Paris : Passage du Bourg-l'Abbé, poésie surannée, atmosphère singulière - IIème



Le passage du Bourg-l'Abbé, moins flamboyant que son voisin, le passage du Grand-Cerf, est emprunté par les passants comme un raccourci au charme suranné plutôt que lieu de promenade. Ouvert en 1828 sur une dépendance de l'Abbaye de Saint-Martin-des-Champs, le Bourg l'Abbé, le passage est alors l'un des jalons d'une promenade piétonne déployée en réseau de la rue Saint-Denis à la rue Saint-Martin, du passage du Grand-Cerf à celui de l'Ancre dont je vous parlais ici. Protégés des intempéries, du trafic auquel les rues rarement dotées de trottoirs laissent libre-court, la saleté des voies qui ne sont pas encore pavées, les nouveaux flâneurs découvrent alors les joies des balades nonchalantes. Etabli au début du XIXème siècle, âge d'or des passages couverts bordés d'échoppes, celui du Bourg-l'Abbé a peu à peu perdu ces attraits originels sans pour autant laisser s'échapper une certaine poésie.









En 1828, la réalisation du passage du Bourg-l'Abbé est confiée à l'architecte Auguste Lusson. Il s'inspire alors du passage Saucède, ouvert en 1827, parallèlement au passage de l'Ancre. Les deux façades se ressemblent beaucoup. Mais le passage Saucède disparaît lors du percement de la rue de Turbigo et du boulevard Sébastopol en 1854 tandis que le passage du Bourg l'Abbé qui fait alors le lien entre la rue Saint-Denis et l'ancienne rue du Bourg-l'Abbé est lui-même amputé de quelques mètres à son extrémité ouest

En 1863, la nouvelle entrée rue de Palestro que la création d'une placette met en valeur, est réalisée par l'architecte Henri Blondel. Paris lui doit notamment la Bourse du Commerce ou encore l'Hôtel Continental rue de Castiglione devenu depuis The Westin Paris Vendôme. Blondel choisit une façade au schéma classique dotée d'une voûte en berceau. L'arcade agrafée par un cartouche en clef de voûte est décorée d'une ruche symbole de l'activité économique. Les deux cariatides du sculpteur Aimé Millet se présentent comme des allégories du Commerce à droite et de l'Industrie à gauche. Du côté de la Saint-Denis, l'entrée est beaucoup plus simple. 











Formant un léger coude, long de 47 mètres et large de 3, le passage du Bourg-l'Abbé est surmonté d'une verrière à deux pans, à peine cintrée, sans ferme. Aux extrémités, une horloge fait face à un baromètre qui ne fonctionne plus. L'élévation à arcade sur les deux premiers niveaux disposent boutiques et logements en entresol. Entresol où des éléments d'origines rythmés par des pilastres cannelés de bois peint ont été redécouverts lors de la rénovation débutée en 2002 qui a mis à jour ces décors du registre supérieur des façades et les miroirs ornant les tympans.

Peu entretenu, le passage a connu une période de vaches maigres à partir des années 1980. Les locaux alors utilisés essentiellement comme entrepôts ne cherchent pas à attirer les visiteurs. Pourtant, une grande partie des éléments du passage du Bourg-l'Abbé est classé à l'Inventaire des Monuments historiques par arrêté du 21 janvier 1991. Sol, verrières, façades intérieures en dessous de la verrière du passage, façade sur rue des immeubles sont protégés. Victime d'un incendie au cours des années 1990, le lieu est quasiment abandonné jusqu'à ce que la copropriété trouve des financements pour envisager des travaux. De 2002 à 2008, le passage est entièrement rénové sous la houlette de l'entreprise Serres et ferronneries d'antan. 












Dernièrement, des problèmes de verrière ont entraîné l'établissement d'échafaudages peu gracieux. La perspective en est gâchée. Néanmoins, les vitrines anciennes en bois donnent un charme particulier au lieu. Conservées sans modification, leurs enseignes sont souvent en décalage avec l'activité réelle, telle cette papeterie-imprimerie qui abrite un tapissier-décorateur. L'atelier Lulli et fils fait perdurer la tradition des savoir-faire et la richesse du patrimoine vivant. Menuisier et ébéniste à l'ancienne, Ivan Lulli propose ses talents pour la restauration de meubles, la parqueterie, la sculpture sur bois, la création de meubles sur mesure. Et c'est toute l'âme d'un Paris d'artisans qui revit dans l'odeur du bois.

Passage du Bourg-l'Abbé - Paris 2
Accès 120 rue Saint-Denis et 3 rue de Palestro 
Ouvert du lundi au samedi de 7h30 à 19h30



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du Patrimoine Centre des Monuments Nationaux
Passages couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Editions Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

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