Paris : Passage du Grand-Cerf, pimpante galerie marchande et rénovation drastique - IIème



Le passage du Grand-Cerf, couvert par une verrière filante reposant sur des arceaux de fer boulonnés, est l'un des plus lumineux de Paris mais également le plus haut. Il s'élève sur trois étages et une hauteur de 11,8 mètres. Relativement étroit en comparaison, trois mètres de large, ses proportions peu communes lui confèrent un aspect pittoresque souligné par la légèreté de la structure qui est renforcée de tirants et de passerelles métalliques. Inscrit à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 14 novembre 1985, le passage du Grand-Cerf a bien failli disparaître dans les années 1980 tant il était dégradé par manque d'entretien. Sa rénovation, aboutie au début des années 1990, en aura fait l'un des passages couverts les plus prisés des Parisiens. Les jolis commerces fleurissent le long de ses rives. Boutiques de décoration, de design, de mode, mercerie, bijoux, objets du monde attirent les flâneurs autant que son atmosphère pimpante, ripolinée de frais.



 






La porte monumentale donnant rue Saint-Denis ouvre sur un haut porche, une entrée rectangulaire couronnée d'un fronton brisé à volutes néo-baroques avec pampres de fruits et cartouche portant les armes de Paris. Le décor du passage du grand-Cerf inspiré du style néo-classique verse dans la sobriété. Les moulures sur les corniches des façades intérieures, les plafonds à caissons sous les passages des immeubles et une horloge encadrée de deux nymphes, aujourd'hui disparue, sont les seuls éléments décoratifs originels. Les façades plaquées sur le bâtiment ancien se composent de deux niveaux vitrés surmontés d'un étage d'attique où les passerelles de service sont garnies de garde-corps en fer forgé et d'un épi central.

Le passage du Grand-Cerf est créé au début du XIXème siècle sur l'emplacement de l'hôtellerie du Grand Cerf, institution établie avant la Révolution. La bâtisse fait déjà le lien entre la rue Saint-Denis et la rue Dussoubs qui s'appelle alors rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur après avoir été la rue Gratte-Cul, haut lieu de la prostitution parisienne. Sous Charles X (1757-1824), dans la longue cour de l'hôtellerie, s'est établi le terminus des diligences des Messageries Royales reliant les provinces de l'Est, l'Alsace, les Trois Evêchés, la Champagne. L'ensemble est vendu en avril 1812 par l'administration des Hospices auquel il appartient à M. Hermain qui le revend à son tour le 24 mai 1825 à la compagnie bancaire Devaux-Moisson. C'est cette société qui le transforme en passage ouvert à la circulation piétonne. 









Débutés en 1825 par un maître d'oeuvre dont l'histoire n'a pas retenu le nom, les travaux de transformation reprennent le défilé étroit de la cour originelle qui s'étire alors sur une dizaine de mètres de large. Les bâtiments préexistants de l'hôtellerie établis le long de la cour sont conservés tandis que la circulation principale est rétrécie par la construction de nouvelles façades. Le 7 juin 1826, Isidore Monier possède déjà une partie des commerces achète l'ensemble du passage.

Un guide datant de 1831 signale le passage du Grand-Cerf comme encore en travaux tandis qu'un texte de 1835 le comptabilise déjà parmi les passages parisiens. La première mouture du passage ne comporte pas encore de verrière. Jean Lacroix de Marlès dans son Paris ancien et moderne de 1837, n'en fait mention que pour noter qu'il ne lui trouve rien de remarquable.

Le passage du Grand-Cerf ne sera couvert que vers 1845 si l'on se réfère à la technique employée pour créer la verrière originelle. Les profilés métalliques qui la composent sont de conception architecturale assez moderne. L'emploi de structures métalliques a permis d'envisager une hauteur peu habituelle et de dégager de larges surfaces vitrées sur les façades intérieures. 

Peu entretenu par les différents propriétaires, le passage subit la désaffection du public. De moins en moins rentable, les héritiers de Monier décident de le léguer à l'Assistance Publique en 1862 qui va chercher à s'en défaire sans succès. Mis en location, occupé par un certain Dejuan de 1882 à 1890, le passage du Grand-Cerf peine à retrouver une activité mais n'est pas pour autant totalement abandonné. Il fait même une apparition en 1960 dans le film de Louis Malle adapté du roman de Raymond Queneau, Zazie dans le métro.











Dans les années 1980, malgré la solidité de la structure, le passage du Grand-Cerf menace de s'effondrer. Décrépi, très dégradé, il est menacé de disparition. Grâce à l'intervention en 1985 de Monsieur Schwartz représentant la société PII pour la partie commerciale, c'est à dire le rez-de-chaussée et le premier étage, et de la société HLM Travail et propriété pour les niveaux d'habitations, il est sauvé d'une destruction annoncée mais va subir un curieux sort. Le groupe Arcade en charge de la réhabilitation de 1989 à 1990 voit grand. 

Le passage actuel est une sorte de copie conforme de l'original, chaque élément ayant été soigneusement remplacé. Les travaux de superstructure prévoient l'implantation de poteaux de 7 mètres de hauteur croisés avec d'autres poteaux horizontaux pour étayer l'édifice. Façades, verrière, habillages en bois des boutiques sont reconstitués dans l'esprit d'origine. Lors de la restauration, le troisième étage et les combles, originellement des logements, sont refaits à neuf. Au-dessus de la verrière, sur ce que les habitants appellent la dalle, sont aménagées de petites maisons de ville. Aujourd'hui le passage du Grand-Cerf est une multipropriété dont les parts les plus importantes appartiennent à un groupe d’assurance et à la ville de Paris. Géré par un syndic, il répond à une charte de règlement de copropriété.

Passage du Grand-Cerf - Paris 2
Accès 145 rue Saint-Denis et 10/8 rue Dussoubs
Ouverture :  du lundi au samedi de 8 h 30 à 20 h 00, fermé dimanche et jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du Patrimoine - Centre des Monuments Nationaux 
Les passages couverts en France - Bertrand Lemoine - Délégation à l'Action Artistique de la Ville de Paris
Passages couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme

Sites référents