L'ours est un écrivain comme les autres - William Kotzwinkle : Arthur Bramhall, professeur de littérature à l'université, a pris une année sabbatique pour réaliser son rêve, écrire un roman. Ce grand solitaire s'est retiré dans un chalet au cœur de la forêt du Maine. Son premier manuscrit, plagiat d'un roman à succès qui ne convainc pas ses collègues, est victime d'un coup du sort et part en fumée dans un incendie. Adepte de la machine à écrire, Arthur n'en possède pas de copie. Démoralisé mais pas vaincu, il se remet au travail et rédige une nouvelle oeuvre tout à fait originale, Désir et destinée. Echaudé par ses précédents malheurs, il décide de protéger son manuscrit en l'enterrant sous un arbre. Un ours qui passait par là en quête de nourriture déterre la mallette et s'approprie son contenu. Le roman qu'il trouve épatant pourrait bien être la clé du monde des hommes, un univers où le miel se trouve en abondance dans les linéaires des supermarchés. Se l'attribuant, le plantigrade décide de partir en ville en quête d'un agent littéraire. En hommage à ses céréales préférées, il prend le nom de Dan Flakes. Réprimant ses instincts, il trouve le moyen de s'humaniser pour passer incognito. Attachés de presse et éditeurs se l'arrachent, fous de ce nouveau venu excentrique. L'ours devient très vite la coqueluche du monde littéraire que ces allures bourrues et son côté taiseux séduisent au point qu'il est comparé à Hemingway. Pendant ce temps, à nouveau frappé par le destin, Arthur Bramhall sombre dans la dépression et se met peu à peu à vivre en animal.
Loufoque, burlesque, acide, cette fable animalière volontiers absurde dresse un portrait au vitriol du monde de l'édition. Parabole hilarante, texte ciselé et plume grinçante, William Kotzwinkle signe une satire caustique des milieux littéraires et médiatiques. Auteurs de best-sellers idiots, attachés de presse qui se jettent au cou du premier escroc venu, universitaires pédants, journalistes qui ne lisent pas les livres dont ils parlent, personne n'est épargné.
Alors que ce Candide étrange, obnubilé par le miel et les pâtisseries industrielles, gravit les échelons de la gloire grâce à la mystification du manuscrit disparu, personne ne semble s'apercevoir qu'il est un animal. Rustre et imprévisible, le petit monde de l'édition juge le plantigrade charismatique et il devient rapidement l'écrivain le plus en vue du pays grâce à une tournée médiatique menée tambour battant. Hollywood se précipite pour acheter les droits.
L'ours en costume de tweed, l'écrivain au physique singulier doit faire l'apprentissage des codes sociaux. Se conformant aux usages du monde par mimétisme, il apprend comment être un homme parmi les hommes dans des scènes où le décalage se fait critique corrosive. Les dialogues saugrenus ponctués des paroles sibyllines de Dan Flakes, ses aphorismes définitifs hors propos que les interlocuteurs interprètent à leur manière et où ils ne trouvent que ce qu'ils veulent entendre, donnent au canular une dimension des plus savoureuses.
Fable burlesque, roman spirituel, cette histoire d'ours qui veut devenir humain pour accéder aux joies de la société de consommation est une épopée désopilante d'une férocité souriante.
L'ours est un écrivain comme les autres - William Kotzwinkle - Traduction Nathalie Bru - Editions Cambourakis - Edition de poche 10/18
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire