Expo : Roman Cieslewicz, la fabrique des images - Musée des Arts Décoratifs - Jusqu'au 23 septembre 2018



Figure majeure de l'art visuel, artiste essentiel de la scène graphique de la seconde moitié du XXème siècle, Roman Cieslewicz (1930-1996) aura marqué de son empreinte la refonte des arts graphiques et de la communication visuelle entamée dans les années 1960/70. Publicité, édition, illustration, il confronte les signes graphiques, reflets de notre monde, par le prisme une prise de conscience politique qui fait toute sa singularité. Vogue, Elle, dans les années 1970, il travaille pour les grands noms de la presse en parallèle de travaux personnels plus engagés. Porté par l'acuité d'un regard net et critique, Roman Cieslewicz détourne les symboles du pouvoir afin de se les réapproprier par le biais d'un travail très codé parcouru de fulgurances. La clarté de ses créations, leur épure manifeste, leur poésie sans concession sont au service d'un discours percutant, pas exempt d'humour. Sa notoriété dépasse rapidement les frontières nationales. Aujourd'hui, son oeuvre protéiforme continue d'inspirer et d'influencer designers et graphistes. La rétrospective qui lui est consacrée au Musée des Arts décoratifs de Paris propose de décrypter son héritage, sa manière de travailler, son engagement politique, en soulignant son point de vue sur le monde et ce que doit son intégrité graphique à cet œil unique.











L'exposition du Musée des Arts Décoratifs est la plus importante qui soit consacrée à Roman Cieslewicz depuis la grande rétrospective de 1993 au Centre Pompidou. Aurélie Gastaut, commissaire de l'exposition, a souhaité que soit établi un parcours chronologique et thématique. Affiches, publicité, couvertures de magazine, vidéos, reconstitution de son atelier grandeur nature, plus de 700 documents illustrent le processus créatif de cet artiste hors norme fasciné par les techniques de collage et de photomontage.

Diplômé des Beaux-Arts de Cracovie en 1955, Roman Cieslewicz qui fait alors partie de l'Ecole de l'affiche polonaise, s'installe en France en 1963 où il est engagé à Elle par Peter Knapp comme maquettiste. Il deviendra directeur artistique du magazine de 1965 à 1969. En rejoignant le groupe Panique (en référence au dieu Pan) fondé en 1962 par Fernando Arrabal, Roland Topor et Alejandro Jodorowski, il affirme la dimension personnelle et politique d'une oeuvre soutenue par une forte démarche intellectuelle. 












Curieux, méthodique, ordonné, toute sa vie, il s'est nourri de l'actualité, dépouillant chaque jour la presse, classant, archivant dans des boîtes thématiques avec un soin maniaque cette abondante documentation. L'oeil, la bouche, le cercle, la main, signes majeurs de son oeuvre, sont autant d'éléments prélevés pour devenir matériaux de création. 

A partir de cette collecte d'images sur toutes sortes de supports, il imagine un art artisanal de la décomposition graphique, armé d'une paire de ciseaux, d'un tube de colle et d'une photocopieuse. Il duplique, agrandit, choisit, dissèque et ré-assemble les images pour modifier le point de vue, favoriser le rapprochement des concepts dans un esprit surréaliste. Obsédé par l'agencement de trois couleurs noir, blanc, rouge, obnubilé par le travail offset et fasciné par la trame du papier, il multiplie les séries répétitives dans lesquels il se saisit des icônes de la culture populaire, la Joconde, le Che, Mao pour les recombiner à l'infini.

Des années 1960 aux années 1990, le travail de Roman Cieslewicz imprègne le quotidien. Auteur de l'identité visuelle de nombreux supports, il réinvente la formule graphique de Vogue, des éditions 10/18 ou encore des premières éditions de l'Ultra-guide Paris la nuit, de Jacques-Louis Delpal (1968, 1970). En 1967, il assure la conception graphique d'un nouveau magazine d'art contemporain Opus international, dont les couvertures deviendront symboliques de la contre-culture des années 1960. Différentes institutions Parti Communiste, Centrale de distribution des films font appel à lui. Les thématiques du travail de commande et de son travail personnel s'entrecroisent avec toujours cette idée, celle de "dépolluer l'œil".












Dès sa création, Roman Cieslewicz rejoint l'Agence MAFIA fondée en 1968 par Maïmé Arnodin et Denise Fayolle, spécialiste de la communication et de la publicité, travaillant régulièrement collaboré avec des personnalités reconnues, photographes, designers, graphistes, illustrateurs et réalisateurs tels que Roland Topor, Jean-Michel Folon, Sarah Moon, Guy Bourdin ou Helmut Newton. 

Convertissant les images médiatiques, Roman Cieslewicz apporte une réponse graphique à des faits historiques. Les années 60/70 marquent un tournant dans la communication avec une soudaine prolifération des images. Il puise son inspiration dans ses préoccupations politiques essentielles mais également dans l'iconographie de l'histoire de l'art, de la Renaissance au Pop art, de Leonard de Vinci à Dada, de l'avant-garde russe à Bruno Schulz. Très ami avec Topor et Depardon, son engagement politique s'étend dans le message polémique transmis, l'impertinence corrosive des images qu'il créé. 










L'exposition du Musée des Arts Décoratifs de Paris souligne l'ampleur de l'oeuvre de Roman Cieslewicz et son rayonnement international. A la puissance iconographique, son travail soutenu par une démarche didactique politique mêle l'originalité d'une créativité sans limite. Fascinant !

Roman Cieslewicz, la fabrique des images
Du 3 mai au 23 septembre 2018

Musée des Arts Décoratifs de Paris
107-111 rue de Rivoli - Paris 1
Horaires : du mardi au dimanche de 11h à 18h, le jeudi de 11h à 21h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.