Au début du XIXème siècle, échappé des plus terribles bagnes français, François Vidocq, malandrin multirécidiviste, est porté disparu depuis sa dernière évasion rocambolesque d’une galère en pleine mer. Si les autorités le croient mort, il a en réalité choisi de faire profil bas en endossant le modeste costume de drapier les marchés. Mais le simple commerçant tombe dans un guet-apens tendu par les ennemis de Vidocq. Accusé d’un meurtre dont il est innocent, il négocie sa liberté auprès de la police en proposant ses services comme indicateur. Il espère une grâce prochaine. Les résultats ne se font pas attendre. Grâce à ses méthodes peu conventionnelles et sa connaissance intime des milieux criminels, Vidocq se révèle redoutable à débusquer ses anciens collègues de la voyoucratie. Malgré l’hostilité des forces de police régulières, le préfet le nomme bientôt à la tête d’une brigade singulière composées d’anciens condamnés chargés d’infiltrer la pègre parisienne.
Vaste fresque populaire, L’Empereur de Paris s’attache au destin d’un homme, François Vidocq, héros de l’imaginaire collectif, légende de son vivant, personnage romanesque au parcours atypique dont il a retracé les riches heures au sein de la police de Sûreté à travers ses mémoires en quatre tomes. Jean-François Richet signe un film à l’esthétique forte - notamment une très belle photographie de Manuel Dacosse - dont la mise en scène musclée sait assumer l’élégance d’un certain classicisme. Si le cinéaste y déploie un sens de l’action et de la dramaturgie prenant, cet épisode d’exposition semble appeler une prochaine saga et d’autres opus.
Le magnifique Paris napoléonien reconstituée en France même est un régal pour les amoureux de la ville qui apparaît sous des aspects dangereux, sulfureux. Les bas-fonds crasseux, surpeuplés, étouffants, où règne la cruelle loi du plus fort, sont gangrénés par la criminalité, tandis qu’au sommet de l’Etat, les ors de l’Empire rivalisent de magnificence et de raffinement.
La dimension humaine s’incarne dans cette disparité des trajectoires et des conditions. Jean-François Richet a confié le rôle du bagnard reconverti qui devient chef de la Sûreté à son acteur fétiche, Vincent Cassel, avec lequel il avait travaillé sur Mesrine, L’instinct de mort et L’ennemi public numéro 1, Un moment d’égarement. Insoumis, manipulateur, flamboyant aussi à l’aise avec les hauts fonctionnaires qu’avec les chefs de clan de la pègre, le personnage trouve en Vincent Cassel une incarnation séduisante, imprévisible, au charisme tourmenté. La métamorphose de l’homme au cours du récit entre puissamment en écho avec les transformations de la société, de la Révolution à l’apogée de l’Empire, tandis qu’en filigrane le réalisateur évoque la construction d’un nouvel ordre et ses obsessions sécuritaires.
La galerie de personnages qui peuplent cette fresque ébouriffante ne manque pas d’ampleur. Denis Lavant est réjouissant en chef de gang obsessionnel qui veut la peau de Vidocq à tout prix. Personnifiant un inspecteur de police rigoriste, au sens aigu de la justice, Denis Ménochet dose savamment cruauté et hermétisme. James Thierrée est magnifique en aristocrate déchu, militaire mélancolique, symbole d’une époque révolue. Fabrice Luchini en Joseph Fouché, arrogant ministre de la Police sans état d’âme, est très savoureux tandis qu’Auguste Diehl qui prête ses traits à un Nathanael de Wenger dénué de scrupule, est très bien en double maléfique de Vidocq. Les femmes sont moins bien servies, victimes de la violence des hommes, même si Freya Mavor, en jeune voleuse amoureuse tire son épingle du jeu, ce qui n’est pas exactement le cas d’Olga Kurylenko dans le rôle de la baronne de Giverny.
Casting prestigieux, gros budget, tout en assumant un côté volontairement sombre et réaliste, cette oeuvre épique s’inscrit dans la grande lignée des films d’aventure historiques ambitieux tel que Le bossu, Cartouche, Fanfan la tulipe. Un superbe divertissement !
L’Empereur de Paris, de Jean-François Richet
Avec Vincent Cassel, Freya Mavor, Denis Ménochet, August Diehl, Denis Lavant, Patrick Chesnay, Fabrice Luchini, Olga Kurylenko, James Thierrée
Sortie le 19 décembre 2018
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire