Lundi Librairie : La logique de l’amanite - Catherine Dousteyssier-Khoze - #MRL15



La logique de l’amanite - Catherine Dousteyssier-Khoze : Vieux misanthrope, fin lettré autodidacte d’un snobisme confinant à la pédanterie, mycologue chevronné vouant une passion exclusive aux cèpes, Nikonor s’est retiré loin du monde sur les terres familiales. Alors qu’il attend une visite qu’il pressent menaçante, il entreprend, dans l’urgence, de rédiger ses mémoires. Fils d’un aristocrate corrézien très terroir et d’une anglaise russophile, il voue dès son plus jeune âge une haine farouche et réciproque à sa sœur jumelle Anastasie. Leur enfance idyllique au château de la Charlanne n’est perturbée que par le défilé des précepteurs aussitôt arrivés aussitôt repartis, fuyant devant les tourments imaginés par Nikonor. Devenu jeune adulte, celui-ci, pressé par ses parents de trouver une profession, monte à Paris pour faire son Droit. Peu enthousiasmé par l’enseignement académique, il préfère se lancer dans des activités annexes interlopes. Son père en ayant eu vent, lui fait d’âpres reproches lors de son retour en Corrèze. Peu de temps après, il décède dans des conditions étranges. Secrets de famille, disparitions, morts suspectes, qui est vraiment Nikonor ?

Baigné dans une atmosphère étrange et délétère, La logique de l’amanite est, à l’image de ce champignon dont l'apparence très avenante est responsable de 95% des accidents mortels, subtilement trompeur. Catherine Dousteyssier-Khoze dresse une fresque burlesque marquée par une bonne dose d’humour noir très britannique. Surprenante, volontiers grinçante, cette farce jubilatoire, sous prétexte d’autobiographie imaginaire qui vire à la confession, a la l’extravagance sombre des romans gothiques du siècle dernier.

L’apparente légèreté du narrateur, vieil excentrique antipathique, fétichiste du cèpe que le lecteur prend en affection presque malgré lui, cache des zones d’ombre au-delà du cynisme d’une classe sociale en voie de disparition. Alors que les indices inquiétants se multiplient au cours du récit ponctué de décès équivoques, ellipses, non-dits et sous-entendus font virer la comédie à l’acide dans une ambiance de plus en plus lourde, un climat trouble dont toutes les clés ne seront pourtant pas révélées. Beaucoup de questions restent en suspens alors que se clôt le récit.

Cocasserie et finesse font aussi bien songer à l’humour d’Evelyn Waugh qu’à la fantaisie débridée d’Amélie Nothomb pour ce texte au style classiquement maîtrisé ponctué de saillies drolatiques très pince-sans-rire. Hommage à la littérature et aux champignons, roman intelligent et érudit, La logique de l’amanite pèche parfois par excès de détails et références scientifiques. Les longues pages traitant de mycologie qui ouvrent l’œuvre, freinent un peu l’entrée dans l’histoire en elle-même, un peu comme si le lecteur, pris en otage, était tenu d’écouter les radotages d’un vieil oncle au sujet de ses lubies. Nikonor nous impose ses verbiages et c’est vaguement assommant.

Morceau de littérature à l’univers très personnel, cet ouvrage, drôle et intelligent bien qu’imparfait, brille par son originalité. Un nouvel écrivain à suivre donc.

La logique de l’amanite - Catherine Dousteyssier-Khoze - Editions Grasset
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