Faire mouche - Vincent Almendros : A l'occasion du mariage de sa cousine Lucie, le narrateur revient à contrecœur dans son village natal de Saint-Fourneau. En compagnie de Claire, une amie, qu'il fait passer pour Constance sa fiancée enceinte, absente pour une raison mystérieuse, il s'installe dans la vieille maison de famille inhabitée. Juste à côté, sa mère, qui a tendance à déjanter, vit avec son oncle malade, depuis la mort du père dont la rumeur dit qu'elle l'a empoisonné. Rumeur renforcée par le fait qu'elle a donné à boire de l'eau de javel au narrateur lorsqu'il était enfant. Dans la touffeur de l'été, le sinistre hameau est le théâtre des non-dits, des souvenirs dont on ne parle pas, des mensonges.
Huis clos familial étouffant, thriller rural irrespirable, ce roman empreint d'humour très noir fait entendre à travers la voix du narrateur les fêlures filantes qui peu à peu craquellent la réalité. Ce retour au pays, déplaisante visite aux siens, soulève les questions de filiation alors que celui-ci observe sa propre famille d'un œil étranger. Le fardeau des silences pèse sur les protagonistes de cette tragi-comédie familiale, englués dans un passé qui gangrène le présent.
Vincent Almendros prend un malin plaisir à faire affleurer la terrifiante vérité sous la vase des réminiscences. Il plonge en apnée dans les limbes de la mémoire distillant une angoisse pénétrante, écriture tendue, épure précise. Peintre d'atmosphères, des atmosphères poisseuses, asphyxiantes, l'auteur trace un parallèle entre les descriptions des lieux, des choses, des êtres marqués par la laideur, les odeurs écœurantes, et la corruption morale qui imprègne cette famille en pleine déréliction. Les décors du récit, étouffants, malsains coïncident avec les replis obscurs de la mémoire. La mort rôde, les cadavres d'animaux se multiplient dans un symbolisme fort entre soubresauts de vie et décomposition.
Sous l'apparente simplicité d'un style laconique, avec un sens diabolique du suspense, les tensions s'amplifient au fil des pages, art subtil du trouble sécrété dans la minutie des détails. Le malaise palpable prend une dimension délétère, les peurs latentes se teintent d'ambiguïtés alors que le puzzle familial se reconstitue. Roman claustrophobe qui laisse nombre de questions en suspens, Faire mouche est un texte acide d'une rare intensité. Captivant, troublant. Formidable !
Faire mouche - Vincent Almendros - Editions de Minuit
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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