Sur l'île d'Orphalese, Almitra, une petite fille de huit ans, ne parle plus depuis qu'elle a perdu son père. Kamila, sa mère, élève seule la fillette qui ne cesse de s'attirer les foudres des commerçants du village à cause de ses espiègleries. Un jour qu'elle s'échappe sur le chemin de l'école et suit sa mère jusqu'à son travail. Kamila est gouvernante auprès d'un prisonnier politique assigné à résidence dans les collines. Il s'agit de Mustafa, un artiste humaniste, dissident épris de liberté, enfermé depuis sept ans pour ses idées et ses écrits. Almitra et le poète se lient d'amitié. Alors que des gardes annoncent à Mustafa qu'il est libéré et pourra très vite retourner dans son pays, l'enfant surprend une conversation inquiétante entre les soldats. Escorté par ses gardiens, Mustafa traverse le village jusqu'au port, profitant de cette randonnée pour dire au revoir aux habitants qui lui témoignent leur amitié, heureux de pouvoir l'écouter une dernière fois.
Adapter l'oeuvre du poète libanais Khalil Gibran, recueil de vingt-six essais philosophiques nécessitait une certaine audace. Ouvrage poétique intemporel, philosophique et politique car profondément libertaire, Le Prophète de Gibran représente un défi pour les réalisateurs. Salma Hayek-Pinault, la productrice d'origine libanaise par son père, a voulu rendre hommage à son héritage et à ce pays à travers un auteur emblématique. Pour illustrer les réflexions poétiques sur l'existence, aux sources de la sagesse orientale, parcourir les thèmes universels abordés dans le livre, elle a fait appel à Rogers Allers, spécialiste de l'animation, réalisateur du Roi Lion, grand maître d'oeuvre de cette création chorale.
Dépassant le concept d'une suite de courts-métrages, film se déploie en une structure particulière comparable à la démarche du Fantasia de Disney. Des vingt-six poèmes qui composent le recueil de Gibran, huit ont été choisis, séquences oniriques au symbolisme fort, rêveries animées. Une trame narrative qui fait lien entre les différents chapitres a été imaginée comme fil conducteur. Ce récit centré sur les personnages de Mustafa et Almitra s'inspire librement de la vie de Khalil Gibran.
Les chapitres ont été réalisés par huit grands maîtres de la nouvelle vague de l'animation internationale. Ces spécialistes ont pu illustrer chacun à leur manière les poèmes dans une liberté de style et d'interprétation absolue, multipliant les techniques et les approches. Le résultat d'une grande richesse visuelle relève d'une esthétique picturale plurielle et fascinante qui donne vie au ton lyrique de la poésie en prose tout en illustrant la spiritualité de l'oeuvre originelle. L'irlandais Tomm Moore s'est inspiré des arabesques de Gustav Klimt pour créer la très belle séquence Sur l'Amour tandis que l'américain Joan Gratz rend hommage aux impressionnistes, à Millet et à Van Gogh dans le segment Sur le Travail. Joann Sfar signe un tango chorégraphié par Philippe Découflé illustrant le chapitre Sur le Mariage.
Les royaumes de l'imaginaire et de l'enfance se mêlent à travers une galerie de tableaux animés, un voyage visuel, une expérience profonde bien qu'inégale. Les passages en chanson, dont la musique flirte avec la mièvrerie, m'ont quelque peu gêné et je n'ai pas toujours été sensible aux propositions plastiques. Célébrant les plaisirs de la vie, la beauté du monde, Le Prophète délivre un message généreux qui évoque l'âme humaine et les choses simples de l'existence. Un projet ambitieux et complexe, imparfait mais intéressant qui pourrait dérouter les plus jeunes mais enchantera les amoureux de Khalil Gibran.
Le Prophète - Inspiré du recueil "Le Prophète" de Khalil Gibran - Réalisé par Roger Allers
Sortie le 2 décembre 2015
Sortie le 2 décembre 2015
Neuf artistes co-réalisateurs : Tomm Moore, Michal Socha, Joan Gratz, Nina Paley, Bill Plympton, Joann Sfar, Mohammed Harib, Paul et Gaëtan Brizzi
Avec les voix de Salma Hayek-Pinault, Mika , Nicolas Duvauchelle
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