Paris : Jardin du Port de l'Arsenal, une promenade plantée au bord de l'eau, riche histoire de fossés médiévaux - XIIème



Le jardin du Port de l’Arsenal, discret espace vert accessible en contrebas de la place de la Bastille s’étend jusqu’au pont Morland. Etabli le long d’un charmant port de plaisance, hors du chaos de la ville, il s’étend, préservé des crues de la Seine par les écluses, sur le quai est de l’Arsenal sur environ un hectare. Conçu par l’architecte paysagiste Serge Eyzat et l’architecte Philippe Mathieux, il se déploie en un système de terrasses comme dans le Sud de la France le long d’une promenade plantée d’arbres, érables, arbres à soie et saules. Espaces ensoleillés et ombragés alternent sur les rives du canal, lieu privilégié de flânerie très apprécié des Parisiens. Un amphithéâtre végétal, abondance de lavandes et de céanothes bleues, mène jusqu’à la pergola sur laquelle chèvrefeuilles et bignones prospèrent. Au bout des arceaux envahis de roses grimpantes, une Diane de bronze signée Henry Arnold (1879-1945) dévoile ses attraits. Sur la jetée, un café-restaurant dont l’architecture est inspirée des serres du XIXème siècle, rêve des villégiatures de bord de mer avec transats rayés de bleu et parasols idoines.  









Accueillant aujourd’hui, bateaux de plaisance et de croisières touristiques, le Port de l’Arsenal est le fruit d’un grand projet de réaménagement mené par la Mairie de Paris entre 1981 et 1983. Cet ancien bassin de fret commercial à l’abandon est alors transformé en coquet port de plaisance longé d’un jardin. Long de 540 mètres, large de 40 à 70 mètres, il peut recevoir jusqu’à deux cents trente bateaux d’un gabarit maximum de 25 mètres de long. 

S’il est de nos jours méconnaissable, ce bassin a connu une curieuse destinée. En effet, il a été aménagé sur les anciens fossés de l’enceinte Charles V datant de 1356, elle-même établie sur l’ancien bras mort de la Seine, zone marécageuse.  En 1370 débutent les travaux de construction de la Bastille. Les canaux alimentant en eaux de la Seine les douves larges de 25 mètres, profondes de 8 mètres forment une sorte de bassin originel.

Sous Henri II, est reconstruite, de 1533 à 1560, sur ce même tracé, une enceinte bastionnée bordée de fossés remplis d’eau dont le boulevard de la Bastille a conservé la trace jusqu’en 1898 en s’appelant boulevard de la Contrescarpe. Des vestiges de cette enceinte sont toujours visibles côté boulevard Bourdon et à gauche de la passerelle Mornay demeure un morceau du mur d’escarpe des anciens fossés de l’Arsenal. 








Dès 1758, l’ingénieur Brullé en charge de l’entretien du canal de l’Ourcq envisage de créer un nouveau canal, reliant l’Ourcq à la Villette où il se diviserait en deux pour rejoindre la Seine à l’Arsenal d’un côté et au nord de Paris de l’autre. En 1805, le creusement du bassin de l’Arsenal futur port commercial débute en reprenant une partie du tracé des canaux qui alimentait les douves de la Bastille rasée entre 1789 et 1791. Il deviendra l’une des entrées du canal Saint Martin dont les travaux menés par l’ingénieur Charles-Edouard de Villiers débutent en 1822. 

La forte urbanisation de l’axe central va ralentir les travaux. Le Port de l’Arsenal n’est inauguré qu’en 1825 en même temps que le canal Saint Martin. Ce dernier long de 4,545 km débute au bassin de la Villette et débouche au bassin de l’Arsenal où il rejoint la Seine par la neuvième écluse assurant la liaison entre haute et basse Seine. Le Port de l’Arsenal devient naturellement port de marchandises avec tout d’abord le commerce du bois lié à la proximité du faubourg Saint Antoine, puis celui du vin de Bourgogne et du blé.

En 1867, le barrage éclusé de Suresnes met la Seine en eau profonde dans Paris. Le canal fait office de doublon. A partir de 1880, la navigation commerciale sur la Seine rendue très sûre marque son déclin ainsi que celui du bassin de l’Arsenal. Au cours du Second Empire, une première voûte couvre le canal Saint Martin du côté de la place de la Bastille. Les travaux sont mis à exécution notamment en souvenirs des émeutes en 1830 et 1848 au cours desquelles l’étroitesse des ponts le long du canal Saint Martin a favorisé le retrait des insurgés du faubourg Saint Antoine.  








Haussmann a pour ambition de relier la place de la République à la Nation par le percement du boulevard Voltaire. La couverture du canal Saint Martin progresse jusqu’à la République avec la création du boulevard Richard Lenoir (1859-1862), une vaste promenade plantée d’arbres et scandée de fontaines décoratives. Sur le bassin de l’Arsenal, la passerelle Mornay longue de 80 mètres réalisée en 1895 jette toujours à travers le bras d’eau sa structure métallique typique de l’époque. Elle a néanmoins été révisée en 1993. 

La couverture du canal Saint Martin est étendue en 1898 jusqu’à la partie Sud de la place de la Bastille à l’occasion de la construction de la ligne 1 du métro. A cette occasion, d’importante structures métalliques sont construites dont deux ponts à la Bastille pour soutenir la station et les rails. Le pont Morland au-dessus de l’écluse est élargi à deux reprises en 1879 et 1928. En 1907, la couverture progresse à ses extrémités au-dessus du bassin du Temple avec la création du boulevard Jules Ferry. En aval du bassin de l’Arsenal, un pont métallique est ajouté en 1911 pour le passage de la ligne 5 du métro.








Dans les années 1970, la construction du tronçon central du RER met à mal le peu d’activité industrielle que conservait le Port de l’Arsenal. Il est abandonné jusqu’en 1981, date à laquelle naît l’idée d’un port de plaisance qui fait partie d’un vaste projet de développement du tourisme fluvial en Ile de France. Le port est inauguré en 1983, les écluses de l’Arsenal et de la Bastille rénovées et automatisées. De nos jours, le Port de l’Arsenal avec ses coquets petits bateaux, sa capitainerie de poche et ses mouettes parisiennes a des allures hors du temps d’escale en bord de mer. Son beau jardin a été intégré en 2017 au tout nouveau parc Rives de Seine. 

Jardin du Port de l’Arsenal - Paris 12
Accès : 11 boulevard de la Bastille - 53 boulevard de la Bastille
Métro Bastille lignes 1, 5, 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Le guide du promeneur 12è arrondissement - Danielle Chadych - Parigramme
Grammaire des jardins parisiens - Dominique Jarrassé - Parigramme
Le 4e arrondissement : itinéraires d'histoire et d'architecture - Isabelle Dubois, Alyse Gaultier - Action artistique de la Ville de Paris

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