Paris : Diane, une statue signée Henry Arnold au jardin du Port de l'Arsenal - XIIème



L’agrandissement de la Diane, imaginée en 1929 par le sculpteur Henry Arnold (1879-1945), a quitté les réserves de la Ville de Paris en 1983 à l’occasion de l’inauguration du jardin du Port de l’Arsenal dont je vous parlais ici. En contrebas de la place de la Bastille, l’espace vert, aménagé en terrasses le long du bassin de plaisance, déploie des charmes dépaysants, en plein cœur de la Capitale. Exposée au bout d’une pergola ensevelie sous les plantes grimpantes, la statue en bronze à patine nuancée et signée sur la terrasse, représente une baigneuse nue accroupie. Un motif classique inspiré de la statuaire antique.








Henry Arnold naît à Paris en 1879, dans une famille de petits commerçants en literie, originaire d’Alsace. Son père passionné par l’art l’initie aux grands musées de la Capitale. Vers l’âge de quinze, Henry Arnold découvre la sculpture et sa vocation. Son père soucieux de sa formation le fait entrer comme compagnon dans l’atelier d’un ornementiste où il travaille notamment à la décoration du Petit Palais en 1896. Puis il intègre en 1898, l’Ecole des Beaux-arts dans l’atelier de Barrias qu’il quittera en estimant "n'y avoir rien appris, sinon le genre de sculpture qu'il ne veut pas faire."

De 1900 à 1901, pendant un an et demi, Henry Arnold voyage en Russie où il travaille, notamment à Moscou, comme ornementiste.  En 1903, de retour en France, il expose ses premières œuvres, notamment des portraits acceptés au Salon d’Automne. En 1906, il devient sociétaire de la Société Nationale des Beaux-arts. Au sein de l’école Germain Pilon qui deviendra l’Ecole des Arts appliqués, Henry Arnold trouve un poste de professeur de dessin dès 1909. Ne dépendant pas des commandes, ce métier lui donnera jusqu’à la fin de sa vie une grande liberté intellectuelle et artistiques. Mais en contrepartie, il recevra peu de commandes publiques. Henry Arnold publiera un livre d’initiation à la sculpture en 1935 qui demeure à ce jour très prisé pour son enseignement et sa qualité littéraire.

A 36 ans, en 1915, Henry Arnold est mobilisé et envoyé dans les tranchés à Verdun. C’est sur le front, en 1916, qu’il met au point le plateau altimétrique, un système qui permet de concevoir des plans en relief. Après avoir déposé un brevet, l’artiste fait don de son invention à la France. 

De retour à la vie civile, il participe à la création du Salon des Tuileries en 1923 dont il devient secrétaire général, puis en 1932 au Groupement syndical des artisans d’art au sein duquel il exerce la charge de président du syndicat des sculpteurs. En 1937, vice-président de la Classe de l’Artisanat à l’Exposition internationale de Paris, Henry Arnold réalise un bas-relief pour le Palais du Trocadéro intitulé L’Océanie








Dès 1913, Henry Arnold est associé à la Bande à Schnegg, un ensemble de sculpteurs indépendants, réunis de façon informelle autour de Lucien Schnegg. Ce groupe, dont l’art se fixe sur la figure humaine, incarne jusque dans les années 1930, un contrecourant, une troisième voie synthétique entre le romantisme torturé de Rodin et la sculpture monumentale de Bourdelle. Parmi ces artistes, se comptent certains anciens collaborateurs de Rodin auquel ils empruntent l’idée de contact avec la nature et l’agencement rigoureux des plans. Néanmoins, le groupe revendique un détachement vis à vis du romantisme exalté et prône le retour au classicisme hellénique. La Bande à Schnegg cherche à réinterpréter l’art antique qui s’approche d’un idéal de sérénité et de dépouillement.

Outre Henry Arnold (1879-1945), le groupe se compose des sculpteurs Elisée Cavaillon (1873-1954), Ernest Chaplet (1835-1909), Louis Dejean (1872-1951), Charles Despiau (1874-1946), Léon-Ernest Drivier (1878-1952), Alfred Jean Halou (1875-1939), Albert Marque (1872-1939), Auguste de Niederhausern (1863-1913), François Pompon (1855-1933), Jane Poupelet (1878-1951), Gaston Schnegg (1866-1953), Lucien Schnegg (1864-1909), Yvonne Serruys (1873-1953), Robert Wlérick (1882-1944). Ils refusent l’académisme de l’art officiel et rejettent le romantisme de Rodin. Dans leur travail se retrouve le même dépouillement serein. 

Volumes simplifiés, dépouillés de détails superflus, dans le travail d’Henry Arnold, les formes géométriques rythmées par l’évidence des plans, saillies et creux, répondent aux lignes essentielles. Cet équilibre hérité de la statuaire antique répond à des cadences toutes architecturales. Les compositions épurées cherchent la densité et s’inscrivent en opposition aux éléments sentimentaux et littéraires du romantisme. Se distanciant du modèle vivant célébré aux Beaux-arts, repoussant l’illusion naturaliste fragmentaire, Henry Arnold suit ce qu’il appelle "les cheminements lumineux", ces lignes qui font glisser la lumière sur les courbes et guide l’œil dans un flux paisible et évident.

Diane, de Henry Arnold
Jardin du Port de l’Arsenal - Paris 12



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Grammaire des jardins parisiens - Dominique Jarrassé - Parigramme

Sites référents