Sur la Côte-d'Azur, Jean, acteur au crépuscule de sa vie, s'interroge sur la façon d'interpréter la mort de son personnage dans la scène qu'il doit jouer. Le tournage est interrompu pour des raisons techniques. Il décide alors d'aller rendre visite à une vieille amie qui habite à proximité mais celle à laquelle il pense vraiment, c'est Juliette, le grand amour de sa vie qu'il n'a jamais oublié. Jean retrouve la vieille maison, depuis abandonnée, où vivait cette femme dont il croise le fantôme, éternellement jeune. Un groupe d'enfants du quartier, caméra numérique au poing, a décidé de tourner un film d'horreur dans la bâtisse. Entre le vieux comédien qui se prête volontiers au jeu et les gamins, se nouent des liens autour d'un amour commun du cinéma.
Récit d'une fuite hors du monde, histoire d'une rencontre à travers les âges, à travers le temps, passé, présent, au-delà de la vie et la mort, Le lion est mort ce soir est un film lumineux, étrange et beau. Sur le ton d'une sorte de gravité légère, le réalisateur Nobuhiro Suwa, sensibilité à fleur de peau, insuffle à son oeuvre une dimension onirique qui contraste joyeusement avec l'énergie exubérante des enfants. Dans ce conte fantastique subtil engagé sur le chemin des écoliers, il distille des notes de mélancolie dans les moments cocasses, une fraîcheur poétique.
Le réalisateur rend hommage au cinéma, plus particulièrement français et à son acteur, véritable déclaration d'amour à Jean-Pierre Léaud, magnifique d'étrangeté, lunaire. Il y a beaucoup d'émotion à retrouver ce comédien unique entouré d'enfants. La complicité ludique avec les très jeunes acteurs au naturel désarmant est flagrante. Avec beaucoup de finesse, Suwa soigne les ambiguïtés existantes entre le personnage et son interprète, la fiction et le réel. Le fantôme d'Antoine Doisnel semble partager le jeu des gamins du film. Dans la fable, les enfants aux couleurs du réel, leur innocence, leur vitalité, font reculer la mort. Leur appétit de vivre trouble la sérénité des ombres pour mieux trouver comment affronter les derniers moments de l'existence avec espoir.
Au souvenir des amours passées se mêle l'idée de la transmission, celle que permet le cinéma. Dans un jeu de miroirs permanent, Le lion est mort ce soir célèbre la vie sans en occulter la mort comme dimension fondamentale. Les adorables cabotins et le vieux comédien espiègle illuminent ce petit film expérimental, gracieux, fragile, libre parfois un peu bancal mais toujours surprenant. Un bijou.
Le lion est mort ce soir, de Nobuhiro Suwa
Avec Jean-Pierre Léaud, Pauline Etienne, Arthur Harari, Isabelle Weingarten, Louis-Do de Lencquesaing, Maud Wyler, et les enfants Jules Langlade, Tom Cuccureddu, Adrien Bianchi, Louis Bianchi, Romain Mathey, Mathis Nicolle, Coline Pichon-Le Maître, Emmanuelle Pichon-Le Maître, Rafaèle Gelblat, Lou-Ann Maseau-Gueguen
Sortie le 3 janvier 2018
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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