Lundi Librairie : La chambre de Giovanni - James Baldwin



La chambre de Giovanni - James Baldwin : Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, David, rejeton d'une famille américaine aisée, expérimente la bohème à Paris. Club de jazz à Saint-Germain-des-Prés, bars interlopes de Montparnasse, alors qu'il affirme préférer les femmes, le jeune homme fréquente assidument le milieu homosexuel où sa beauté attire les convoitises. Il s'est fait des amis, plus âgés, plus fortunés, vieux beaux généreux dont il repousse poliment les avances. Tandis que sa très officielle fiancée, Hella, vaguement animée par des velléités artistiques, parcourt seule l'Espagne, David fait la rencontre de Giovanni, un jeune italien solaire qui officie dans le bar de Guillaume. Ils s'aiment au premier regard mais David, confronté à ses désirs refoulés, n'assume pas son attirance pour les garçons. Ils vivent un été hors du temps dans la chambre de Giovanni. Mais peu à peu, l'Américain qui voit cet amour comme une souillure se détourne rongé par la honte et la culpabilité.

James Baldwin évoque dans ce magnifique roman la difficulté d'être à travers une histoire d'amour douloureuse, une grande passion marquée au fer d'Eros et Thanatos. Dans les années 50, la France, vécue comme une terre de liberté et de rupture pour les Américains, n'échappe pas à la réprobation envers l'homosexualité considérée alors comme une maladie mentale ou un fait de délinquance. Entre lois discriminatoires et ordre moral conservateur, les homosexuels subissent toutes formes de répression pour outrage aux mœurs.  

Plume inspirée et sensuelle, James Baldwin retranscrit avec intensité le mystère des troubles émotionnels, la douleur des trahisons. La détresse des personnages, désir d'intégration pour David, solitude et incompréhension pour Giovanni, se révèle à travers des désespoirs individuels déchirants. A la puissance des images répond la subtilité des sentiments. La candeur lumineuse des premières amours nimbe le roman d'une poésie singulière éclairée par une puissante sincérité. Il faut bien de l'audace pour écrire un tel texte en 1957. De l'audace et de la force pour exprimer la dignité de ces hommes rejetés par la société, véritable volonté d'ouverture.

Sensible, intelligent, La chambre de Giovanni a la beauté des tristesses infinies, la grâce du bonheur qui aurait pu être.

"Aime-le, dit Jacques avec véhémence, aime-le et laisse-le t'aimer. Tu crois qu'il y a autre chose qui compte sur cette terre ? Et combien de temps penses-tu que ça puisse durer, au mieux, considérant que vous êtes des hommes et que vous avez toute la vie devant vous ? Pas plus de cinq minutes, je te le garantis, cinq minutes, et la plus grande partie des cinq minutes, hélas ! dans le noir. Et si tu penses qu'elles sont sordides, elles le seront parce que tu ne donneras rien, parce que tu mépriseras ton corps et le sien. Mais tu peux faire que ce soit tout le contraire, vous pouvez vous offrir l'un à l'autre quelque chose qui vous rendra meilleurs à tout jamais, si tu abandonnes cette honte, si tu ne fuis pas le risque."

La chambre de Giovanni - James Baldwin - Traduit de l'anglais par Elisabeth Guinsbourg - Editions Rivages



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.