Paris : Chemin du Montparnasse, la mémoire artistique de Montparnasse - 21 avenue du Maine - XVème



A deux pas de la trépidante gare Montparnasse, une impasse discrète abondamment fleurie, petite allée bordée d'ateliers rustiques, se révèle impromptue dans l'exubérance de la vigne vierge et de la glycine. Cité des arts miraculeusement préservée, vestige des riches heures du Montparnasse des artistes, survit ici un peu de l'esprit de bohème des années folles. Larges baies vitrées et panneaux de bois, édifices patinés par le temps, pavés disjoints, acacias et lilas, chats paressant sur les auvents, il y règne une douceur de vivre d'un autre temps. Ce lieu de mémoire, carrefour des mixités où résident encore peintres, sculpteurs et photographes, est un joli secret parisien pleine de charme. Poursuivant son destin dédié à la création, le Chemin du Montparnasse accueille l'Espace Krajcberg, du nom du sculpteur polonais naturalisé brésilien Frans Krajcberg et bientôt la Villa Vassilieff, nouvel espace culturel de la Ville de Paris qui ouvrira ses portes en février 2016. Sous l'impulsion des artistes et intellectuels du monde entier qui ont fréquenté les lieux, la diversité et le foisonnement créatif ont marqué l'histoire du Chemin du Montparnasse.









Au milieu du XIXème siècle, au 21 avenue du Maine alors Chaussée du Maine est établi un relais de poste datant du XVIIème siècle. Celui-ci perd peu à peu de son utilité avec le développement de la gare Montparnasse. La Gare de l'Ouest - Rive Gauche construite en 1840 au bord du boulevard Montparnasse, place de Rennes devenue de nos jours place du 18 juin 1940, est un simple embarcadère. Trop restreint pour faire face au développement du trafic, il fait place en 1852 à une nouvelle gare édifiée sous l'égide de l'architecte Victor Lenoir et de l'ingénieur Eugène Flachat. 

Les trains remplacent définitivement les diligences. C'est l'heure des Temps Modernes ! Les locaux abandonnés de l'ancien relai sont rasés et font place à un projet immobilier mené en 1901 par l'avocat Joseph Roux. Il fait bâtir des ateliers en utilisant des matériaux de récupération provenant de la récente Exposition Universelle. Les bicoques de piètres qualité se louent à faible coût, très vite artistes et artisans modestes s'installent. 







En 1908, l'artiste-peintre Marie Vassilieff ouvre l'Académie russe au 54 avenue du Maine. Les querelles constantes des résidents la pousse à déménager Chemin du Montparnasse. En 1912, elle installe son atelier au 21 avenue du Maine. Au fond de l'impasse est créé une nouvelle Académie, lieu de rencontre de l'avant-garde artistique fréquentée par Erik Satie, Henri Matisse, Amadeo Modigliani, Ossip Zadkine, Chaïm Soutine. Un bouillonnement créatif intense. 

Pendant la Première Guerre Mondiale, Marie Vassilief se rendant compte des difficultés matérielles rencontrées par les artistes en temps de conflit ouvre une cantine offrant repas complet et vin. Rapidement, ce club privé qui n'est pas soumis au couvre-feu devient un lieu de rassemblement festif. La visite de Léon Trostki cause quelques désagréments à Marie qui après un passage devant un conseil de guerre passe quelques mois en prison. Chemin du Montparnasse se croise toute l'avant-garde artistique, Aïcha la mulâtresse, artiste venue du cirque, modèle favori de nombreux peintres, Guillaume Apollinaire, Maurice Utrillo, Constantin Brancusi, Amadeo Modigliani, Tsugouharu Foujita, Pablo Picasso, Georges Braque, Jean Cocteau, Blaise Cendrars, Fernand Léger, Max Jacob, Raymond Radiguet, Henri Matisse….








Après la fermeture de l'Académie, le Chemin du Montparnasse continue d'attirer de nombreux artistes, artisans, des cabinets d'architecture comme celui de Gromont et Arretche. L'Ecole des Beaux Arts en fait une annexe où monter des chars. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, l'impasse est le point de chute d'un réseau de la Résistance. 

Vers la fin des années 60, la vaste opération de rénovation urbaine du nom de Maine-Montparnasse -achevée au début des années 70- incluant la reconstruction de la gare, l'érection d'un ensemble d'immeubles de bureaux et d'habitation de grande hauteur dont la Tour Montparnasse, l'esprit du quartier est profondément modifié et le Chemin du Montparnasse fait office de relique.







En 1996, promis à un promoteur qui rêve de béton et de lofts, il est sauvé par une mobilisation citoyenne et populaire. 1998 Sous l'impulsion du photographe Roger Pic, résident du Chemin et de Jean-Michel Drot écrivain et documentariste, directeur de la Villa Médicis à Rome de 1985 à 1994, l'association des amis du Musée de Montparnasse crée en 1998 le musée éponyme afin de promouvoir l'histoire artistique du quartier. En 2013, les Affaires Culturelles de la Ville retire le lieu à l'association et le Musée du Montparnasse ferme ses portes. La Villa Vassilieff, établissement culturel chapeauté par Bétonsalon, Centre d'art et de recherche, lui succède. Elle sera inaugurée en février prochain. Centre d'archives, lieu de rencontres et d'échanges, résidence d'artistes, je ne manquerai pas d'y faire un saut prochainement.

Chemin du Montparnasse
21 avenue du Maine - Paris 15



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Traversées de Paris - Alain Rustenholz - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme

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