Au lendemain du krach boursier de 1929, l'Amérique est frappée par la Grande Dépression. Sur les routes de Californie, George et Lennie, deux ouvriers agricoles, vont d'exploitations en exploitations pour louer leur force de travail à la semaine. George débrouillard et protecteur veille sur Lennie, le colosse simple d'esprit qui a une passion enfantine pour les choses douces, comme les souris mortes qu'il garde dans ses poches. Les deux amis rêvent de mettre suffisamment d'argent de côté pour s'offrir une petite ferme où ils élèveraient des lapins. Lorsqu'ils parviennent à se faire embaucher dans un ranch, Lennie est moqué par les autres employés, provoqué par Curley le fils du patron, ancien boxeur amateur qui aime se confronter à plus grand que lui. Ce petit chef colérique et vaniteux est maladivement jaloux du regard que les hommes portent sur son épouse. La jeune femme qui voulait devenir actrice se sent infiniment seule dans ce monde rude de travailleurs. Elle trompe son ennui en flirtant avec les ouvriers saisonniers.
Portrait d'une Amérique rurale gangrénée par la violence sociale et le racisme, Des souris et des hommes explore la réalité des laissés pour compte du rêve américain. Le texte original de John Steinbeck se prête admirablement à l'adaptation théâtrale signée Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic. Cette évocation du monde d'hier résonne singulièrement avec notre société contemporaine dans l'expression d'une condition humaine misérable.
La fraternité symbolisée par l'amitié entre George et Lennie puis celle de Lennie et de Crooks, le palefrenier africain-américain, exclus du cercle des hommes l'un parce qu'il est différent, l'autre parce qu'il est noir, est submergée la cruauté qu'engendrent une réalité miséreuse. Les espoirs brisés des êtres enfermés dans leur solitude intérieure les conduisent à la cruauté la plus abjecte. Discrimination et rejet marquent cette société humaine à la dérive.
Scénographie épurée, économie de moyens, dans la belle lumière mordorée pensée par Jacques Rouveyrollis, le plateau à peine habillé nous transporte dans la Californie agreste des années 30. La sobriété de la mise en scène tend vers un réalisme rigoureux qui laisse la part belle aux compositions remarquables des dix comédiens, tous épatants. Philippe Ivancic qui joue Lennie, le doux géant aux mains dévastatrices et aux réactions imprévisibles est superbe de naturel, de fragilité paradoxalement inquiétante. Incarnation nuancée, Jean-Philippe Evariste campe avec justesse et émotions George, le dégourdi.
Histoire d'une humanité meurtrie, vaincue, la pièce exprime avec générosité toute la profondeur du texte de Steinbeck. Un moment de théâtre poignant, une soirée bouleversante.
Des souris et des hommes d'après John Steinbeck
Mise en scène : Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic
Direction d'acteurs : Anne Bourgeois
Distribution : Lennie : Philippe Ivancic, George : Jean-Philippe Evariste, La Femme : Dounia Coesens ou Agnès Ramy, Candy : Jean Hache, Carlson : Jacques Bouanich ou Pascal Ivancic, Le Patron : Henri Deus ou Laurent Benoit, Slim : Emmanuel Lemire, Curley : Emmanuel Dabbous, Crooks : Augustin Ruhabura, Whit : Hervé Jacobi
Horaires : Du mardi au samedi à 20h30 - Matinées le samedi à 16h30
Théâtre de la Michodière
4 bis rue de la Michodière - Paris 2
Réservations : 01 47 42 95 22 (du lundi au samedi : entre 11 h et 19 h - le dimanche : entre 11 h et 14 h)
resa@michodiere.com
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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