de plans successifs. 

Alors que la céramique semble déconsidérée dans le microcosme des arts, il reçoit en 2003 le prestigieux prix Turner, organisé chaque année depuis 1984 par la Tate Britain. Cette soudaine exposition médiatique permet au grand public de découvrir son travail. En 2012, il devient membre de la Royal Academy of Art. 










La première partie de l’exposition qui se tient à la Monnaie de Paris est orientée vers l’un des sujets de prédilection de l’artiste, le genre et ses expressions. En analysant les masculinités toxiques, Grayson Perry remet en cause les codes de la virilité, le modèle conventionnel et propose des alternatives à la sexuation de la société. Ce manifeste militant doit libérer l’homme en déconstruisant le mythe de la virilité pour établir une véritable égalité des sexes et échapper aux attributs de la masculinité. 

Pour lui, oeuvre et mode de vie se confondent. Claire, son double féminin public, qui apparaît dernièrement comme une caricature de petite fille modèle au maquillage outrancier, n’est pas une performance mais une expression de son identité profonde. Outre cet aspect essentiel de sa création, Grayson Perry propose une approche politique des questions sociétales et de l’actualité. Brexit, migrants, élection de Trump, montée des nationalismes, standardisation des modes de vie, il ausculte la contemporanéité. 










Depuis le début des années 2000, Grayson Perry réalise de grandes tapisseries générées par ordinateur qui déploient de véritables histoires. Dernières pièces de l’exposition, un grand ensemble de six tapisseries retrace l’existence de Tim Rakewall, personnage fictif, transfuge de classe, de sa naissance dans un milieu populaire, à sa réussite professionnelle, jusqu’à son décès dans un accident idiot. Le graphisme des tapisseries, style pop aux couleurs vives, est inspiré par celui des comics. La réalisation assistée par ordinateurs permet la création de détails en abondance, éléments incongrus ou drôles comme autant de commentaires de la société. A travers cette série, il prolonge un autre thème majeur de son oeuvre. Grayson Perry ausculte l’idée de classe et celle plus retorses des goûts forgés par l’appartenance sociale qui marquent un clivage entre les êtres et prêtent à la stigmatisation.

Histoire vivide de la contemporanéité, l'oeuvre de Grayson Perry nous tend un miroir pour mieux interroger nos propres modèles. Ironique, brillant, essentiel.

Grayson Perry, Vanité, identité, sexualité
Jusqu’au 3 février 2019

11 quai de Conti - Paris 6
Tél : 01 40 46 56 66
Horaires : du mardi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.