Cinéma : Keeper, de Guillaume Senez - Avec Kacey Mottet Klein, Galatéa Bellugi - Par Didier Flori



Deux adolescents s’embrassent longuement en gros plan. Maxime (Kacey Mottet Klein) et Mélanie (Galatéa Bellugi) sont heureux, profitant de l’insouciance de leur jeunesse. Ils semblent en osmose, à l’écoute l’un de l’autre. Ainsi lorsque la jeune fille refuse de faire une fellation à son partenaire, avouant qu’elle n’aime pas ça, ce dernier s’excuse auprès d’elle. Leur bel équilibre va cependant se trouver bouleversé avec l’annonce de la grossesse de Mélanie. Que faire face à la perspective de la responsabilité d’être parents quand on a seulement 15 ans ?






Récompensé au festival de Locarno et aux Premiers Plans d’Angers, le premier long métrage du belge Guillaume Senez doit pour beaucoup sa réussite à son refus d’offrir une réponse toute faite à la problématique qu’il traite. Mélanie devrait-elle avorter ou le couple devrait-il garder l’enfant ? Au spectateur de se faire sa propre idée sur la question, et l’auteur s’efforce d’enrichir la réflexion tout au long de Keeper. La diversité de points de vue passe d’abord par les réactions de l’entourage des adolescents, entre fantasmes sur l’entrée précoce dans l’âge adulte avec les potes, soutien des parents de Max ou opposition non négociable de la mère de Mel. Senez et son coscénariste David Lambert parviennent à ne jamais prendre parti, chaque personnage finement écrit ayant une bonne raison de tenir sa position.






L’incertitude se situe aussi du côté du couple de jeunes, et on reconnaît décrite avec justesse l’intensité émotionnelle du vécu de l’adolescence et les revirements qui lui sont propres. Ainsi Max rejette d’abord brutalement Mel quand elle lui annonce qu’elle est enceinte et refuse de la voir, avant de l’encourager à garder l’enfant. Le cinéaste décrit Keeper comme un film sur l’envie, et on retrouve effectivement au cœur du destin de son couple de héros les aspirations, les espoirs et les désillusions. Ce sont les sentiments, et non la raison, qui guident les choix de Max et Mel, et cette sincérité naïve nous les rend profondément attachants.




L’esthétique quasi-documentaire de Keeper ne présente a priori pas grande originalité, dans la continuité du cinéma social des frères Dardenne compatriotes de Senez, ou des anglais Mike Leigh et Ken Loach. Ce choix d’une mise en scène sobre est néanmoins payant par la liberté qu’elle octroie à des comédiens d’un naturel confondant. Les jeunes Kacey Mottet Klein et Galatéa Bellugi sont épatants de maturité mais Catherine Salée, Sam Louwyck et Laetitia Dosch campent des parents tout aussi bien dessinés en quelques scènes.  Senez sait donc se faire discret et se mettre au service de ses acteurs. Son talent de réalisateur n’en est pas moins manifeste dans sa capacité à trouver les images les plus justes pour raconter son récit. Ainsi, tandis que la globalité de Keeper est racontée du point de vue de Maxime, le dénouement du film se joue le temps d’un émouvant plan fixe sur Mélanie ; sans qu’un mot soit prononcé on comprend alors parfaitement aussi bien ce qui conduit à la décision de la jeune fille que le non-pouvoir du jeune garçon face à son devenir possible de père.

Keeper de Guillaume Senez
Avec Kacey Mottet Klein, Galatéa Bellugi, Catherine Salée et Sam Louwyck
Sortie le 22 mars 2016


Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent avec énergie toute la passion pour le 7ème art qui l'anime.