Expo : Animalement vôtre, dAcRuZ et Marko93, le street art de la rue à la toile - Espace Loft du 34 - Jusqu'au 3 avril 2016



La percée du street art dans les galeries et les musées est le symbole des contradictions qui tiraillent une sous-culture devenue mainstream. La reconnaissance du mouvement passe par une forme de schizophrénie, une intégration, une institutionnalisation nécessaire. Alors que toute pièce réalisée dans la rue est amenée à disparaître, la création en atelier accompagne la recherche de légitimité et de crédibilité menant à un décloisonnement des pratiques. Entrepris dans la rue, l'art urbain facteur d'intensification culturelle change le réel et inversement dans un processus de réciprocité et de catalyse. La projection des murs de la cité à la toile, support vierge et réduit, induit une réinvention du vocabulaire plastique, une nouvelle façon de penser qui vise à créer des passerelles entre les deux principes d'expression. Un grand écart abouti pour les artistes Marko 93 et dAcRuZ qui présentent une exposition commune, Animalement vôtre, jusqu'au 3 avril à l'espace Loft du 34.








Pratique artistique en prise directe avec un public ne fréquentant pas forcément galeries et musées, le street art est caractérisé par sa volatilité, sa non-pérennité. L'intrusion de l'artiste dans le tissu du monde urbain a aboli les frontières établies par les institutions. Accompagnant les mutations urbaines, l'exploration de la ville par le graffeur se prolonge d'une réflexion plus critique plus politique que les œuvres traditionnelles. Porté par des velléités de clandestinité, le street art remet en cause les pratiques conventionnelles à travers l'expression d'une poétique dissidente qui corrige l'esthétique publique ou fait valoir une présence polémique. Présenter l'art ailleurs commande dans les faits de le représenter autrement. Cette évolution impérative interroge la pratique et son sens lorsque les artistes de la rue changent de support et quittent leur musée à ciel ouvert pour les galeries. Effet de reflet entre le chronotope essentiel et la création, esthétique du surgissement, prélèvement du réel à un niveau élémentaire, le street art, art contextuel par nature, doit se réinventer pour trouver sa pleine dimension sur toile.








Marko 93 et dAcRuz partagent un atelier à Saint-Denis au 6B, un nouveau laboratoire d'expérimentation pour ces deux graffeurs qui qualifient leur rencontre il y a cinq dans le quartier de l'Ourcq "d'humaine et artistique". Aspirations communes exprimées différemment, symbolique différente, derrière la représentation animalière au cœur de l'exposition à quatre mains, Animalement vôtre, se glisse un puissant message humaniste. Alors que Saint-Denis est le repère de Marko 93, dAcRuZ s'est fait connaître dans le XIXème arrondissement, plus particulièrement canal de l'Ourcq, dont il est originaire. La performance créatrice du street artist devenu acteur socio-culturel participe de l'identité du quartier où il intervient. Cet art urbain est la formalisation inédite d'une expression artistique physique, participative et déclarative.







Arts premiers, art contemporain, Pop Art inspirent dAcRuZ dans des motifs picturaux forts aux vives couleurs primaires mêlant mythologies précolombiennes, africaines auxquelles il fait de nombreuses références. Plus figuratif, Marko 93, brodent ses oeuvres sur fond de calligraphie orientale. Il a été l'un des premiers dans les années 2000 à repenser les techniques du lightpainting initiées par Man Ray et Picasso. L'évolution de leurs univers est marquée par leurs voyages mais également par les collaborations. Expérimentation perpétuelle, apprentissage permanent, un dialogue singulier s'est établi entre les œuvres des deux artistes, particulièrement frappant dans cette exposition commune, Animalement vôtre.  








Collectif PoDoMa - Artof Popof, Marko 93, dAcRuZ - festival Ourcq en fête, Ourcq Living Colors, prolongent une démarche esthétique et politique. Cette manière de travailler de façon collaborative relève d'une dimension sociale importante ayant pour but de créer du lien social tout en se réappropriant la rue, lui redonner un sens. Périmètre d'intervention et argument artistique, le territoire urbain en expansion permanente est source d'images, de formes, de mouvements et par extension d'idées. Marko 93 et dAcRuZ s'engagent sur les problématiques actuelles participant aux transformations urbaines et culturelles par le biais d'un activisme artistique. La ville est le lieu balisé, administré, surcodé par excellence de la propriété où règne normalisation et préservation somptuaire à visée touristique. La formule plastique du street art requalifie la géographie sensible de la cité en la reconfigurant de façon éphémère. Elle permet de dépasser le système de célébration, de propagande imposé. Cette pratique, violemment correctrice, réinvente l'espace de la cité, prétendument public, que se sont appropriées les firmes privées.







Marko 93 et dAcRuZ collaboreront très bientôt, au projet financé par le Budget participatif de la Ville de Paris, "Les œuvres d'art investissent la rue". Onze fresques pérennes seront réalisées dans onze arrondissements. Marko 93 interviendra dans le VIème et dAcruZ dans le VIIème. A suivre donc.

Animalement vôtre - Marko 93 / dAcRuZ
Jusqu'au 3 avril 2016

Loft du 34
34 rue du Dragon - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.