Lundi Librairie : Paname Underground - Zarca



Paname Underground - Zarca : Zarca a rendez-vous avec Dina pour un after sexe et drogue dans un love hotel de la rue Saint-Denis. Enceinte d'un chef de bande de Château-Rouge, la sœur de cœur retrouve l'écrivain du bitume dans les vapeurs d'alcool frelaté, en roue-libre sur les rails de came. Zarca est en plein interrogation au sujet de son prochain livre. Elle lui glisse alors l'idée d'un guide de l'underground parisien, dont il trouve tout de suite le titre, Paname Vice City. Le bois de Boulogne, Barbès, Pigalle, Belleville, dézinguant la carte postale, il se lance dans une enquête sur le terrain. Mais un soir, à la sortie d'un combat clandestin à Aubervilliers, un inconnu à moto tente de le dessouder. Et Dina meurt d'une overdose dans des conditions étranges. Le périple urbain du romancier effondré tourne au trip halluciné sur fond de vengeance.

Chroniqueur de l'asphalte, Johann Zarca pulvérise les genres littéraires dans un jeu de miroir autofictionnel où la réalité sordide rencontre la fiction crapuleuse punk. Au gonzo journalisme de Hunter S. Thompson, il emprunte l'acuité d'un regard sans considérations morales, plongeant le lecteur dans un Paris interlope crasseux. Celui des marges qui titillent les fantasmes bourgeois. Et son constat est lapidaire. Défonce, dèche, solitude, sexe tarifé, voracité des obsessions nourrissent la virulence corrosive de cette littérature vandale, la radicalité d'un discours sans fard.

Au bout de la nuit, les quartiers comme autant de microcosmes indépendants prennent la couleur de ces No Go Zones d'où monte la complainte d'un désespoir âpre. Fascination, voyeurisme, malaise. En cicérone cramé de la tête, Zarca nous guide dans ces univers clos et féroces, lieux très codés de la marge, sous les traits d'un double de fiction pas très glorieux. Dans une montée en puissance irrépressible, la visite folklorique des bas-fonds, vire à la traque version polar hardcore. 

Les paumés survoltés, les drogués en manque, les clochards pas tout à fait célestes, les clandestins migrants, les fafs engrainés sont autant de personnages ambivalents qui peuplent ces mondes parallèles de la galère. Les tapins de la rue Saint Denis, les lascars du quartier des Amandiers à Belleville, les toxicos de La Chapelle, les Afghans du square Villemin, les explorateurs de Catacombes, les fachos de Saint-Michel, les entrailles poisseuses de la ville prennent vie à travers ces êtres à l'index de la société. Mystique des ombres entre attirance et répulsion, la dope, le sang, le foutre sont leurs talismans. 

Les influences d'univers visuels forts s'expriment dans des descriptions lapidaires, la précision d'un style au cordeau. L'un des chapitres les plus inquiétants qui se déroule dans une backroom extrême à Montparnasse n'est pas sans rappeler une scène du film Irréversible de Gaspar Noé. La musicalité rugueuse des mots, oralité explosive, emprunte à l'argot des cités mêlant manouche, arabe, wolof, jargon parigot à l'ancienne. Plume nerveuse au service d'une vision trouble, Zarca bouscule le verbe, vandalise les belles lettres et c'est en violentant la langue qu'il lui fait les plus admirables enfants. Au-delà de ces territoires crépusculaires, il y a du Jean Genêt moderne, du Francis Carco contemporain. Je kiffe…

Paname Underground - Zarca - Editions Goutte d'Or



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.