Nos Adresses : Champeaux, une brasserie contemporaine signée Alain Ducasse, modernité et tradition bistrotière des Halles



Amarré sous la Canopée des Halles, pensé par l'irréfragable chef Alain Ducasse et Olivier Maurey - Le Mini-Palais, L'Ami Louis, Café des Concerts, Ralph's - Champeaux est un vaisseau de verre fileté de lumière. Empruntant son nom au mythique bistrot fondé en 1800, place de la Bourse, et célébré par Emile Zola, cette édition contemporaine raccroche avec esprit le wagon de la brasserie tradi au train du XXIème siècle. Si la vue sur l'église Saint-Eustache, la Bourse de Commerce et le jardin Nelson Mandela est encore cachée pour quelques mois par les échafaudages, la jolie terrasse de quatre-vingt couverts s'est déjà imposée comme l'une des plus courues de Paris. Dans ce lieu spectaculaire où se presse la foule contrastée des Halles, on tutoie les étoiles de la galaxie Ducasse à des prix raisonnables. Répertoire classique revivifié, carte savamment dépouillée, produits travaillés dans la belle intelligence des goûts, sauces aériennes, herbes folles et condiments, la cuisine de marché modernisée a trouvé son nouveau temple. Vif, limpide et chamarré, Champeaux, n'en jetez plus, je suis conquise !










Derrière les baies vitrées, la vaste salle se love le long des courbes pensées par les architectes de la Canopée, Patrick Berger et Jacques Anzuiti. Le décor néo-industriel créé par l'agence Cigüe, chic et sobre, s'inscrit dans l'idée des Halles nouvelles. Plafond traversé de tuyaux, hommage au Centre Pompidou voisin, grand comptoir qui ondoie jusqu'à l'ilot rond du bar, banquettes en cuir, tables en pierre mouchetée, quelques box intimes séparés par des parois de verre, Champeaux joue avec les codes sans hésiter à faire le show. 

Au tableau d'affichage mobile façon gare ferroviaire, carte du jour et fournées de soufflés s'annoncent avec panache dans le cliquetis familier des pales tournantes. Un peu en retrait, un salon privatif déploie des charmes discrets pour des événements en petit comité.












En cuisine, le chef Kevin Kowal met en pratique le savoir-faire Ducasse. Reflet des envies gourmandes du moment, les plats typiques du bistrot parisien, troussés dans une nostalgie gaillardement bousculée, côtoient les tendances tout cru du ceviche, la fusion évidente. Tout est préparé sur place, tour de main impeccable. Clins d'œil aux anciennes Halles, à ses forts, aux gueuletons roboratifs, oeuf mimosa, pâté en croûte, soupe à l'oignon, tartare au couteau, sandwich au bœuf côtoient les plus contemporains croque-monsieur, saumon d'Ecosse taillé épais et crème acidulée. 

Le semainier canaille célèbre les plaisirs culinaires traditionnels, blanquette de veau, vol au vent, revisités dans des versions modernes, légères. Les herbes aromatiques, les condiments relèvent des sauces tout en finesse. Des soufflés épatants, plats signature de la maison, se déclinent en trois versions salées ou deux sucrées. A la carte, la patte Alain Ducasse entre gastronomie triomphante, naturalité éclatante et historicité bistrotière fait mouche.










Sous la houlette de la chef barmaid Marjolaine Arpin, Champeaux sait également se faire mixologiste. Les cocktails aux noms savoureux tels que Le Ventre de Paris, La Halle des Halles rendent hommage à l'histoire du quartier. Je me suis laissée tenter par l'un de ces élixirs signature, Aux Innocents l'été - gin Belair (Distillerie de Paris), bitter épices, poivre Sancho, nectar d'agave, concombre, menthe, citron, 14 euros - joliment rafraîchissant, subtilement parfumé. Ma camarade, quant à elle, a craqué pour le Cosmo du Carreau - vodka Belvédère, triple sec (Distillerie de Paris), bitter prune, cranberry, citron vert 14 euros - qui donne à ce breuvage new-yorkais un accent parigot. La collection de whisky et whiskey, bières pression et petits brasseurs artisanaux complètent une sélection inspirée.

Côté carte des vins, Gérard Margeon, sommelier du groupe Ducasse, veille au grain. A la table de notre dîner s'invite un vin corse, complexe et élégant marqué par une belle minéralité, Patrimonio rouge Niellucciu Domaine Gentile 2014. Généreux, d'une fraîcheur agréable, son caractère boisé et épicé s'anime de notes de fruits rouges gourmandes.

Dans l'onglet des tout crus inspirés des ceviches sud-américains, le Bar, carotte, citron vert et gingembre - 12 euros - faussement innocent, bulle benoîtement dans sa céramique noire. Il a l'humeur radieuse du beau produit respecté subtilement mis en valeur par un toucher amoureux et des assaisonnements piquants. Le Cocktail crevettes avocats à notre façon - 14 euros - compose un tableau verdoyant aux notes acidulées primesautière. Croquante romaine, crevettes translucides cuites dans un bouillon de légume, énergie du pamplemousse et sauce cocktail sucrée salée efficacement épicée, l'assiette sans turbulence est d'une lecture limpide.







Composition apaisée, proposition réconfortante aux accents régressifs, les Coquillettes jambon, comté, truffe noire - 18 euros - réaniment des souvenirs d'enfance avec raffinement. Présentées façon risotto, en sauce mornay, une béchamel à laquelle ont été ajoutés jaune d’œuf et fromage, générosité d'un comté de caractère et moelleux du jambon, les coquillettes al dente habilement tournées se ravigotent, rutilantes, dans le parfum de la truffe. 

La Tranche de boudin noir rissolée, salade de pomme gala - 18 euros - est exceptionnelle. A l'humilité d'un met populaire s'adjoint la vibration heureuse du piment d'Espelette qui réchauffe la pomme confite. L'équilibre est superbe, les nuances gaillardement enrobées. 










Si parmi les desserts, la Mousse au chocolat de la Manufacture, Manufacture du Chocolat dont je vous parlais ici, et la crème brûlée nous font de l'œil, il n'était pas question de passer à côté de la spécialité maison, le Soufflé pistache caramel au beurre salé - 12 euros. Le soufflé à la pistache qui n'a pas été sucré prend toute sa dimension lorsque creusé il reçoit en son cœur la boule de crème glacée pistache abondamment garnie de pistaches entières. Dingues de caramel et pistachios addicts, ne loupez pas cette petite merveille de générosité, emballée, emballante. Ce que personnellement, j'appelle une tuerie. 

La Melba fraise citron - 10 euros - est tout à fait charmante dans ses volutes chantilly où la fraise parfumée converse avec un sorbet citron tout à fait remarquable. Sorbet qui couronne une Tarte au citron -  8 euros - dont la crème a elle seule mériterait quelques poèmes.

Champeaux a bien des atouts. Ses nourritures habiles ont la vélocité gouailleuse, le caractère aimable des plaisirs affirmés, l'efficacité tout en légèreté. Ajoutez à cela un service impeccable, un cadre qui a du chien, voici comment passer une soirée des plus délicieuses.

Champeaux
La Canopée des Halles - Paris 1 
Tél :  01 53 45 84 50
Email : restaurant.champeaux@alain-ducasse.com



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.