Le square Monceau fait partie des curiosités insoupçonnables depuis la rue. Au 82 boulevard des Batignolles, une élégante porte bleue se fond dans le paysage, à peine surmontée d’un cartouche annonçant la surprise. Elle ouvre sur un vaste passage cocher qui traverse un bel immeuble d’allure néo-classique. Contours rectilignes, rigueur géométrique et symétrie, décor simple se retrouvent dans l’architecture de l’ensemble composant le square, six immeubles disposés autour d’une jolie courette intérieure et quatre hôtels particuliers sagement alignés en fond de parcelle. Cette coquette enclave privée qui doit son nom à la proximité avec le parc Monceau, raconte un peu d’histoire des Batignolles et de leur urbanisation amorcée avec le développement du chemin de fer dès 1830 et l’expansion de l’usine Göuin à partir de 1846.
Au-delà du mur des Fermiers Généraux, avant la ville de Clichy, sur le territoire qu’occupent nos Batignolles actuelles, les vastes terrains confisqués sous la Révolution demeurent longtemps consacrés aux cultures maraîchères. Ce n’est que sous le Premier Empire que peu à peu l’urbanisation progresse. La société des entrepreneurs Navarre et Rivoire fait construire de petites maisons dotées jardinets, des immeubles modestes, autant de logements destinés à une population ouvrière. Commune fondée en 1830, les Batignolles dépendent de Clichy. Avant le développement du chemin de fer, le hameau est à peine construit.
Pendant la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe, des lotissements à vocation sociale prennent de l’envergure. Au bout de l’avenue de Clichy, l’usine d’Ernest Gouin fondée 1846 de laquelle 50 locomotives sortent par an, compte jusqu’à 2000 ouvriers lorsqu’elle diversifie son activité vers la construction d'infrastructures métalliques et ferroviaires. Les habitations destinées à loger les travailleurs se multiplient, petites cités ouvrières comme la cité Pilleux à laquelle j’ai consacrée un article là ou beaux ensembles verdoyants destinés aux cadres comme la Cité des Fleurs dont je vous parlais ici.
Lorsque que le hameau des Batignolles est annexé à la ville de Paris en 1860, il devient un repère d’artistes, ceux connaissant leurs premiers succès, après la bohème de Montmartre. Le café Guerbois accueille les soirées du groupe des Batignolles. Peintres, Frédéric Bazille, Félix Bracquemond, Henri Fantin-Latour, Edgar Degas, Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley et écrivains Émile Zola, Louis Edmond Duranty, Philippe Burty ainsi que des collectionneurs comme Edmond Maître s’y retrouvent pour de grandes discussions sur l’art. Chez Frédéric Bazille, rue de la Condamine, Manet, Pissarro, Monet, Renoir, Fantin-Latour ont leur habitude. Le jeudi, les Zola reçoivent rue Saint Georges, notre actuelle rue des Apennins. Huysmans, Paul Alexis, Maupassant y sont des habitués.
Lors de la construction du square Monceau vers 1888, le quartier s’est tout à fait embourgeoisé. Ce qui explique la présence inespérée d’hôtels particuliers, aujourd’hui occupés par des sociétés, au fond de la cour cerclée d’immeubles élégants. Inauguré en 1889, le square est le résultat d’une opération immobilière menée par un promoteur singulier, l’Abeille Vie, une compagnie d’assurance fondée en 1856 par des agriculteurs à Dijon qui deviendra Aviva après sa fusion avec Norwich Union en 2002.
Square Monceau - Paris 17
Accès 82 boulevard des Batignolles
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Traversées de Paris - Alain Rustenholz - Parigramme
Sites référents
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