Paris : Impasse Saint-Denis, réminiscence médiévale en plein coeur de la ville - IIème



La rue Saint-Denis, ancienne voie romaine tracées dès le Ier siècle puis voie royale menant du Pont au Change à la Basilique Saint-Denis nécropole royale, est au Moyen-âge la plus longue et la plus prospère de Paris. Elle sera l'une des premières à être pavée. Au XXème siècle, perdant de son lustre, elle se pose en témoin de l'évolution des mœurs et devient l'un des hauts lieux de la prostitution. Avec la récente réhabilitation du quartier Bonne Nouvelle mis en place par la Ville, la rue Saint-Denis est à nouveau en train de changer de visage. Si quelques boîtes de strip-tease font de la résistance, les entraîneuses ne battent plus le trottoir. Boutiques de prêt-à-porter, commerces alimentaires, restaurants, bars fleurissent avec l'arrivée d'une nouvelle population. Ici et là au détour d'une étroite ruelle, le flâneur croise le chemin de pépites architecturales, autant d'évocations hors du temps d'un Paris médiéval depuis longtemps disparu. Immeubles en saillie, lumière limitée, ruisseau axial anachronique, au 177 de la rue, l'impasse Saint-Denis projette le promeneur à travers les siècles.













L'impasse Saint-Denis débouche sur la rue Saint-Denis en face de l'endroit où se trouvait l'entrée de l'église de la Trinité, à deux pas du passage de la Trinité dont je parlais ici. Cette curieuse voie publique, longue de 88 mètres surprend par sa largeur réduite au point que les bâtiments en cachent le ciel. Mentionnée sur les plans du cadastre dès 1391, la pittoresque impasse Saint-Denis est alors ruelle de l'Empereur, dénomination héritée de l'enseigne d'une maison. Sur des titres datant de 1591, la venelle est évoquée également sous le nom de rue des Cordiers, de la Corderie d'après l'activité des commerces et des ateliers d'artisans qui s'y sont installés.

Transformée en impasse en 1657, elle devient Cul-de-sac ou impasse de l'Empereur mais se trouve désignée sur un plan, probablement par glissement phonétique, sous le nom de cul-de-sac des Grands Pleurs. Elle conserve son impériale appellation jusqu'en 1806. Mais avec l'avènement du Premier Empire, Napoléon est sacré empereur en 1804, la modestie de la voie est exigée et elle prend le nom d'impasse - ou cul-de-sac - Mauconseil d'après celui d'une rue voisine. La dénomination actuelle prend effet par un arrêté du 1er février 1877.

On trouve parmi les divers documents de propriété un certain Vauvelard, ex-maître d'hôtel de la Reine, responsable de la Maison-Bouche de la Reine. Quelle reine ? Je n'ai pas trouvé plus d'information. L'un des immeubles de l'impasse Saint-Denis a appartenu à Charles Trudaine, seigneur de Montigny (1660-1721). Prévôt des marchands de Paris, conseiller au Parlement de Paris, maître des requêtes en 1689 sous Louis XV, ce courtisan peu avisé s'est trouvé lié au scandale de la Compagnie du Mississipi. La compagnie coloniale française, sous l'impulsion de l'homme d'affaires écossais John Law, a été l'une des premières actions cotées à la Bourse de Paris, alors simple rassemblement de négociants rue Quincampoix. L'affaire a mal tourné…










De son passé historique, l'impasse Saint-Denis conserve quelques curiosités. Le ruisseau central ainsi que les classiques lampadaires sont autant d'évocation du Paris d'un autre temps. Les crochets en forme de tire-bouchon enchâssés dans le mur servaient d'accroches à un système de poulies et de corde qui permettaient de monter aux étages les charges lourdes comme les tonneaux, les sacs de charbon. Les bornes situées de part et d'autre de l'impasse sont quant à elles des anciennes bornes d'évitement qui servaient aux piétons à se protéger du passage des voitures à cheval, type carrosses ou chariots avant que ne soient créés les trottoirs. 

Impasse Saint-Denis - Paris 2
Accès 177 rue Saint-Denis 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Editions Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Promenades dans toutes les rues de Paris - Félix de Rochegude - Editions Hachette

Bibliographie Gallica :
Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Volume 4 - Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut
Tableau historique et pittoresque de Paris, depuis les Gaulois jusqu'à nos jours - Jacques Maximilien Benjamin Bins de Saint-Victor
Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris - Jean La Tynna
Paris sous Philippe Auguste - H. Géraud
Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III - Charles Lefeuve 

Sites référents