Paris : Rue de Jarente, cours intérieures secrètes du XVIIème siècle, incursion curieuse aux numéros 4 et 6 - IVème



La rue de Jarente, attrayante voie du Marais, dissimule aux regards, derrière les rigoureuses façades de style Louis XVI de nombreuses petites cours antérieures. La présence de ces enclaves pavées typiques du XVIIème siècle illustre avec charme l’histoire du quartier. En 1773, le prieuré royal de la Couture-Sainte-Catherine sous l’impulsion de son prieur commendataire Louis de Jarente offre d’importants terrains à la Couronne afin que soit notamment créer un nouveau marché couvert. Les travaux débutent en 1781 et la rue de Jarente est ouverte en 1783. La ruelle a peu changé depuis. C’est un vrai plaisir d’y déambuler nez au vent, de se glisser discrètement derrière une porte entrouverte.


Aperçu sur la rue de Jarente depuis la rue Caron

Au n°2, impasse de la Poissonnerie et fontaine de Jarente

Au n°4 de la rue de Jarente - Double cour intérieure




Au numéro 2 de la rue de Jarente, se trouve l’impasse de la Poissonnerie où étaient rassemblés les étals des poissonniers autour de la fontaine de Jarente construite à leur usage dont je vous parlais ici. Attenante à cet ancien cul-de-sac, s’ouvre au numéro 4, une double courette champêtre et arborée où les riverains visiblement passionnés d’horticulture travaillent à une végétation abondante. Derrière un immeuble Louis XVI, au numéro 6 de la rue de Jarente, deux charmantes cours pavées forment un L. Plus loin, au numéro 8, une maison du XVIIème remaniée avec plus ou moins de bonheur au XVIIIème et au XIXème siècle, aurait été selon la légende le logis du prieur de la Couture Sainte-Catherine.

La congrégation du Val des Ecoliers est fondée en 1201 par quatre Maîtres en Théologie de l'Université de Paris. En 1214, des sergents d’armes de la garde du roi promettent d'édifier une église à sainte Catherine d'Alexandrie s'ils remportent la victoire. Les dons de riches croyants et la protection de la famille royale permettent la création d'un nouveau prieuré au coeur du Marais. Au début du XVIIème siècle, les terrains appartenant à la Couture Sainte-Catherine comprennent outre l’église Sainte-Catherine, un cloître gothique, des jardins d’agrément, des potagers, des treilles et des dépendances ainsi que des terres agricoles flanquées de granges. En 1629, l’ordre de Sainte Catherine est réuni à la congrégation de Sainte Geneviève qui va peu à peu absorber le premier. En 1767, le couvent Saint-Catherine tombe en ruines et le noviciat est transféré rue Saint-Antoine, dans la maison des Jésuites, dont l'ordre vient d'être supprimé. 









En 1773, Louis-François-Alexandre de Sénas d'Orgeval de Jarente (1746-1810), coadjuteur de l'évêché d'Orléans et prieur commendataire du prieuré royal de la Couture-Sainte-Catherine fait don à la Couronne de terrains appartenant à sa congrégation. L’ouverture de la rue de Jarente, longue de 98 mètres et large de 4, est décidée par lettres patentes datées du 6 janvier 1781. A l’époque, les profondes rénovations du quartier suivent un plan établi par l’architecte Jacques-Germain Soufflot, concepteur de l’Eglise Sainte-Geneviève, notre actuel Panthéon, et l'un des principaux artisans du retour au "grand goût néo-classique" dans les années 1750, mouvement qui s'oppose alors à l'art rocaille. 

L'église Sainte-Catherine est démolie en 1783 alors que se poursuit le réaménagement des terrains alentours. Sont ouvertes les rues de Jarente, Caron, Necker, d’Ormesson ainsi que l’impasse de la Poissonnerie. La création de la place du Marché Saint-Catherine permet d’ériger un marché couvert pérenne afin de remplacer le marché en plein air de la rue Saint-Antoine. Dédiées aux commerces de bouche, ces nouvelles halles abritent les échoppes de boulangers, maraîchers, bouchers et un peu à l’écart de poissonniers.


Au n°6 de la rue de Jarente - Double cour intérieure









Selon la demande originelle du prieuré de la Couture Sainte-Catherine, le produit dégagé de la vente des lots est en partie affecté à la construction de l’église Sainte-Geneviève, futur Panthéon. Sur les nouvelles voies ouvertes, d’Ormesson, Necker, Caron, au moins une doit permettre le passage d’une charrue. Ce sera la future rue de Jarente inaugurée en 1784. 

Cours intérieures de la rue de Jarente - Paris 4
4 rue de Jarente
6 rue de Jarente



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart, Yvonne Cuvillier - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

Sites référents