Le XVIIème arrondissement que nous connaissons aujourd’hui fut pendant longtemps le domaine privilégié des chasses royales où la présence de l’homme se manifestait par les seuls cultures maraîchères et vignobles. A partir du XVIIème siècle, les Batignolles régulièrement mentionnés dans les actes officiels désignent un grand champ situé à l’emplacement de l’actuel quartier des Epinettes. La Fourche, qui fait frémir bon nombre d’usager de la ligne 13, se nomme le carrefour de la croix de « l’orme Montmoyen ». Les Parisiens s’y rendent lors de leurs congés pour boire quelque petit vin frais dans les guinguettes, à l’ombre du Mur des Fermiers Généraux élevé en 1787, barrière douanière honnie par la population. Ils y rêvent de villégiature paisible et champêtre loin du tumulte et des remugles de la Capitale. Le succès de ces établissements perdure tout au long des XVIIIème et XIXème siècles assurant celui des Batignolles alors rattachés à la ville de Clichy. La séparation se fait en 1830. Au début du XIXème siècle entre Batignolles et Ternes, s’étend une vaste étendue verdoyante à travers la plaine fertile où les champs maraîchers ne cèdent la place qu’à de petits bois préservés. Les chemins de terre rarement empierrés sont fréquentés par les porteurs d’eau et les muletiers. La commune des Batignolles se composent alors de petits pavillons entourés de jardins, de modestes immeubles mais un théâtre y a déjà vu le jour, le chemin de fer et une usine flambant neuve ne tardent pas à donner à la ville une réputation de modernité.
L’annexion à la ville de Paris en 1860 modifie singulièrement la donne. A partir de 1870, artistes renommés et demi-mondaines séduits par le charme du nouvel arrondissement, font construire ateliers et villas luxueuses notamment autour de la plaine Monceau. Il y a à peine plus de 160 ans les rues succèdent aux chemins. L’urbanisation est en marche. De nos jours, dans le XVIIème, la mutation de l’arrondissement se fait en douceur avec parfois quelques ratés mais pas de destruction systématique contrairement à Belleville dans les années 1970.
Derrière les majestueuses façades parisiennes se dissimulent de nombreuses surprises préservées mais moins accessibles que les trésors du XIXème et du XXème. La diversité des atmosphères et de l’architecture ne peut que réjouir les amoureux de Paris. Pousser une porte, déjouer un digicode, emprunter une ruelle étroite et c’est tout le pittoresque des Batignolles qui se révèle dans la présence de petites maisons, de jardins abondamment fleuris où les arbres trouvent encore place pour s’épanouir, vestiges des prairies des Ternes et des Batignolles.
Au 47 bis avenue de Clichy, la cour Saint Pierre s’ouvre en entonnoir. Les pavés trottent le long d’une voie d’un peu plus de cent mètres de long qui se termine en impasse. A l’origine cité d’artisans, il est dit qu’autrefois, les chevaux du champ de course de l’Hippodrome de Montmartre ouvert en 1899 en remplacement de celui de l’Alma et devenu plus tard le Gaumont Palace, y paradaient avant de courir.
Dans les années 1980, la cour Saint Pierre est une cité d’artistes informelle où une communauté composée de musiciens, écrivains, peintres, photographes lui donnent son allure bucolique en cultivant une atmosphère de petit village. La ruelle est embellie par de nombreuses plantations. Le soir quelques tables et des chaises installées en extérieur sont l’occasion de dîners entre amis devenus une tradition. Le calme de la cour est préservé par la présence à son entrée d’un cinéma pornographique dont la façade dissimule l’accès de ce petit havre de paix, repoussant les curieux en lui donnant un air des plus louches. Des travaux d’assainissement entrepris en 1984 lui redonne définitivement un nouveau souffle.
La situation idyllique se gâte un peu au cours des années 90. Le cinéma est détruit pour faire place à un petit immeuble d’habitation révélant l’entrée secrète au public et des promoteurs aux dents longues s’avisent de l’existence de l’oasis urbaine jusqu’à la menacer de destruction par leur appétit du gain. L’association de Défense du Village de la Fourche s’insurge et bataille ferme parvenant à la sauver. De nouvelles restaurations sont lancées et pour préserver la tranquillité des habitants des doubles grilles donnant sur l’avenue sont installées. Aujourd’hui, la Cour Saint Pierre est accessible de jour mais le petit paradis ferme ses portes la nuit venue. L’association Cour Saint Pierre perpétue l’esprit des artistes des années 80 en organisant expositions, animations et événements culturels autour des arts plastiques. L’Atelier Terre de Sienne d’Isabelle Kessedjian propose cours de peinture, de dessin, de sculpture pour enfants et adultes. La vocation créatrice de la Cour est bien devenue une tradition. Moderne.
Cour Saint Pierre
47 bis avenue de Clichy – Paris 17
Bibliographie
Paris secret et insolite – Rodolphe Trouilleux – Parigramme
Le Guide du Promeneur de Paris 17ème – Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Sites référents
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