Pierre, un brillant paléontologue immature et Anna, une styliste vaguement névrosée se sont aimés. Six mois après la naissance de leur fils Archimède, Pierre a brusquement quitté Anna. Trois ans plus tard, rongés par les ressentiments, incapables de renouer le dialogue, ils sont contraints de se retrouver lors d'une médiation familiale afin de prendre des décisions concernant la garde du petit garçon. Isabelle et Jeanne, les deux médiatrices liées bien au-delà de leur travail semblent avoir du mal à préserver leur neutralité tandis que l'ancien couple va trouver, à contrecoeur, une forme de catharsis dans cette conciliation imposée par un juge.
D'une situation douloureuse, Chloé Lambert tire une comédie de mœurs très moderne qui renvoie à l'évolution de la société contemporaine. Entre tension dramatique de débats houleux jusqu'à la violence, ressentiments des protagonistes, la pièce allie humour et émotion puisant son énergie dans une certaine fébrilité révélant les intimités et les insécurités. L'angle choisi par l'auteur, également interprète, s'attarde sur les fêlures, la volatilité des sentiments, la difficulté du couple, de la vie de famille.
Les dialogues de cette satire cruelle et drôle sont percutants, mordant. Les mots sont des lames acérées, brandies pour déchiqueter l'autre dans une guerre des nerfs sur le fil du rasoir. L'épaisseur psychologique des personnages se révèle avec finesse au cours de l'intrigue. Tout d'abord excessifs, absurdes dans leur rancœur, ils laissent paraître toute leur ambivalence sous la caricature à visée comique.
Les comédiens évoluent dans un décor très sobre, signé par Jean Haas, encombré par un bureau donnant une sensation de bulle claustrophobique à cette médiation. Un sentiment qui vient souligner avec intelligence le propos. Julien Boisselier qui signe également la mise en scène très énergique est un impeccable Pierre à la diction singulière, nombriliste puéril mais authentiquement touchant dans son rôle de père. Chloé Lambert incarnant Anna, faussement vulnérable, harpie tout crocs dehors quand son désir de demander des comptes la submerge, colore son personnage d'une belle sensibilité. La superbe Raphaëline Goupilleau est Isabelle, la médiatrice en chef. Elle livre une interprétation nuancée, très subtile tandis qu'Ophélia Kolb, dans le rôle de Jeanne, est à la fois piquante et fine.
La légèreté des excès de la comédie peut troubler pour un sujet si aigu mais Chloé Lambert parvient à rendre habilement ce maelstrom de sentiments contradictoires. La belle sensibilité du texte, la sincérité du propos en fondent toute la pertinence. Drôle et émouvante, cette pièce déliée et intelligente est une vraie réussite.
Auteur : Chloé Lambert
Metteur en Scène : Julien Boisselier
Interprète : Julien Boisselier, Raphaëline Goupilleau, Chloé Lambert et Ophélia Kolb
Du mardi au samedi à 21h le dimanche à 15h
75 boulevard du Montparnasse - Paris 14
Réservations : 01 45 44 50 21
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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