Lundi Librairie : Deux ou trois leçons de snobisme - Eric Neuhoff



Deux ou trois leçons de snobisme - Eric Neuhoff : Recueil de chroniques rédigées pour le Figaro Magazine, Deux ou trois leçons de snobisme fustige la vulgarité du monde, entretenant avec humour le vague à l'âme du "c'était mieux avant". Dans l'exercice délicat du billet d'humeur, Eric Neuhoff impose, verbe haut, la souplesse d'une plume alerte, le sens de la formule définitive, l'insolence réjouissante de celui qui revendique avec panache ses propres mauvais goûts. Ses facéties lumineuses teintées de nostalgie nous apprennent l'art d'être snob comme art d'être soi-même. Néo-hussard désenchanté, dandy littéraire assumé, vieux con délicieux qui cultive les élégances surannées, il épingle avec verve le manque de savoir-vivre de nos contemporains. 

En lutte contre l'uniformisation imposée par la société de consommation, triviale culture de masse, il se fait chantre de la frivolité tout en écharpant les conventions mesquines d'une modernité compromise. Acuité du regard, arrogance jubilatoire, ces chroniques décalées égratignent avec délice les us et coutumes de notre temps. Dans une veine drolatique, très pince-sans-rire, les flâneries littéraires d'Eric Neuhoff confirment l'opiniâtreté du gardien des traditions. D'une mauvaise foi désarmante, aussi spirituel que caustique, il maugrée contre les parents qui s'habillent comme leurs enfants, s'irrite de cette manie des téléphones posés sur la table du déjeuner, vitupère contre les cigarettes électroniques, s'exaspère des bistrots branchés sans âme, bougonne contre la rentrée littéraire…

Faisant fi du politiquement correct, pour notre plus grand plaisir, le chroniqueur se fait observateur lucide, témoin acerbe. Insouciance grincheuse des plus libératrices, il distille sa prose distanciée avec une désinvolture féroce, une drôlerie irrésistible. Ode à la langue, sa complexité, ses grâces et sa musique, hymne à l'épicurisme, à un certain art de vivre qui procède d'un sens esthétique que des Esseintes n'aurait pas renié, Deux ou trois leçons de snobisme se révèle antidote souverain à la bêtise ambiante. "Il y a des choses que certains ne pourront jamais comprendre. Allez leur expliquer le goût inimitable d’un gin tonic quand le soir tombe sur la Méditerranée, le délice d’être à l’arrière d’un taxi parisien qui remonte les rues de la nuit, de voir la neige tomber un matin sur le pont Alexandre III. Somme toute, le snobisme constitue un rempart assez solide contre la barbarie. Il ne faut pas le confondre avec la mode. Il vous hisse au-dessus de vous-même. On nous dira que c’est trois fois rien. Raison de plus pour s’attacher au superflu."

Lorsque Eric Neuhoff s'exaspère de l'ostentation contemporaine, l'humour est réjouissant, la plume trempée dans l'acide. Mais c'est avec la sensibilité d'une poésie mélancolique qu'il nous parle des raffinements chers à son cœur, ces élégances intimes qui sont une façon de résister aux modes en cultivant son propre goût. Pour lui, les jolies femmes ont l'allure des Parisiennes de Kiraz, le charme de Gene Tiernez, actrice fétiche d'Otto Preminger, le visage de Sophie Barjac. La littérature prend les traits de Michel Déon, Jacques Chardonne, Emmanuel Berl, Gabriel Matzneff. Le cinéma - encore et toujours, son premier amour - est l'oeuvre de Jean-Pierre Melville, Pascal Jardin.

Eric Neuhoff aime plus que tout prendre un verre à la Rhumerie à Saint-Germain-des-Prés, le champagne, traverser la France avec une caisse de bordeaux dans le coffre, les voitures qui ont de l'allure, prolonger l'été en septembre. Et d'évoquer dans cette liste des snobismes pas si bourgeois, la recette de la sauce des restaurants l'Entrecôte, les cannelés au Cap-Ferret, le tramway rouge à Istanbul. Car "La vie est faite pour relire des Pléiade dans des maisons de campagne en hiver, revoir des films de Claude Sautet en Blue-ray, s’acheter des chaussettes en double dans une boutique de Jermyn Street (en revanche, jamais de demi-bouteille au restaurant), aimer la villa Malaparte à Capri."

Deux ou trois leçons de snobisme - Eric Neuhoff - Editions Ecriture



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.