Paris : Parc Monceau, splendeurs et misères de l'un des plus beaux jardins de Paris - VIIIème



Le parc Monceau, superbe lieu de promenade, encensé par tous les Parisiens adeptes de verdure, recèle de pittoresques trésors. Remanié sous le Second Empire par l'ingénieur Adolphe Alphand et l'architecte Gabriel Davioud, cet espace vert public a conservé quelques vestiges des jardins romantiques imaginés par Carmontelle pour le duc de Chartres avant la Révolution. Fausses ruines, stèles, tombeau égyptien, colonnes grecques, naumachie évoquent les splendeurs passées des Folies qui s'élevaient dans le quartier de Monceau. Entouré d'hôtels particuliers, devenus aujourd'hui musées dans les meilleurs cas, ou bureaux, le parc Monceau est un joyau serti au coeur de Paris, un jardin prisé des enfants et des sportifs acharnés, un lieu d'inspiration pour les artistes de Claude Monet qui y a réalisé six tableaux évoqués ici, à Georges Braque, Paul Michel Dupuy, Georges d'Espagnat, Gustave Caillebotte, Roger Guit ou encore Henri Brispot.









Dès les premières décennies du XVIIIème siècle, dans les parages encore champêtres du Faubourg Saint Honoré sont construits de coquets hôtels particuliers au luxe ostentatoire où grands de ce monde, aristocrates et financiers, abritent leurs amours clandestines. Ces folies rivalisent d'élégance, symboles de réussite et d'opulence. Le duc de Chartres (1747-1793), futur duc d'Orléans qui prend le nom de Philippe-Egalité après la Révolution, acquiert un terrain situé dans la commune de Monceau en 1769. Sur ce domaine, il fait bâtir par l'architecte Louis-Marie Colignon "la folie de Chartres", un pavillon octogonal entouré de splendides jardins à la française. 

Le duc n'aura de cesse de le transformer, toujours plus fastueux, jusqu'à sa mort. En 1773, les travaux à peine terminés, il décide d'agrandir les jardins, de leur donner un aspect plus au goût du jour. Louis Carrogis dit Carmontelle, peintre et paysagiste à ses heures perdues est chargé de dessiner un parc dans l'esprit des jardins à l'anglaise mais réunissant "tous les temps et tous les lieux". C'est alors la mode des fausses ruines antiques, des fabriques, et de l'exotisme oriental. 









Les Ruines du temple de Mars en marbre blanc répondent à la Naumachie, une colonnade entourant un bassin dont les éléments proviendraient de la chapelle funéraire dite rotonde des Valois de la basilique Saint-Denis commandée par Catherine de Médicis et détruite au XVIIIème siècle. Sur ce plan d'eau se jouent des reconstitutions de batailles navales célèbres pour le plaisir des visiteurs. Une "salle des marronniers" ombrage un édicule où est conservée une copie du Faune Barberini par Edme Bouchardon, appartenant aujourd'hui aux collections du Louvre. Les fabriques de Carmontel, un tombeau égyptien sous forme de pyramide, des stèles, un obélisque, un sarcophage, jouent les divertissements cocasses. 

Houdon sculpte un groupe de deux femmes au bain, l'une en marbre l'autre en plomb, pour le bassin des baigneuses. La figure de marbre est conservée, celle en plomb a été détruite mais une réplique en bronze est conservée au Musée Nissim de Camondo. Fermettes, cabaret, vignes italiennes, petits pavillons français, moulins hollandais, à vent et à eau, minaret, tentes turques et tatares complètent un tableau paradisiaque.









En 1780, le duc de Chartres fait évoluer le pavillon en un ensemble somptuaire orné de marbre, brèche et bronze, suivant le tracé d'une croix de Saint-André. Thomas Blaikie, jardinier écossais de grand talent, entre à son service à cette époque et modifie les plans des jardins de Carmontel. Il imagine notamment un jardin d'hiver avec une salle hypogée relié au pavillon par des serres chaudes. L'expansion est freinée par la construction de l'enceinte des Fermiers Généraux. L'architecte Claude-Nicolas Ledoux dessine la rotonde ouest des bureaux d'octroi de ce mur, rotonde qui nous est parvenue légèrement modifiée.  

Lorsque Philipe-Egalité est exécuté en 1793, le parc Monceau devient la propriété de l'Etat. Loué pour y organiser fêtes et spectacles, il est progressivement laissé à l'abandon au cours des décennies qui suivent, il ne reste aujourd'hui que peu de vestiges de cet ancêtre de notre actuel parc Monceau. Le pavillon est rasé au début du XIXème siècle et le domaine entre dans le domaine impérial en 1811. Un nouveau pavillon est construit par l'architecte Bénard sur l'emplacement de l'ancien. 

En 1814 est planté un platane d'Orient qui est toujours présent de nos jours. Il détient le record du plus gros tronc parmi les arbres parisiens, avec un diamètre de 7 mètres. A la Restauration, la famille d'Orléans reprend possession du parc en 1819. Le futur Louis-Philippe confie la réhabilitation des jardins à l'alsacien Schoëne. En 1830, il fait don du domaine à ses enfants afin de préserver le patrimoine familial tandis que sa sœur Adélaïde leur lègue en 1847 ses parts. En 1852, l'Etat conteste la première donation. Les terrains sont confisqués. 









Durant le Second Empire, sous l'impulsion de Napoléon III et du préfet Haussmann, Paris est remodelée en s'inspirant de la moderne Londres. Le VIIIème arrondissement connaît des transformations de grande ampleur. Les industriels et les banquiers, résidents du quartier, Pereire, Rothschild, Camondo, Ménier investissent et font construire hôtels particuliers, immeubles de rapport, tracent de nouvelles rues. C'est un chantier permanent. 

En 1860, le percement du boulevard Malesherbes se prolonge. Les enfants de Louis-Philippe à qui il ne reste que les biens transmis par leur tante, sont expropriés. La ville de Paris achète le domaine de 18 hectares situé entre les actuels boulevards et rue de Courcelles et la rue de Monceau. La moitié est revendue au banquier Emile Pereire qui lance une opération immobilière d'envergure. Il fait construire trois avenues rayonnantes, Van-Dyck, Ruysdaël et Velasquez et trois rues, Murillo Rembrandt, Alfred-de-Vigny, toutes fermées par des grilles et où les grandes familles de l'époque se font bâtir de somptueux hôtels particuliers.










L'aménagement du parc Monceau, dont il reste huit hectares, par l'ingénieur Adolphe Alphand, chef des Promenades et Plantations de Paris, et le lotissement de ses abords modifient singulièrement le paysage urbain. La promenade publique est inaugurée le 13 août 1861 en même temps que le boulevard Malesherbes. De la folie de Chartres, il reste quelques vestiges. La Naumachie, la pyramide, quelques fragments épars du temple de Mars. La rotonde d'Orléans est dotée d'un dôme plus haut et plus ouvragé. 

Le plan du parc revisité suit un parcours axé sur deux allées principales en croix le boulevard de Monceau, actuelle avenue de la comtesse de Ségur, et l'avenue de la Rotonde, actuelle avenue Ferdousi, desservies par de nombreuses allées secondaires. Des massifs pittoresques sont imaginés. Grotte artificielle, petit pont agrémente le jardin. Les vestiges de l'Hôtel de Ville incendié en 1871 par les Communards sont dispersés dans plusieurs lieux publics dont le parc Monceau qui hérite du portique situé près de la Naumachie, une arcade Renaissance qui ajoute au charme des lieux. Les jardins sont alors fermés par des grilles d'inspiration Louis XV dessinées par l'architecte Gabriel Davioud, forgées par la société Ducros.









Au début du XXème siècle, des monuments dédiés à des écrivains et des musiciens prennent place dans le parc : Guy de Maupassant par Raoul Verlet en 1897, Charles Gounod par Antonin Mercier en 1903, Ambroise Thomas par Alexandre Falguière, Frédéric Chopin par Jacques Froment-Meurice en 1906, Edouard Pailleron par Leopold Bernstamm en 1904. Plus récemment, une lanterne japonaise a trouvé place dans le parc en 1986 pour rappeler le pacte d'amitié scellée le 14 juillet 1982 entre les villes de Paris et Tokyo, par Jacques Chirac, maire de Paris, et M. Shun-Ichi-Susuk, gouverneur de Tokyo. Façonnée en 1786, le dixième shogun du shogunat Tokugawa au Japon, elle est donc contemporaine de la Folie de Chartres du duc d'Orléans.

Parc Monceau - Paris 8
Accès : 35 boulevard Courcelles - boulevard de Courcelles, avenue Vélasquez, avenue Van Dyck, avenue Ruysdael
Horaires d'ouverture : octobre à avril de 7h à 20h, mai à août 7h à 22h, septembre de 7h à 21h

Bibliographie
Le guide du promeneur 8è arrondissement - Philippe Sorel - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Le guide du patrimoine - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme

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